Annie Rey-Goldzeiguer, née le à Tunis et morte le à Massiac[1], est une historienne, spécialiste de l'Algérie coloniale. Elle a soutenu une thèse sur les initiatives du Second Empire en Algérie et l'évolution des sociétés traditionnelles sous la colonisation : Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III (1861-1870) en 1974.
Elle a aussi publié un ouvrage, reconnu important par tous les spécialistes de la période : Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, en 2002.
Biographie
Repères
Annie Rey-Goldzeiguer est née en 1925 à Tunis. Rey est son nom d'épouse, Goldzeiguer son nom de naissance.
Famille
Son père, David Goldzeiguer[2], est un immigré russe, fils d'un industriel juif du port d'Odessa, arrivé en France en 1905[3],[4]. Il suit des études de médecine à Montpellier et devient docteur en 1913. Engagé volontaire, « à titre étranger », il sert dans les formations sanitaires au front, particulièrement à l'ambulance 5/16 de la 32e division d'infanterie[5].
Sa mère, issue d'une famille de petits vignerons du Midi, est institutrice à Bar-sur-Aube et infirmière pendant la Première Guerre mondiale. C'est dans un hôpital de campagne qu'elle rencontre le médecin Goldzeiguer[3]. En 1919, ils s'installent à Tunis où ils se marient[3],[6],[n 1].
Jeunesse
En 1940, Annie Goldzeiguer découvre Alger, lors de vacances[7] : « elle repart bien vite à Tunis pour échapper à la tutelle directe du régime de Vichy. Son père est cependant déporté en Grande Allemagne au camp d'Oranienbourg »[3],[n 2].
En 1943, avec sa mère, elle s'installe à Alger et s'inscrit à l'université : « j'ai vécu alors à Alger dans le milieu, fortement politisé, des étudiants de l'université. J'y ai participé à la manifestation du : j'ai été traumatisée par la manifestation nationaliste et sa répression brutale. Mais le véritable choc fut le 8 mai 1945, quand j'ai vu et compris la riposte violente de l'aviation française sur la Petite Kabylie. J'ai alors vécu intensément la ruine de mes illusions »[8]. De ces événements, date une prise de conscience anti-coloniale :
« Avant guerre, ma famille habitait Tunis, où je suis née. J'appartenais à un milieu libéral, anti-raciste, laïque [...] Jusqu'alors [], je voyais plutôt dans la colonisation une "mission civilisatrice". D'autant que, en Tunisie, mon père était médecin et avait accès à ceux qu'on appelait les "indigènes". À mon arrivée à Alger, ma première impression a été épouvantable. J'ai vu pour la première fois ce qu'était la colonisation. Elle était très différente de celle qui existait en Tunisie »[7].
Mariage
En 1948[4], elle épouse Roger Rey (1925-2010)[9], saint-cyrien, officier d’active de l’armée française de 1944 à 1952 en Indochine et à Madagascar, devenu militant au service du FLN à partir de 1957[10]. Elle l'avait rencontré à l'université d'Alger en 1943. Mariée, ayant deux enfants, elle le suit à Madagascar jusqu'en 1952[3].
Études
Elle obtient son bac à Alger en 1943[4] puis son agrégation d'histoire en 1947[11] à la Sorbonne à Paris.
Après les événements de , Annie Goldzeiguer avait pris une décision : « Je me suis jurée de quitter l'Algérie et de n'y revenir qu'après l'indépendance. J'ai tenu parole » a-t-elle déclaré à Gilles Perrault en 1983[3]. À Alger, en 1962, sous l'influence de Charles-André Julien[12], « elle consacre ses recherches, sa thèse sur le Royaume arabe et ses publications à l'histoire coloniale de l'Algérie, tout en revenant à la maison familiale près de Tunis »[3].
Elle soutient sa thèse en Sorbonne, le , sous le titre Royaume arabe et désagrégation des sociétés traditionnelles en Algérie[13],[14]. Le directeur en est Charles-André Julien[14].
