Les enclaves indo-bangladaises, également connues comme chhitmahals (du bengaliছিটমহল, chitmôhol, les « miettes de terre »), étaient un ensemble d'environ deux cents enclaves disséminées le long de la frontière entre l'Inde et le Bangladesh.
En , les premiers ministres des deux pays (Manmohan Singh d'Inde et Sheikh Hasina du Bangladesh) signent un accord sur la démarcation de la frontière. Une version révisée de l'accord a été adoptée par les deux pays le , lorsque le Parlement indien a adopté le 100e amendement à la Constitution indienne. En vertu de cet accord, qui a été ratifié le , l'Inde a reçu 51 enclaves bangladaises (soit 2 880 ha), tandis que le Bangladesh a reçu 111 enclaves indiennes (soit 6 940 ha). Les enclaves ont été échangées à minuit le et le transfert des résidents de l'enclave a été achevé le .
Depuis que l'échange de territoires a eu lieu, la seule enclave restante est Dahagram-Angarpota, une enclave du Bangladesh.
Au total, la région comptait 103 enclaves indiennes à l'intérieur du Bangladesh et 92 enclaves bangladaises à l'intérieur de l'Inde. Vingt-quatre d'entre elles (21 bangladaises, trois indiennes) étaient des enclaves de 2e ordre : elles étaient elles-mêmes situées à l'intérieur d'enclaves de l'autre pays. Il existait même jusqu'en 2015 une enclave de 3e ordre, Dahala Khagrabari, un champ indien situé à l'intérieur d'un territoire bangladais, lui-même enclavé dans une zone indienne entièrement entourée par le Bangladesh.
La taille des enclaves était extrêmement variable : la plus grande enclave indienne, Balapara Khagrabari, mesurait plus de 25 km2 ; la plus grande enclave bangladaise, Dahagram-Angarpota, mesure près de 19 km2. La plus petite, une enclave indienne, ne mesurait que 0,2ha, un peu plus qu'une piscine olympique. Au total, les enclaves indiennes s'étendaient sur près de 69 km2, les enclaves bangladaises sur 51 km2.
L'ensemble des enclaves serait habité par 50 000 à 100 000 personnes[1]. Les conditions de vie dans les enclaves sont souvent très mauvaises : aucun accès à l'eau, l'électricité, l'éducation, voirie très réduite et soins médicaux inexistants. La criminalité y est endémique : porter plainte nécessite de franchir les frontières internationales. Les résidents souhaitant accéder à leur propre pays ne le peuvent que sur production d'une carte d'identité, après contrôle des gardes-frontières.
Dahagram-Angarpota, la plus grande enclave bangladaise, est séparée du territoire principal du Bangladesh par moins de 200 m. Habitée par 20 000 personnes, elle manque totalement d'équipements ; le seul complexe médical n'y est pas alimenté en électricité, l'Inde refusant au Bangladesh de faire passer des lignes électriques au-dessus de son territoire. Une bande de territoire indien de 170 m de long pour 85 m de large, le corridor de Tin Bigha(en), est louée par le Bangladesh pour 999 ans afin de permettre d'accéder à l'enclave. Il est utilisable par les résidents à certaines heures de la journée[1].
Carte simplifiée de la région frontalière, près de 26° 15′ 43″ N, 88° 45′ 06″ E, décrivant certaines des plus grandes enclaves indiennes à l'intérieur du Bangladesh. De nombreuses petites enclaves de la zone ne sont pas indiquées.
Selon une légende invérifiée, les enclaves proviendraient d'enjeux aux cartes ou aux échecs entre deux rois de la région, le raja du Cooch Behar et le maharaja du Rangpur[1]. Selon les traces historiques, elles seraient le résultat confus d'un traité de 1713 entre le royaume de Cooch Behar et l'Empire moghol. Il est possible que les deux parties aient mis fin à une guerre sans déterminer une seule frontière pour les territoires gagnés ou perdus[2].
