Si sa renommée repose aujourd'hui principalement comme « maître du grand Paganini », son rôle a pourtant été très important dans le développement des techniques du violon et de l'alto. Certaines des innovations techniques utilisées plus tard par Paganini, comme le pizzicato de la main gauche, l'utilisation des positions très élevées au violon et à l'alto, les passages en octave, etc., ont été introduites par Rolla.
Biographie
Rolla naît en Lombardie, un an après Mozart. Après les rudiments du clavier acquis dans sa ville natale sous la direction d'un prêtre, Sanpietro[1], il étudie le contrepoint à la cathédrale de Milan de 1770 à 1778 avec Giovanni Andrea Fioroni[2], originaire de Pavie lui aussi, et élève de Leonardo Leo. Il prend successivement des leçons de violon de Renzi et Conti[1]. À 15 ans, il est premier alto dans l'orchestre de la basilique Saint-Ambroise, sous la direction de Giovanni Battista Sammartini. En 1772, il fait sa première apparition publique en concert dans un concerto pour alto. Il participe au poste d'altiste dans l'orchestre lors de l'inauguration du théâtre de La Scala de Milan en 1778[2].
Parme
En 1782, âgé de 25 ans – peut-être grâce à Giuseppe Sarti[2] –, il est nommé alto solo de la chambre et dans l'orchestre du duc de Parme ; en 1792, à la mort de Giacomo Giorgi[1], il passe au pupitre des violons. Parallèlement il se produit à plusieurs reprises à Bergame, Mantoue, Crémone, Novara et Gênes. En 1801, outre son poste de premier violon, il est responsable des concerts, c'est-à-dire chef de l'orchestre.
Entre 1795 et 1797, il donne des leçons à Niccolò Paganini, et lui conseille de prendre des leçons d'harmonie avec son compatriote génois Gaspare Ghiretti. Paganini rend compte des circonstances : « ayant trouvé dans la chambre de Rolla un nouveau concerto par lui, je le jouais à première vue, Rolla en fut étonné, et au lieu de m'enseigner le violon, me conseilla d'étudier le contre-point sous la direction du maestro Ghiretti, Napolitain, violon de la cour et célèbre contrapuntiste qui fut aussi le maître de Paër[3]. »
Cette rencontre entre Rolla et Paganini est importante, tant pour l'élève que pour le maître. Leur amitié devait durer toute leur vie. Paganini confiait souvent son admiration dans sa correspondance.
En 1808 – la même année que la création de la maison d'édition Ricordi –, il enseigne violon et alto au conservatoire, fondé l'année précédente par Eugène de Beauharnais sur le modèle parisien. En 1813, il échappe à la purge lorsque la ville passe sous domination autrichienne. Ses œuvres sont éditées partout en Europe : chez Leduc et Imbault à Paris, Artaria à Vienne, Breitkopf & Härtel à Leipzig, Monzani & Hill à Londres, chez Offenbach, puis Ricordi à Milan à partir de 1809.
Dès 1811, il participe à une association de musique de chambre avec pour répertoire la musique allemande de Haydn, Mozart ou Beethoven. C'est au sein de l'association qu'il donne en privé les symphonies nos 4, 5 et 6 de Beethoven, en 1813. Pendant les années 1813–14, il se produit avec Paganini en duo de nombreuses fois[2].
L’Allgemeine musikalische Zeitung de 1812 affirme que Rolla « jouit en Italie du prestige du meilleur violoniste et c'est bien le cas. Celui qui n'a pas fait connaissance de Viotti, Kreutzer, Rode, Spohr et quelques autres violonistes français et italiens le prend effectivement pour le meilleur violon du monde. »
En 1813, Rodolphe Kreutzer lui rend visite. Trois ans plus tard, c'est Louis Spohr pendant sa tournée italienne. Il en admirait « sa force et sa précision », comme il l'écrit dans ses mémoires, et lui confia la création de son concerto pour violon no 8. La même année, Stendhal[2] écrit qu'il a du « brio dans les pièces de virtuosité ». Il ajoute que la police avait fait prier Rolla « de ne plus jouer de l'alto ; il faisait évanouir toutes les dames : ceci est un fait »[4].
