L'équipe d'Espagne féminine de football ou sélection féminine de football d'Espagne représente l'Espagne dans les compétitions internationales de football féminin. Elle a été créée officiellement par la Fédération d'Espagne de football en 1983, bien qu'existant depuis 1971, lorsque le foot féminin n'était reconnu à un niveau officiel ni par la RFEF ni par la FIFA[3].
Elle s'est qualifiée pour la première fois de son histoire à un Euro féminin en 1997 où elle y atteint les demi-finales, soit sa meilleure performance dans la compétition ; tandis qu'elle dispute son premier Mondial féminin en juin 2015[4]. Dirigée depuis par Montserrat Tomé, elle remporte la Coupe du monde 2023 à l'occasion de sa 3e participation à la grande messe mondiale et décroche ce faisant son premier titre majeur. Par la suite, elle remporte la Ligue des nations 2023-2024 dès l'inauguration de cette nouvelle compétition, ce qui lui permet de réaliser un doublé et de se qualifier pour la première fois aux Jeux olympiques lors de l'édition 2024.
Le football féminin en Espagne
Le premier match de football recensé dans la presse espagnole remonte au . Jouer à Barcelone, ce match philanthropique, dont la recette est destinée à la Fédération féminine contre la tuberculose, oppose l'équipe de La Giralda à celle du Montserrat, et se conclut par un score de 2-0. Il s'attire le critiques acerbes du journal El Mundo desportivo : « Cette première représentation de la femme dans le football masculin ne nous satisfait pas, non seulement en raison de son manque d'aspect sportif, mais aussi parce qu'il oblige les descendantes de notre mère Eve à adopter des positions aussi peu appropriées qu'inélégantes, éliminant la grâce féminine. »[5].
En 1970, malgré l'absence de reconnaissance du football féminin en Espagne, plusieurs clubs naissent dans la clandestinité. Tel est le cas des premières équipes féminines d'Espagne, le Mercacredit et le Sizam, ultérieurement renommé Olympique de Villaverde. Ceux-ci ont disputé la première rencontre de football féminin en Espagne sur le terrain de Boetticher, dans le quartier de Villaverde, à Madrid[3]. Le terrain a fait le plein avec 8 000 spectateurs, de nombreux autres ne pouvant y accéder[3].
Rafael Borne, alors président du Mercacredit et postérieurement de l'Olympique de Villaverde, fut le véritable impulseur du foot féminin en Espagne, en arrivant à remplir avec ses matches des terrains comme ceux des Margaritas de Getafe, La Rosaleda, La Condomina, La Rosaleta, l'Arcangel ou le Vivero[n 1],[n 2],[n 3],[n 4],[n 5],[n 6].
Les premières sélections officieuses
Le succès recueilli conduit à la première sélection féminine de football d'Espagne, encore non reconnue officiellement du fait de la dictature franquiste, où se rencontrent les meilleures joueuses féminines du moment et qui joue un rôle important dans le rétablissement de la place des sportives après la guerre, et dont le porte-drapeau est Conchi Sánchez, surnommée «Amancio» (en l'honneur du footballeur du Real Madrid), qui a joué dans des clubs italiens et anglais, et marqué près de 600 buts dans sa carrière[3].
La sélection a disputé sa première partie en 1971, face à la sélection portugaise à La Condomina de Murcie avec un résultat de 3-3 le [3]. Ce match se déroule malgré des tentatives phalangistes d'empêcher les joueuses d'atteindre les vestiaires et des menaces d'emprisonnement pour les spectateurs en tribune[6]. Les Espagnoles jouent en maillot rouge dépourvu d'écussion national et sans hymne national en avant-match[6]. Quelques mois après, l'équipe a effectué son premier voyage à l'étranger pour faire face à la sélection italienne dans le Stadio Comunale de Turin[3]. Les joueuses espagnoles ont disputé la partie sans porter les couleurs de leur pays, et la fédération espagnole ne reconnut aucun caractère officiel à cette rencontre. Les Italiennes gagnèrent haut la main, avec un score sans appel de 8-1, probablement dû à la grande différence d'âge entre les joueuses, les plus âgées des joueuses espagnoles ayant à peine 14 ans[3].