Après la partition des Indes en 1947, Rangpur est joint au Pakistan oriental et le Cooch Behar est intégré à l'Inde en 1949. Le désir de désenclaver la plupart des enclaves se manifeste dans un accord de 1958 pour un échange entre l'Inde et le Pakistan, mais le sujet se retrouve devant la cour suprême indienne[1]. L'accord n'étant pas ratifié, les négociations reprennent lorsque le Pakistan oriental devient indépendant sous le nom de Bangladesh en 1971. En 1974, les deux pays se mettent d'accord pour échanger les enclaves, ou au moins pour y permettre un accès aisé ; le Bangladesh ratifie rapidement l'accord ; en Inde, le sujet reste très sensible politiquement et rien de concret ne se matérialise[1]. Les négociations reprennent en 2001, sans plus de résultat. La nationalité résultante des résidents demeure un obstacle, car un accord pourrait avoir des conséquences pour d'autres désaccords frontaliers de la région[3].
En , les premiers ministres des deux pays (Manmohan Singh d'Inde et Sheikh Hasina du Bangladesh) signent un accord sur la démarcation de la frontière. Cent-soixante-deux enclaves seraient échangées, dont les résidents auraient à choisir leur nationalité[4],[5], afin soit de continuer à résider au même endroit, soit de rejoindre le pays de leur choix[6]. L'Inde doit recevoir 51 enclaves, 28,8 km2, le Bangladesh 111 enclaves, 69,4 km2[7]. Le Bangladesh conserverait également l'enclave de Dahagram-Angarpota.
Le Bangladesh a ratifié l'accord[8]. Après un amendement constitutionnel soumis au parlement de l'Inde en août 2013[9], le texte de loi est soumis au Rajya Sabha le 18 décembre 2013[10].
Un accord a finalement été trouvé et l'échange a eu lieu le [11].
Constituée des chhits de Falnapur (#51) et Nalgram (#52) ; entoure l'enclave indienne de Nalgram Chhit (#111)
53
Nalgram
2,437
1
54
Nalgram
1,787
1
55
Chhit Nalgram
31,72
1
56
Chhit Nalgram
0,898
1
57
Amjhol
1,547
1
58
Kismat Batrigach
95,601
1
59
Batrigach
269,402
1
Entoure l'enclave indienne de Madnakura Chhit (#114)
60
Batrigach
4,346
1
61
Durgapur
7,343
1
62
Bansua Khamar Gitaldaha
8,801
1
63
Karala
97,348
1
64
Karala
1,045
1
65
Karala
7,964
1
66
Chandrakhan
20,697
2
Entourée par l'enclave indienne de Dasiar Chhara (#117)
67
Sibprasad Mustafi
144,487
1
68
Sibprasad Mustafi
1,617
1
69
Poaturkuthi
243,279
1
70
Paschim Bakalir Chhara
62,492
1
71
Madhya Bakalir Chhara
13,935
1
72
Purba Bakalir Chhara
6,076
1
73
Dakshin Masaldanga
0,724
1
74, 81
Dakshin Masaldanga
272,48
1
Constituée des chhits de Dakshin Masaldanga (#74) et Kachua (#81)
75
Dakshin Masaldanga
0,762
1
76
Dakshin Masaldanga
1,448
1
77
Dakshin Masaldanga
0,492
1
78
Dakshin Masaldanga
3,376
1
79
Paschim Masaldanga
11,671
1
80
Paschim Masaldanga
1,303
1
82
Madhya Chhit Masaldanga
4,005
1
83
Purba Chhit Masaldanga
4,197
1
84
Purba Chhit Masaldanga
12,076
1
85
Paschim Chhit Masaldanga
1,579
1
86
Purba Masaldanga
2,267
1
Une carte des années 1930 et une source de 1940[13] sous-entendent que les deux enclaves de Purba Masaldanga (#86 et #87) n'en forment qu'une. Les cartes topographiques et les autres sources suggèrent qu'elles sont séparées ; si elles sont jointes, elles sont reliées au-dessus du très court espace qui les sépare, le long d'un beel (un ancien lit de rivière marécageux)[1]
87
Purba Masaldanga
65,894
1
Une carte des années 1930 et une source de 1940[13] sous-entendent que les deux enclaves de Purba Masaldanga (#86 et #87) n'en forment qu'une. Les cartes topographiques et les autres sources suggèrent qu'elles sont séparées ; si elles sont jointes, elles sont reliées au-dessus du très court espace qui les sépare, le long d'un beel (un ancien lit de rivière marécageux)[1]
88
Uttar Masaldanga
11,773
1
89
Madhya Masaldanga
55,55
1
Entoure l'enclave indienne de Chhit Seoruguri (#127)
Le tableau ci-dessous recense les différentes enclaves indiennes. Les numéros correspondent à ceux établies par Banerjee en 1966[12].
