Avant le début du conclave, le Collège des cardinaux était divisé en plusieurs camps, formant deux blocs[1]:
Le groupe de la Curie – il comprenait deux camps de cardinaux membres de la Curie : les Anziani (anciens) – un petit groupe de cardinaux élevés par le pape Clément XII dirigé par le cardinal-neveuNeri Maria Corsini; et les zelanti – un groupe de cardinaux conservateurs, mené par le cardinal Giuseppe Spinelli, qui refusait toute influence des monarques séculiers sur le gouvernement de l’Église.
Un certain nombre de cardinaux élevés par Benoît XIV (les "iuniores", jeunes) n'appartenaient officiellement à aucun camp, mais la majorité d'entre eux partageaient les idées de l'Union des couronnes, en particulier celles du cardinal Portocarrero.
Cependant, pendant le conclave, les frontières entre ces deux camps allaient s'estomper. À la fin du conclave, on avait davantage une opposition entre le camp impérial allié aux zelanti d'une part et, d'autre part, les anziani, alliés aux représentant des couronnes bourboniennes.
Le début du conclave et les premiers papabili
Le , seuls vingt-sept cardinaux entrèrent en conclave[2] et dix-huit cardinaux arrivèrent à Rome entre le et le . Entre-temps, le cardinal Bardi dut quitter le conclave en raison de sa maladie.
En raison de l'absence des représentants politiques des principales cours catholiques européennes, les ambassadeurs de France et du Saint-Empire demandèrent aux cardinaux-électeurs de repousser le vote jusqu'à leur arrivée. Bien que cette demande ait été rejetée dans les réunions précédant le début du conclave, le nom d'aucun candidat sérieux ne fut proposé lors des premiers tours de scrutin. Lors du premier tour, le doyen du Collège des cardinauxRainiero d'Elci, alors âgé de 88 ans, fut le cardinal qui reçut le plus grand nombre de voix (huit lors du scrutin et trois supplémentaires lors de l'accessus)[3].
Cependant, cela ne signifie pas que les chefs de chaque camp n'essayaient pas de rallier le soutien des cardinaux autour de leurs candidats. Corsini, en particulier, travaillait de toutes ses forces à l'élection du cardinal Spinelli, le chef des zelanti, mais il devait faire face à une forte opposition de la part du cardinal Orsini, cardinal-protecteur du royaume de Naples. Le cardinal-protecteur d'Espagne, Portocarrero, rejetait également la candidature de Spinelli, et fut capable de rallier nombre de "iuniors" à son parti. Finalement, la candidature de Spinelli dut être retirée faute de soutien suffisant[4].
Le premier candidat disposant de sérieuses chances d'être élu était Alberico Archinto, cardinal secrétaire d'État et vice-chancelier du défunt pape. Il bénéficiait d'un large soutien parmi le parti des zelanti et des cardinaux de l'Union des couronnes, mais les partisans de Corsini ne souhaitèrent pas se rallier à sa candidature et proposèrent, en guise d'alternative, le nom du cardinal Crescenzi. Finalement, comme cela s'était produit par le passé, les candidatures d'Archinto et de Crescenzi se neutralisèrent l'une l'autre[5].
L'arrivée des cardinaux français et l'exclusive contre Cavalchini
Petit à petit, les représentants des cours royales parvenaient à Rome avec les instructions de leurs souverains. Le , le cardinal de Luynes entra au conclave avec les instructions de Louis XV. Cinq jours plus tard, il annonçait officiellement la nomination du cardinal Prospero Colonna di Sciarra au poste de protecteur du royaume de France[6]. Mais l'on attendait toujours l'arrivée du cardinal von Rodt, du Saint-Empire.
Au cours des jours qui suivirent, le cardinal Guidoboni Cavalchini, reçut le plus de votes, soutenu par les partisans de Corsini et Portocarrero. Le , il obtint vingt-et-une voix, le vingt-six et, au soir du , il recueillait vingt-huit voix sur quarante-trois, ce qui signifiait qu'il ne lui manquait plus qu'une voix pour être élu pape. Mais, après ce tour de scrutin, le cardinal de Luynes informa le doyen du Collège des cardinaux Rainiero d’Elci de la Jus exclusivae du roi de France contre Cavalchini. La France s'opposait à l'élection de Cavalchini en raison de sa position quant à la béatification de Robert Bellarmin et sur les questions liées à la bulleanti-jansénisteUnigenitus[7]. Ce veto suscita de fortes protestations au sein du Collège, mais Cavalchini lui-même déclara : « Il s'agit d'une preuve manifeste que Dieu me considère inapte à remplir les fonctions de son vicaire sur Terre »[8].
Après l'échec de la candidature de Cavalchini, Portocarrero proposa le nom du cardinal Paolucci, mais il fut rejeté par les cardinaux français, qui – alliés aux partisans de Corsini, votèrent à nouveau pour Crescenzi[9].
L'arrivée du cardinal von Rodt
L'arrivée du cardinal von Rodt le avec les instructions de la cour impériale fut un moment-clé du conclave. Dans un premier temps, il essaya de trouver un accord avec les cardinaux français mais, ayant échoué, il se tourna alors vers le parti des zelanti. Des négociations directes entre von Rodt et Spinelli les conduisirent à proposer au Collège le nom du cardinal vénitien Carlo Rezzonico, évêque de Padoue. Au matin du , l'évêque de Padoue reçut huit votes plus quatre votes supplémentaires lors de l'accessus. Portocarrero, Albani et les cardinaux français étaient dans un premier temps opposés à cette candidature, mais ils finirent par s'y rallier. Après des consultations entre les cardinaux français et l'ambassadeur Laon il devint évident que le cardinal Rezzonico allait être élu[10].
L'élection du pape Clément XIII
Le au soir, Carlo Rezzonico fut élu pape avec trente-et-une voix sur quarante-quatre, une de plus que la majorité requise des deux-tiers. Les treize voix restantes (y compris la sienne) allèrent au doyen, le cardinal Rainiero d'Elci[8]. Rezzonico accepta son élection et prit le nom de Clément XIII, en l'honneur du papeClément XII, qui l'avait élevé au cardinalat en 1737[11]. Il fut couronné le au balcon de la basilique Saint-Pierre par le protodiacreAlessandro Albani[12].
Liste des participants
Le papeBenoît XIV mourut le . Sur les cinquante-cinq cardinaux vivants à ce moment-là, quarante-cinq prirent part au conclave. Cependant, seuls quarante-quatre cardinaux votèrent lors des derniers tours de scrutin, le cardinal Bardi ayant quitté le conclave pour raisons de santé le [13]:
Tous les cardinaux absents avaient été élevés au cardinalat par Benoît XIV, à l'exception du cardinal d'Alsace, qui avait été créé par Clément XI, et Lamberg, par Clément XII.