Lorsqu'en 1832, le jeune Verdi se présente au conservatoire, Rolla est dans le jury. Sans doute à cause de son âge (et de sa provenance « étrangère », sujet du duché de Parme), le musicien n'est pas accepté, mais Rolla – qui avait exercé à Parme pendant vingt ans – oriente Verdi vers Vincenzo Lavigna, le claveciniste de La Scala[5].
L'année suivante, il prend sa retraite de La Scala, puis du conservatoire en 1835. Il meurt en 1841, dans sa 84e année, un an après son élève le plus célèbre, Paganini. Parmi les autres musiciens auxquels il enseigna à Milan, on cite Cesare Pugni, compositeur de ballet, et professeur de violon – Rolla dirigera deux de ses opéras, Il Disertore Svizzero (1831) et La Vendetta (1832) – Bernardo Ferrara (1810–1882) et Achille Graffigna (1816–1896).
Rolla a eu trois fils, tous musiciens : Ferdinando (1782–1831) devient altiste ; Filippo (Pietro) (1784–1842) pianiste et compositeur, enseignant au conservatoire de Milan ; Antonio Giuseppe (1798–1837), premier violon de l'opéra de Dresde entre 1823 et 1832, lui aussi compositeur, s'est vu dédicacer le concerto en ré majeur, BI 510.
Le portrait du peintre Andrea Appiani (1799) est conservé à Milan[6]. Un sonnet de Giuseppe Bossi dit : Rolla « a éclairci la mer sombre mugissant sous la tempête et a fait se relever les murailles de Thèbes par son chant. »
Style
Pendant ses cinquante années de carrière, Rolla a traversé plusieurs époques aux goûts différents, charnière entre le classicisme et le romantisme virtuose. Son inventivité se situe exactement au même niveau que Haydn et Boccherini[2], comme le dit Andreas Moser[7] : « Si seulement les concertistes avaient le courage d'inclure à leurs programmes l'un des trios, quatuors ou le Quintette à cordes de Rolla, le public écouterait avec stupéfaction l'excellence de cette musique, qui se situe entre celle de Haydn et celle de Boccherini. » Sa musique concertante est influencée par Mozart[2]. Dans sa musique de chambre l'empreinte est dans le droit fil de Beethoven, notamment dans l'ouverture du Quatuor en fa mineur de op. 2, qui évoque ouvertement le premier quatuor de l'opus 18.
Œuvres
Le catalogue thématique des œuvres de Rolla a été établi par Luigi Inzaghi et Luigi Alberto Bianchi en 1981. Il recense 576 œuvres dont 275 publiées et 301 manuscrits. le « BI » précédant les numéros y fait référence.
Musique pour orchestre
12 symphonies, BI 529-540
Sinfonia en ré majeur, BI 530
Sinfonia en ré majeur, BI 531
Sinfonia, BI 532
Sinfonia en ré majeur, BI 533
Sinfonia en si- bémol majeur, BI 540
Musique concertante
21 concertos pour violon et orchestre, BI 506-523
15 concertos pour alto et orchestre, BI 541-555
Concerto pour cor de basset en fa majeur (), BI 528. Arrangement d'une œuvre antérieure des années 1810 pour basson, et pourtant l'une des meilleures du genre selon John Newill[8].
