Il est l'une des personnalités les plus marquantes de l'histoire du Suriname : successivement militaire — instructeur de sport qui atteint le grade de colonel — puis instigateur d'un coup d’État menant à la dictature militaire du Suriname, il est par la suite chef des armées et désormais homme politique, président et fondateur du Parti national démocratique (NDP). Élu président de la République en 2010, il est réélu en 2015 mais échoue aux élections de 2020.
Le , il est condamné à 20 ans de prison par un tribunal militaire surinamais pour les meurtres de 15 opposants politiques appelés massacres de décembre 1982[1],[2]. Cette peine est confirmée en appel en mais Desi Bouterse se pourvoit en cassation et reste libre[3]. Le , la Haute Cour confirme la peine et le lendemain, le parquet annonce par un communiqué qu'il « va maintenant procéder à l'exécution de la peine et […] consultera les personnes condamnées et/ou leur avocat pour déterminer le jour et la date de l'exécution de la peine »[4]. Alors qu'il doit être incarcéré le , il refuse de se présenter à la prison et la police émet un mandat d'arrêt à son encontre[5].
Biographie
Famille
Désiré Delano Bouterse est né le à Domburg, dans le district de Wanica. Divorcé d'Ingrid Figueira, il est marié à Ingrid Waldring depuis 1990. Il est père de trois enfants, Peggy et Dino avec sa première femme, et Jen-ai avec la deuxième.
Son fils, Dino Bouterse, est arrêté en août 2013 au Panama et extradé vers les États-Unis pour des accusations de trafic de drogue et d’armes[6]. Il est condamné le 12 mars 2015 pour trafic d'armes et de cocaïne, ainsi que pour tentative de soutien au Hezbollah, organisation considérée comme terroriste par les États-Unis[7]. Il pourrait être libéré de prison en 2027.
Coup d'État et régime autoritaire
Au lendemain de l'indépendance du Suriname, le , la situation économique de l'ancienne colonie néerlandaise reste précaire. Dési Bouterse, alors colonel dans l'armée régulière, prend le contrôle du pays grâce à un coup d'État le . Son régime militaire en place, il devient alors président du Conseil militaire national, laissant dans un premier temps le président de la RépubliqueJohan Ferrier à son poste (il assure la fonction présidentielle deux fois durant quelques jours en 1980 et 1982). La prise du pouvoir par les militaires, largement soutenue par la population, vise officiellement à lutter contre la corruption, le chômage (qui frappe alors 18 % de la population active), et à remettre de l'ordre dans les affaires publiques. Cependant, « les plans politiques étaient vagues, aucune discussion idéologique n'avait eu lieu en préparation du coup d’État », note l'historienne Rosemarijn Hoefte[8].
Il établit des relations diplomatiques avec l’Union soviétique, Cuba et la Corée du Nord, sans pour autant que son régime ne manifeste la moindre orientation communiste. Les Pays-Bas suspendent l'aide au développement accordée à leur ancienne colonie, déstabilisant ainsi l'économie surinamaise. Dans le même temps, la chute des cours de la bauxite, principale exportation surinamaise, accentue la crise économique. Le régime est rapidement confronté à plusieurs soulèvements, tantôt conduits par une partie de l’armée, tantôt par des civils[9]. À partir des 1983, dans la foulée de l'invasion de la Grenade par les États-Unis, le Surinam se rapproche de Washington et expulse les diplomates cubains, peut-être par crainte d'une agression américaine[8].
La répression est féroce, étant lui-même le donneur d'ordre, d'après certains témoignages, des massacres de décembre 1982, au cours desquels quinze opposants politiques sont assassinés. La révolte dirigée par Ronnie Brunswijk, l'un de ses gardes du corps, conduit à la guerre civile qui dure de 1986 à 1992, faisant plusieurs centaines de morts. Il reste de facto le dirigeant de la nation jusqu'à sa démission en 1988.
