Ses principaux revenus proviennent du tourisme, surtout culturel : elle compte de nombreux vestiges antiques comme le temple d'Apollon à Phana, ainsi que des monuments byzantins, comme le monastère de Néa Moni. Le sud produit également du mastic, gomme naturelle tirée de la résine du lentisque, ce qui vaut à Chios son surnom de « l'île du mastic ».
Peuplée par des colons grecs au XIe siècle av. J.-C., elle est le lieu de naissance d'Homère selon certains auteurs.
Géographie
La superficie de l'île de Chios est de 842,28 km2. L'île mesure 51 km de long sur 29 km dans sa plus grande largeur, dans sa partie nord. Elle se trouve à 6,8 kilomètres à l'ouest-nord-ouest du cap turc de Batı Burnu (« cap de l'Ouest » en turc, en grecKato Panagia ou Bianco pour les génois) situé à l'une des extrémités occidentales de la province d'Izmir. L'Ákra Agios Fokás, dans le sud de l'île de Lesbos, est distant vers le nord-nord-est de 47 km de l'extrémité septentrionale de Chios.
L'île est située dans l'archipel des Sporades orientalesSporades orientales.
Histoire
De l'Antiquité au Moyen Âge
Chios est réputée pour être le lieu de naissance d'Homère. Cette tradition prend sa source dans le vers 172 de l'un des Hymnes homériques, l'hymne à Apollon délien où le poète dit de lui-même : « C'est un aveugle, qui réside à Chios la rocailleuse ». De fait, Chios abrite ensuite la « confrérie des Homérides », groupe de rhapsodes qui prétendent descendre spirituellement d’Homère. Parmi les autres natifs célèbres de l'île, on peut citer Ion le poète tragique, l'historien Théopompe, le sophiste Théocrite, le géomètre Hippocrate ou encore Métrodore.
L'île est peuplée par des colons grecs dès le XIe siècle av. J.-C. Chios était à l'origine gouvernée par un roi et la transition ultérieure vers un régime oligarchique s'est produite au cours des quatre siècles suivants. Elle fait également partie de la confédération ionienne. Au moment de la conquête de Cyrus le Grand en , elle est protégée par son statut insulaire.
Au printemps de l'année , une flotte achéménide de 200 vaisseaux partie de Milet fait escale sur la côte sud-est à Caucasa (?) en attente des vents du nord pour faire route vers Naxos. Après une dispute avec le tyranAristagoras de Milet, le commandant Mégabatès(en) (contre son frère chef d'expédition Artapherne) envoie quelques hommes prévenir les Naxiens de la prochaine attaque sur leur île[2].
Elle se joint ensuite aux autres cités grecques lors de la grande révolte de à l'origine des Guerres médiques, et envoie 100 trières pour la bataille de Milet. Soumise par les Perses en à la bataille de Ladé, elle entre dans la ligue de Délos à la fin des guerres médiques. En , sept ans après le début de la guerre du Péloponnèse, Athènes, suspectant une défection de Chios, force les citoyens à abattre leurs murs.
En , Chios est ensuite parmi les premières cités ioniennes à effectivement faire défection. Athènes envoie un contingent qui ravage l'île et met le siège devant la ville. Malgré une révolte des esclaves, Chios ne tombe pas. Athènes, menacée par ailleurs en mer Égée et en Asie Mineure, lève alors le siège.
Pendant toute l'antiquité grecque, Chios est une société esclavagiste renommée, jouissant d'une prospérité exceptionnelle, mais tristement célèbre pour la violence qu'elle fait subir aux personnes dans la servitude. Cette situation dure du 5e au 1er siècle av. J.-C. À cause de cette violence, l'ile est comme en état de guerre permanente. Les gens de Chios sont les premiers des grecs à acheter des esclaves avec de l'argent, toujours des barbares, disent-ils. Jusqu'alors, les esclaves étaient fournis uniquement par les conquêtes militaires. Pour les auteurs grecs, seul le premier cas, l'achat d'une personne barbare, marque son état d'esclave ; dans le second cas, ils considéraient que les personnes étaient placées dans la servitude à titre collectif[3].
Les marchands de Chios ont participé activement au développement des réseaux de traite à partir du 6e siècle av. J.-C.. Hérodote parle de Panionios de Chios, qui a fait fortune dans le commerce des eunuques, pour Sardes ou Éphèse. Les Chiotes revendent les esclaves dans les marchés égéens. Ils s'approvisionnent en Asie et dans le Pont (région). Ils collaborent avec les Thraces par l'intermédiaire de la ville de Marónia (Rhodope). Ils maitrisent les routes maritimes dans toute la méditerranée orientale jusqu'à la botte italienne. Dès le 7e siècle av. J.-C. des céramiques de Chios se retrouvent partout dans cette zone, et également en mer Noire. Le choix de l'esclave-marchandise soutient une économie d'échange florissante, basée sur la production et l'exportation de vin[3].
En 1346, Chio (Scio, en génois) est conquise par la république de Gênes et restera sous son contrôle pendant un peu plus de deux siècles. La gestion en est confiée à une sorte de société par actions, la « mahone de Chio »[4]. Cette dernière tire la majorité de ses revenus du commerce de l'alun exploité en face, sur le continent anatolien, à l'Ancienne et la Nouvelle Phocée qui lui appartiennent aussi, et qui est stocké et exporté depuis l'île.