#
Enclave
Superficie (ha)
Ordre
Notes
1
Garati
382,986
1
Comprend deux enclaves bangladaises, Teldhar (#1 et #2)
2
Garati
1,642
1
3
Garati
31,517
1
4
Garati
8,26
1
Les deux enclaves de Garati (#4 et #5) sont unies sur les cartes topographiques d'avant 1947. Des sources ultérieurs (Banerjee en 1966[12], les cartes du recensement indien de 1991[14]) les décrivent comme distinctes[1].
5
Garati
1,239
1
Les deux enclaves de Garati (#4 et #5) sont unies sur les cartes topographiques d'avant 1947. Des sources ultérieurs (Banerjee en 1966[12], les cartes du recensement indien de 1991[14]) les décrivent comme distinctes[1].
6
Garati
22,963
1
7
Shingimari Part I
3,359
1
15
Najirgonja
0,531
1
16
Najirgonja
6,785
1
Comprend l'enclave bangladaise de Nazirganj (#6)
17
Najirgonja
5,863
1
18
Putimari
52,067
1
19
Najirgonja
21,898
1
20
Najirgonja
2,01
1
21
Najirgonja
1,849
1
22
Najirgonja
0,706
1
23
Najirgonja
0,974
1
24
Najirgonja
2,748
1
25, 26
Najirgonja
26,298
1
Les deux enclaves de Najirgonja (#25 et #26) sont unies sur les cartes topographiques d'avant 1947, mais distinctes sur celles du recensement indien de 1991[14],[1].
27
Najirgonja
29,206
1
Comprend l'enclave bangladaise de Nazirganj (#7)
28, 29, 30, 31
Najirgonja
32,228
1
Constituée des chhits de Najirgonja (#28, #29, #30, #31)
32
Najirgonja
22,574
1
33
Najirgonja
106,249
1
34, 35, 36, 37, 38, 39
Shalbari
1 366,856
1
Constituée des chhits de Natatoka (#34 et #35), Bewladanga (#36), Kajal Dighi (#37), Shalbari (#38) et Daikhata Chhat (#39) ; comprend les enclaves bangladaises de Nazirganj (#8, #9 et #10) et Debottar Saldanga (#11)
40
Bewladanga
2,866
1
41
Bewladanga Chhat
1,967
1
42, 43, 47
Balapara Khagrabari
2 587,645
1
Constituée des chhits de Dahala Khagrabari (#42), Kothajni (#43) et Balapara Khagrabari (#47) ; comprend les enclaves bangladaises de Upanchowki Bhajni (#12 à #20) et Debi Doba (#21)
Seule enclave d'ordre 3 au monde : elle est entourée par l'enclave bangladaise d'Upanchowki Bhajni (#110), elle-même située dans l'enclave indienne de Balapara Khagrabari (#42-43-47)
52
Dahala Khagrabari
0,205
1
53
Bara Khanki-Kharija Gitaldaha
3,08
1
54
Bara Khanki-Kharija Gitaldaha
15,528
1
55
Nagarjikabari
13,864
1
56
Barakhangir
14,251
1
57
Kuchlibari
3,011
1
58
Kuchlibari
0,956
1
59
Bara Kuchlibari
1,76
1
60
Jamaldaha Balapukhari
2,313
1
61
Upanchowki Kuchlibari
0,791
1
62
Upanchowki Kuchlibari
16,7
1
63
Bhotbari
16,344
1
64