Concerto pour basson en fa majeur, BI 527
Concerto pour flûte en ré majeur, BI deest
Concertino en mi bémol majeur pour alto, violoncelle et basson BI 388
Concertino en mi bémol majeur pour alto (1808) BI 546
Concertino en mi bémol majeur pour alto (1808, éd. F. Lucca, Milan vers 1830) BI 328
Divers divertimenti et variations
Ballets
Ballets, BI 502-505, 556-566
Adelasia (vers 1779, Milan) BI 556
Gli sponsali di Ciro con Cassandane (1789, Novare)
Iserbeck e Zachinda (1802, Parme) BI 557
Il turco generoso (1802, Parme)
La locanda (1802, Parme)
Elosia e Roberto o Il conte d'Essex (1803, Reggio Emilia)
Pizarro ossia La conquista del Perù (1807, Milan)
Abdul (1808, Vienne) BI 562
Achille in Sciro (1808, Vienne) BI 563
Musique de chambre
Duos
126 duos pour 2 violons, BI 111-241
78 duos pour violon et alto, BI 33-110
3 duettos concertants opus 7, BI 37, 60, 50
Duetto en do majeur, op. 7 no 1
Duetto en mi-bémol majeur, op. 7 no 2
Duetto en ré mineur, op. 7 no 3
3 duettos concertants opus 15
Duetto en mi bémol majeur, op. 15 no 1
Duetto en la bémol majeur, op. 15 no 2
Duetto en ut majeur, op. 15 no 3
32 duos pour 2 altos, BI 1-32
3 duos pour violon et violoncelle, BI 242–244 (1821)
16 duos pour violon et guitare
4 duos pour 2 guitares, BI 284-287
Duo pour 2 mandolines avec harpe, BI 334-335 (1804)
Musique de chambre, Trios op. 1 livre I, Quatuors op. 2°, Duos op. 7, œuvres pour violon et piano - La Camerata Ducale di Parma : Ruggero Marchesi, violon ; Roberto Ilacqua°, violon ; Stefano Marcocchi, alto ; Jorge Daniel Rossi, violoncelle ; Roberto Guglielmo, piano (avril–, 4CD Symphonia SY 99167)
Trois Duos concertants pour violon, violoncelle - Luigi Mangiocavallo (violon), Claudio Ronco (violoncelle) (, Symphonia SY 95135)[10] (OCLC34831025)
Tre Trio concertanti (1827) - Il Trio Concertante (1993, Symphonia SY 93524)[11] (OCLC163187639)
Tre duo concertanti per violino e viola, op. 5, BI 61, 85, 101 - Marco Rogliano, violon ; Luca Sanzò, alto (, Tactus TC751802) (OCLC53942631)
Duos et Duettos, opus 4, 7, 9, 13 - Isabelle Faust, violon ; Thomas Riebl, alto (2004, Pan Classics) (OCLC811566783)
Duos pour violon et violoncelle, BI 242–244 - Dora Bratchkova, violon et Alina Kudelevič, violoncelle (, CPO 999 964-2) (OCLC54099875)
Concertos et Symphonies (BI 528°, 533, 540) - Mario Cabotta, flûte ; Denis Zanchetta°, cor de basset ; Orchestre de chambre classique de Milan, Dir. Massimiliano Caldi (8–, Dynamic CDS 429) (OCLC811240092)
Bibliographie
(it) Luigi Inzaghi et Luigi Alberto Bianchi, Alessandro Rolla : catalogo tematico delle opere, Milan, Nuove edizioni, , 298 p. (OCLC8752713)
(en) Antonio Rostagno, The New Grove Dictionary of Music and Musicians : Rolla, Alessandro, Londres, Macmillan, (édité par stanley sadie) seconde édition, 29 vols. 2001, 25000 p. (ISBN9780195170672, lire en ligne)
François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique. [vol. 7], Paris, Firmin-Didot, 1866–1868, 553 p. (OCLC614247299, lire en ligne), p. 298.
Walter Willson Cobbett (trad. Marie-Stella Pâris), Dictionnaire encyclopédique de la musique de chambre, t. 2, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1627 p. (ISBN2221078489, OCLC43700189, BNF37058055), p. 1233.
Pietro Zappalà et Paolo Giorgi, Verso un nuovo catalogo tematico di Alessandro Rolla dans (it) Alessandro Rolla, Un caposcuola dell’arte violinistica lombarda, Lucques, Libreria Musicale Italiana, coll. « Strumenti Della Ricerca Musicale » (no 15), , 402 p. (ISBN978-88-7096-622-0, OCLC700414888, lire en ligne [PDF]), p. 357–383.
(en) Albert R. Rice, From the Clarinet D'Amour to the Contra Bass : A History of Large Size clarinets, 1740-1860, Oxford University Press, , 488 p. (ISBN0199711178, OCLC373185474, lire en ligne), p. 210–211.