À partir du règne de Mehmed Ier, la « mahone de Chio » paie tribut à l'Empire ottoman. En 1455, les deux Phocée sont conquises par les Ottomans, faisant perdre à l'île les revenus tirés de son commerce[5].
En 1456, le 25 novembre, Jacques Cœur meurt de maladie ou d'une blessure sur l'île alors qu'il commande une flotte du pape Calixte III partie combattre les Turcs. Il est enseveli au milieu du chœur de l'église des Cordeliers de la ville de Chios, église par la suite, détruite par les Turcs[6].
En 1528, Gênes passe dans l'orbite de l'empire espagnol, ennemi des Ottomans, ce qui compromet la présence « latine » sur l'île, alors considérée comme une possible base avancée chrétienne[5]. L'amiral turc Piyale Pacha, à la tête d'une flotte d'environ 120 galères et d'environ 30 000 hommes, investit l'île le 14 avril 1566[7].
Aux XVIe et XVIIe siècles, Chios est une société avancée, prospère, de haute culture et d'une grande liberté religieuse. Au XVIIe siècle, les peintres de Chios sont très recherchés et l'un d'entre eux réalise un cycle de l'Apocalypse unique en son genre dans le Dodécanèse à l'Église de la Dormition de la Théotokos sur l'île de Rhodes[8].
En représailles contre l'insurrection grecque, le massacre de Chios perpétré par les Ottomans contre la population grecque de l'île en avril 1822 constitue un des épisodes les plus célèbres de l'histoire de l'île, qui était alors l'une des plus riches de la mer Égée et que les insurgés grecs tentèrent de rallier à leur cause. Le sultan Mahmoud II désirait faire un exemple qui impressionnerait ses sujets insoumis, et qui vengerait le massacre des Turcs par les Grecs à Tripolizza l'année précédente.
Après le débarquement d'un millier de partisans grecs, la « Sublime Porte » envoya près de 45 000 hommes avec ordre de reconquérir puis raser l'île et d'y tuer tous les hommes de plus de douze ans, toutes les femmes de plus de quarante ans et tous les enfants de moins de deux ans, les autres pouvant être réduits en esclavage[9].
Le bilan est estimé à 25 000 morts, et 45 000 Grecs ont été vendus comme esclaves. Seulement 10 000 à 15 000 personnes auraient pu s'enfuir et se réfugier principalement dans les autres îles de l'Égée. Ce massacre de civils par les troupes ottomanes marqua l'opinion publique internationale et contribua au développement du philhellénisme.
Le rattachement à la Grèce (1912)
La marine grecque libère l'île pendant la première guerre balkanique, le 11 novembre 1912, lors d'une opération amphibie disputée, mais brève. Le traité de Londres de mai 1913 prévoit que les grandes puissances occidentales régleront la situation des îles ottomanes de la mer Égée, et l'occupation grecque est validée au traité de Bucarest.
L'actuelle municipalité de Chios, qui recouvre la totalité de l'île, a été créée par la réforme des collectivités de 2011 par la fusion de huit anciennes municipalités qui en devinrent des unités communales[10] :
La région de Mastichochoria, dont deux villages Pyrgí et Mestá ont un caractère médiéval marqué, doit son nom au mastic. Le mastic est un extrait d'un arbuste de la famille des pistachiers : le lentisque. La variété chia de l'île est la plus réputée aujourd'hui et ceci depuis l'Antiquité. Son mastic est très pur. Dans les années 1970 s'est répandue la mode de le parfumer à la vanille, la fraise ou le coco, comme les glaces, mais les producteurs ont ensuite insisté pour revenir au goût propre du mastic de l'île de Chios, dont la production a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO en 2014. Près de 5 000 personnes vivent de la récolte du mastic, soit 10 % de la population de l'île répartie dans une vingtaine de villages au sud de l'île[12].
Chaque année, deux églises du village de Vrondádos(el) célèbrent Pâques d'une façon particulière : des milliers de feux d'artifice sont tirés par les deux églises l'une contre l'autre, l'objectif étant de toucher le clocher de l'église adverse pour gagner. Cette tradition remonte à 1889 ; à l'époque les Ottomans avaient confisqué les armes à feu utilisées habituellement pour tirer des salves d'honneur à Pâques.
Personnalités
Homère (VIIIe siècle av. J.-C.), poète semi-légendaire, né sur l'île selon certains auteurs ;
↑François Garnier, Journal de la bataille de Lépante, Éditions de Paris, coll. « L'Histoire au présent », .
↑(el) Angeliki Katsioti, O εικονογραφικός κύκλος της Aποκάλυψης του Iωάννη του Θεολόγου στο ναό της Kοίμησης της Θεοτόκου στο Aσκληπιείο Pόδου (1676-7), Athènes, Academy of Athens, , 128 p. (ISBN978-960-404-200-5, présentation en ligne).
↑Philip P. Argenti, The Massacres of Chios described in contemporary Diplomatic Reports, ed. John Lane, Londres, 1932.