Échec aux élections de 1996
Après le retour d'un gouvernement démocratique, dirigé successivement par Ronald Venetiaan et Jules Wijdenbosch, il perd l’élection présidentielle de mai 1996, face à Jules Wijdenbosch. Le slogan de son parti le NDP était : « Leti a Faya », soit en français « allumez la lumière ». Un autre candidat malheureux de ces élections de 1996 : Ronnie Brunswijk, son ancien adversaire militaire durant la guerre civile.
Président de la République
Lors des élections législatives du , la coalition Megacombinatie (« grande coalition ») qu'il dirige arrive en tête avec un peu plus de 40 % des voix et obtient 23 sièges, nombre insuffisant pour pouvoir gouverner sans partenaire et pour élire le président de la République. Des tractations entre partis ont lieu et le suivant, Bouterse est élu président de la République par l'Assemblée nationale en obtenant 36 suffrages sur 50 votants[10]. Il prend ses fonctions le 12 août.
Parmi les réformes de son gouvernement, il rend l’école publique gratuite, augmente le salaire minimum et introduit la gratuité des soins médicaux pour les moins de 16 ans et les plus de 60 ans.
Les élections législatives du sont de nouveau remportées par la Megacombinatie qui, avec 27 sièges sur 51, obtient une majorité absolue mais pas celle des deux tiers nécessaire à la réélection de Bouterse[11]. Le suivant, Bouterse, seul candidat, est néanmoins réélu par l'Assemblée nationale pour un deuxième mandat de président de la République[12].
Ayant depuis longtemps profité de son statut pour diriger un trafic de drogue entre l'Amérique du Sud et l'Europe, il a été accusé à plusieurs occasions, et le 6 juillet 1999, il est condamné par contumace à 16 ans de prison et 2 millions de dollars d'amende pour trafic de cocaïne par un tribunal aux Pays-Bas. Le 30 juin 2000, sa condamnation est réduite à 11 ans de prison par la cour d'appel de La Haye. Depuis, un mandat d'arrêt international l'empêche de quitter le territoire du Suriname.
Au fil des ans, son passé revient sur le devant de la scène et le gouvernement dit préparer une action judiciaire contre les participants actifs aux massacres de décembre 1982. À l'époque, quinze principaux opposants au régime militaire sont tués par balles au fort Zeelandia. Il prétend qu'il n'était pas présent et que la décision a été prise par le commandant de bataillon Paul Bhagwandas(en), mort en 1996. Toutefois, il en reconnaît la responsabilité politique. En 2017, Bouterse est impliqué dans un procès où l'accusation lui demande de répondre du massacre de décembre. Bien qu'il ait essayé d'empêcher sa tenue en invoquant la sécurité nationale, il risque 20 ans de prison s'il est reconnu coupable[14]. Le 29 novembre 2019, alors qu'il était en voyage officiel en Chine, le président Desi Bouterse a été condamné par un tribunal militaire surinamais à 20 ans de prison pour le massacre de décembre 1982. Six autres anciens officiers de l’armée du Suriname ont également été condamnés avec lui, dont un ancien consul du Suriname en Guyane[2],[1].
Alors qu'il reste très populaire, notamment dans les classes les plus pauvres, des milliers de ses partisans se sont rassemblés au siège de son parti pour lui exprimer leur soutien[16].
Le , alors qu'il doit être incarcéré deux jours plus plus tard, son épouse Ingrid Bouterse annonce qu'il refuse de se présenter à la prison[17]. La police émet alors un mandat d'arrêt à son encontre[5].
Notes et références
↑ a et b(en) Ank Kuipers, « Suriname President Bouterse convicted of murder for 1982 executions », Reuters, (lire en ligne)
↑ a et bFrédécric Farine, « Desi Bouterse condamné à 20 ans de prison par un tribunal militaire du Suriname dans l’affaire de l’exécution d’opposants en décembre 1982 », Guyaweb, (lire en ligne)