Carrière professionnelle
Au retour de Madagascar, en 1952, Annie Rey-Goldzeiguer enseigne à Paris[3]. Après sa thèse, elle devient maître de conférence, puis professeur, puis professeur émérite et enfin honoraire à l'université de Reims.
Selon sa fille, Florence Rey, Charles-André Julien : « souhaitait qu'elle quitte la fac de Reims pour celle de Tunis. Mais c'est à ce moment-là qu'on lui a signifié qu'elle n'y serait pas la bienvenue. Mais maman ne lâche jamais. Quand Bourguiba l'a reçue en lui disant : "vous êtes une dangereuse gauchiste", elle lui a répondu : "oui, une dangereuse gauchiste mais comme vous !". Ils ont discuté pendant deux heures et il lui a dit : "toi, tu repars plus". Elle est restée deux ans et elle dit toujours qu'elle a passé les plus belles années de sa vie en Tunisie »[4].
Annie Rey-Goldzeiguer a dirigé 13 thèses de doctorat[15]
Opinions politiques
À partir de 1952, Annie Rey-Goldzeiguer milite au PCF[3].
« Elle est affectée à la cellule du XIe arrondissement [de Paris] qui est aussi celle de Gérard Spitzer et de Victor Leduc, qui sont critiques, à travers la publication oppositionnelle L'Étincelle, du refus du débat sur les crimes de Staline et sur le vote des pouvoirs spéciaux en Algérie par les députés communistes en . Elle a aussi des échos des protestations de la cellule Sorbonne-Lettres par André Prenant, alors assistant de géographie à la Sorbonne, spécialiste de l'Algérie avec lequel elle partage un intérêt passionné pour tout ce qui se passe dans ce pays. Avec un grand ressentiment à l'adresse du PCF, Annie Rey-Goldzeiguer se joint au groupe de La Voie communiste et participe à l'aide au FLN »[3].
En 2011, elle est signataire d'un manifeste intitulé : « Non à un hommage national au général Bigeard »[16].
En 2014, elle participe à l'« Appel des 171 pour la vérité sur le crime d’État que fut la mort de Maurice Audin »[17].
Don de sa bibliothèque
Annie Rey-Goldzeiguer a fait don de sa bibliothèque personnelle (3 500 ouvrages) à l'Institut d'histoire de la Tunisie contemporaine[4].
Publications
Ouvrages
Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Alger, Sned, 1977.
Histoire de la France coloniale, tome 1, « Des origines à 1914 »[18], Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer, Armand Colin, 1991. Elle est l'auteur de la troisième partie : « La France coloniale de 1830 à 1870 ».
Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du nord-constantinois, La Découverte, 2002.
« L'occupation germano-italienne de la Tunisie : un tournant dans la vie politique tunisienne », in Les chemins de la décolonisation de l'empire français, 1936-1956, colloque IHTP, dir. Charles-Robert Ageron, 4 et , éd. CNRS, 1986, p. 294-308. Extraits.
Préfaces
Élisabeth Mouilleau, Fonctionnaires de la République et artisans de l'empire. Le cas des contrôleurs civils en Tunisie (1881-1956), L'Harmattan, 2000.
Charles-André Julien, L'Afrique du Nord en marche. Algérie, Tunisie, Maroc, 1880-1952, éd. Omnibus, 2002 (« Charles-André Julien (1891-1991). Une pensée, une œuvre, une action anticoloniales », p. III-XIII).
↑ abcdefghi et jNotice REY-GOLDZEIGUER Annie, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Maghreb, dir. René Gallissot, les éditions de l'Atelier, 2006, p. 532-533.
↑En exergue du livre publié à partir de sa thèse, elle écrit : « À mon maître, Charles-André Julien pour son exigeante et amicale autorité », Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Sned, 1977, p. 5.