Une organisation féminine, la FIEFF, organise un Mondial Féminin de 1971 au Mexique, bien que la FIFA ne lui ait accordé aucun caractère officiel, puisqu'elle n'était pas responsable de son organisation. La sélection espagnole, malgré sa brève année d'existence, fut invitée à participer à cette compétition en raison de ses excellentes actions dans divers matchs amicaux[3], ce qui n'aboutit pas en raison d'une interdiction de la fédération espagnole, présidée alors par José Luis Pérez-Payá, qui refuse de reconnaître la sélection féminine de football, ce qui perdure jusqu'à 1983[6].
Reconnaissance officielle
En 1980, la pratique féminine de football en amateur est reconnue par la fédération espagnole dirigée par Pablo Porta[6]. En 1983, l'équipe féminine est officialisée comme membre de la Fédération royale espagnole de football, en disputant la rencontre face à la sélection portugaise le , qu'elle perdit par 0-1 dans le stade de La Guardia, et la première victoire officielle eut lieu lors d'un match disputé à Zurich face à la Suisse[7].
La rébellion de l'équipe féminine nationale en 2015
Après les mauvais résultats au Mondial 2015, les 23 joueuses sélectionnées réclament par communiqué la démission de leur sélectionneur et entraineur Ignacio Quereda en raison de la mauvaise planification de la concentration et du voyage jusqu'au Canada, des méthodes machistes et dévalorisantes employées avec le groupe, du manque de matchs amicaux et des trop rares analyses du jeu de leurs rivales proposées par le sélectionneur. Quereda indique en réponse au communiqué qu'il ne souhaite pas démissionner, et que les précédentes joueuses ayant tenté de l'attaquer se sont vu refuser toute nouvelle sélection dans l'équipe nationale[8],[9]. Le sujet est répercuté à Vicente Temprado, responsable fédéral du football féminin, qui prend le parti de Quereda, reprochant à Natalia Pablos et Vero Boquete leur incapacité à se mettre au niveau des adversaires et leur féminisme extrême[10]. Vicente opte pour confier la décision à Ángel María Villar, président de la Fédération Espagnole de Football et vice-président de la FIFA.
Après diverse déclarations des joueuses, les 23 sélectionnées de l'équipe d'Espagne annoncent qu'elles refuseront de jouer tant que Quereda restera en fonction ; elles indiquent avoir pris contact avec toutes les capitaines d'équipe de première division, et avoir le soutien de leurs supporters. Elles reprochent au sélectionneur national Vicente del Bosque d'avoir pris le parti de Villar et Quereda[11].
Le , la commentatrice de football Ana Rossen indique que la question n'est pas réglée, et que la résolution du problème passe, au-delà d'un changement d'entraîneur, par la création de structures stables destinées à épauler le football féminin[12]. Le , Ángel María Villar élude la question relayée par Javier Tebas, président de la ligue de football professionnel qui a fustigé sa présidence la veille, et félicite au contraire l'équipe espagnole et plus particulièrement son entraineur pour sa participation à la Coupe du monde[13].
Ignacio Quereda est remplacé le par Jorge Vilda, auparavant sélectionneur de l'équipe des moins de 19 ans. Il affiche comme objectif d'être sélectionné lors du tournoi européen de 2017[14].
Tensions en 2022
En septembre 2022, quinze joueuses espagnoles font savoir à leur fédération qu'elles contestent les méthodes de travail du sélectionneur Jorge Vilda qui influeraient sur leur « état émotionnel » et leur « santé » et se mettent en retrait de la sélection. La fédération révèle la situation dans un communiqué et annonce son appui à son entraîneur[15].