Balapukhari
21,641
1
65
Bara Khangir
20,028
1
66, 67
Bara Khangir
53,964
1
Constituée des chhits de Bara Khangir (#66) et Chhat Bagdokra (#67) ; comprend l'enclave bangladaise de Dhabalsati (#33)
68
Ratanpur
23,478
1
69
Bagdokra
9,152
1
70
Fulkerdabri
0,687
1
71, 72, 73
Kharkharia
85,908
1
Constituée des chhits de Kharkharia (#71), Lotamari (#72) et Kharkharia (#73)
74, 75, 76, 77
Kamat Changrabandha
159,917
1
Constituée des chhits de Bhotbari (#74), Kamat Changrabandha (#75 et #76) et Panisala (#77)
78
Dwarikamarikhasbash
15,804
1
79
Panisala
0,954
1
80
Panisala
6,801
1
81
Panisala
21,539
1
82
Panisala
18,618
1
83
Lotamari
113,982
1
84
Lotamari
41,466
1
85
Dwarikamari
14,154
1
86
Dwarikamari
18,93
1
87
Chhat Bhothat
21,408
1
88
Baskata
8,217
1
89
Baskata
5,288
1
90
Baskata
10,677
1
91
Bhogramguri
1,108
1
92
Chenakata
3,678
1
93
Baskata
175,124
1
Comprend l'enclave bangladaise de Jongra (#41)
94
Baskata
12,494
1
95
Baskata
5,162
1
96
Baskata
22,731
1
97
Baskata
134,34
1
98
Baskata
0,312
1
99
Baskata
12,562
1
100
Baskata
13,411
1
101
Baskata
4,779
1
102
Baskata
0,488
1
103
Baskata
1,857
1
104
Baskata
11,551
1
105
Baskata
1,071
1
106
Baskata
0,715
1
107
Baskata
0,42
1
108
Baskata
7,385
1
109
Baskata
10,576
1
110
Baskata
0,409
1
111
Nalgram Chhit
2,29
2
Entourée par l'enclave bangladaise de Falnapur-Nalgram (#51, #52)
112
Gotamuri Chhit
53,259
1
113
Gotamuri Chhit
9,148
1
114
Madnakura Chhit
13,413
2
Entourée par l'enclave bangladaise de Batrigach (#59)
115
Bans Pachai
78,497
1
116
Bans Pachai Bhitarkuthi
29,505
1
117
Dasiar Chhara
675,912
1
Comprend l'enclave bangladaise de Chandrakhan (#66)
118
Dakurhat Dakinir Kuthi
5,775
1
119
Kalamati
9,012
1
120
Shahebganj
12,92
1
121
Seotikursa
18,163
1
122
Bara Gaochulka
18,147
1
123
Gaochulka II
1,28
1
124
Gaochulka I
3,762
1
125
Dighaltari II
6,129
1
126
Dighaltari I
4,997
1
127
Chhit Seoruguri
0,589
2
Entourée par l'enclave bangladaise de Madhya Masaldanga (#89)
↑ abc et d(en) R. Banerjee, Census 1961, West Bengal, District Census Handbook, Cooch Behar, Gouvernement du Bengale-Occidental, Inde, , « An Account of Exclaves – Origin and Development »
↑ a et b(en) A. C. Hartley, Final Report of the Rangpur Survey and Settlement Operations, 1931–1938, Gouvernement du Bengale-Occidental, Inde,
↑ ab et c(en) collectif, Census of India District Census Handbooks, for Cooch Behar and Jalpaiguri, for 1991 census, Gouvernement du Bengale-Occidental, Inde