Sacre à la Coupe du monde 2023
L'Espagne déjoue les pronostics lors de la Coupe du monde 2023 en remportant la compétition pour la 3e participation de son histoire à une phase finale. Placée dans le groupe C au 1er tour, la Roja se défait aisément du Costa Rica (3-0) et de la Zambie (5-0) mais chute lourdement contre le Japon lors du match pour la première place (0-4) et termine 2e, se qualifiant ainsi pour la phase à élimination directe. Elle affronte au tour suivant la Suisse, première du groupe A et qui n'a elle aussi jamais passé le cap des 1/8e de finale. L'Espagne corrige son adversaire (5-1) au cours d'un match à sens unique et est opposée aux Pays-Bas en quarts de finale. Les coéquipières d'Alexia Putellas s'imposent 2-1 en prolongations, Salma Paralluelo ayant inscrit le but libérateur à la 111e minute alors que la Néerlandaise Stefanie van der Gragt avait répondu dans le temps additionnel à l'ouverture du score sur penalty de Mariona Caldentey 10 minutes auparavant. En demi-finale, la Roja élimine la Suède sur le même score que face aux Oranje mais cette fois-ci dans le temps réglementaire, grâce à des réalisations tardives de Salma Paralluelo (81e minute) et d'Olga Carmona (89e minute) tandis que Rebecka Blomqvist avait égalisé pour les Blågult une minute avant le second but espagnol, au cours d'une rencontre longtemps indécise. Les joueuses de Jorge Vilda retrouvent en finale l'Angleterre, championne d'Europe en titre et qui avait éliminé les Espagnoles en quart de finale de l'Euro 2022 disputé outre-Manche (1-2 en prolongations dans une rencontre marquée par un arbitrage litigieux sur l'égalisation anglaise dans les dernières minutes du temps réglementaire), pour une finale inédite, aucune des 2 équipes n'ayant atteint ce stade de la compétition dans leur histoire. L'Espagne domine globalement le match et est récompensée par un but d'Olga Carmona à la 29e minute de jeu, le seul de la partie (1-0), qui lui permet de prendre sa revanche du quart de l'Euro perdu un an plus tôt et de glaner son premier titre international majeur.
Cette victoire finale représente une performance remarquable : l'Espagne a disputé seulement sa 3e phase finale (élimination au 1er tour en 2015, huitième de finaliste en 2019), le sélectionneur Jorge Vilda déjà contesté avant la compétition en interne depuis plus d'un an par 15 joueuses dont la majorité, issue de Barcelone (meilleur club espagnol, vainqueur de 2 des 3 dernières Ligues des champions féminine), n'est pas revenue en sélection pour cette Coupe du monde, l'a été également pendant la compétition[16] ; l'Espagne a affiché des signaux inquiétants lors du revers face au Japon en phases de poule. Bien que tout n'ait pas été parfait lors de cette Coupe du monde, à l'instar de 2 penalties manqués par l'attaquante Jennifer Hermoso lors du premier match contre le Costa Rica ainsi qu'en finale face à l'Angleterre qui aurait pu permettre d'aborder la fin de match plus sereinement, ou encore un but contre son camp improbable de la défenseure Laia Codina face à la Suisse en 1/8e de finale qui a permis un temps à la Nati d'égaliser avant de sombrer, outre cette défaite face aux Nadeshiko Japan, cependant la montée en gamme du football espagnol s'inscrit globalement dans la lignée de l'amélioration des performances des clubs espagnols, comme en témoigne les récents titres du Barça en Ligue des champions féminine et la professionnalisation du championnat espagnol. L'Espagne devient par ailleurs la 2e nation européenne à avoir remporté une Coupe du monde à la fois chez les femmes et chez les hommes après l'Allemagne, puisque ses homologues masculins avaient obtenu leur premier titre 13 ans auparavant à l'occasion de la Coupe du monde 2010, eux aussi après avoir perdu un match lors du 1er tour (0-1 face à la Suisse d'entrée). Enfin, Aitana Bonmatí est élue meilleure joueuse du tournoi et Salma Paralluelo, meilleure jeune joueuse.
Tensions post-coupe du monde 2023
Après la victoire de l’équipe en finale de coupe du monde, lors du sacre, Luis Rubiales, à ce moment-là président de la RFEF, a embrassé de force une des joueuses, Jennifer Hermoso. Cela montre que le harcèlement sexuel est encore ancré à cause d’un problème sociétal dû aux relations dynamiques de pouvoir[17]. L’ampleur médiatique de cet acte a éclipsé leur premier titre mondial. En plus des tensions déjà existantes à cause de Jorge Vilda, cela a entraîné de nouvelles grèves de la part des joueuses.
Du côté, plus positif, pendant différents évènements footballistiques (qu’il soit amical ou avec un enjeu au niveau championnat), de nombreuses joueuses internationales et joueurs internationaux mais aussi des clubs ont montrés leur soutien. L’équipe de San Diego Wave ont porté des bracelets de soutien avec inscrit « Contigo Jenni »[18] [traduction : Avec toi Jenni]. Les slogans comme celui-ci ont aussi été présents sur des bannières lors des matchs de La Liga et de la Copa de la Reina, comme cela été le cas avec les joueurs de l’équipe masculine de Cadiz, lors du match du contre Almería[19]. Pendant le match amical féminin de Barcelone contre le Club América du , les joueuses ont tenu une bannière «
SeAcabó ¡ NO ESTÁS SOLA ! » [traduction : #C’est terminé. Tu n’es pas seule !] comme marque de soutien[20].
Le , les joueuses espagnoles sont entrées en grève avant le rassemblement de septembre. Lors de ce dernier, la joueuse Jennifer Hermoso n’a pas été sélectionnée. De plus, malgré les discussions, deux joueuses, Mapi León et Patricia Guijarro ont décidé de quitter le rassemblement car les changements n’étaient pas terminés.
Par la suite, l'Espagne ne se montre pas affectée par ces tensions sur le plan sportif, puisqu'elle domine aisément son groupe à l'occasion de la toute première édition de la Ligue des nations, avec 5 victoires et une seule défaite (2-3 à domicile contre l'Italie). Cette première place de groupe lui permet de se qualifier pour la phase finale où elle a l'avantage de disputer ses rencontres à domicile. Elle reçoit d'abord les Pays-Bas en demi-finale du Final Four et écarte facilement ces dernières (3-0). En finale, elle affronte la France, un adversaire qu'elle n'avait encore jamais battu en 13 confrontations (3 nuls pour 10 défaites dont 7 d'affilée). Les protégées de Montserrat Tomé mettent fin à cette série noire en prenant la mesure des Bleues au terme d'une rencontre maîtrisée (2-0). Grâce à ce succès, l'Espagne enchaîne une 2e finale victorieuse consécutive et se qualifie pour la première fois de son histoire aux Jeux olympiques pour l'édition Paris 2024[21].
JO de Paris 2024
Pour sa première participation, l'Espagne a terminé en tête du Groupe C, remportant ses trois matches de groupe et accumulant neuf points (2-1 contre le Japon, 1-0 contre le Nigeria et 2-0 contre le Brésil)[22].
En quart de finale contre la Colombie, l'Espagne a marqué deux buts en fin de match pour égaliser à 2-2. Le match s'est finalement décidé aux tirs au but, au cours desquels l'Espagne a battu la Colombie 4-2[23]. Bien que considérée comme favorite pour la médaille d'or, l'Espagne a été battue par le Brésil lors d'un match qui a été largement considéré comme une surprise[24],[25],[26]. Les publications ont pris note de la domination du Brésil et des lacunes de la défense espagnole[27]. L'Espagne a finalement été battue par l'Allemagne lors du match pour la médaille de bronze, l'équipe nationale ayant concédé un penalty adverse et raté le sien dans le temps additionnel de la seconde période[28]. Son incapacité à obtenir une médaille a été décrite comme une contre-performance[29].
↑(es) Vicente Martínez Calatrava, Los primeros pasos del futbol femenino en España, Cuadernos de Fútbol, nº 20, 1er avril 2011, (ISSN1989-6379), lire en ligne
↑(en) Vivian Krauchek et Gillian Ranson, « Playing by the Rules of the Game: Women's Experiences and Perceptions of Sexual Harassment in Sport* », Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, vol. 36, no 4, , p. 585–600 (ISSN1755-6171 et 1755-618X, DOI10.1111/j.1755-618X.1999.tb00965.x, lire en ligne, consulté le )
↑(en) « SPAIN 2(4)-2(2) COLOMBIA - WORLD CUP WINNERS ADVANCE TO OLYMPIC GAMES SEMI-FINALS AFTER DRAMATIC PENALTY SHOOT-OUT », Eurosport, (lire en ligne, consulté le ).
↑« How Brazil Shocked Spain In The 2024 Olympic Semifinal », Forbes, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Celia Balf, « Brazil stuns world champion Spain in Olympic semifinals, advance to Gold medal match vs USWNT », Goal, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) « Brilliant Brazil stun Spain to set up USA final », FIFA, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Will Conroy, « SPAIN V BRAZIL - OLYMPIC WOMEN'S FOOTBALL SEMI-FINAL - RECAP », Eurosport, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) « SPAIN 0-1 GERMANY: GUILIA GWINN PENALTY SETTLES BRONZE MEDAL MATCH IN FAVOUR OF GERMANS », Eurosport, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Ameé Ruszkai, « Emma Hayes leads USWNT to Olympic gold, but concerns for Spain, France, Canada: Winners and losers from Paris 2024 », Goal, (lire en ligne, consulté le ).