Gerrit — ou Gerard — Hermansz. van Honthorst, surnommé aussi, en français et en italien, Gérard de la Nuit (Gherardo della Notte) ou Gérard des Nuits (Gherardo delle Notti), né le à Utrecht où il est mort le [1], est un peintre de genre et d'histoire et un portraitiste néerlandais du siècle d’or.
Gerrit van Honthorst est né le dans une famille catholique d'Utrecht. Il était le fils de Herman van Honthorst, un peintre de décors qui figure aux côtés d'Abraham Bloemaert parmi les fondateurs de la guilde de Saint-Luc d'Utrecht[2]. En dehors de son père, sa famille comptait plusieurs autres artistes, notamment des peintres et des fabricants de tissus et de tapisseries[3]. C'est sans doute d'abord auprès de son père qu'il fait son apprentissage, avant de devenir l'élève de Bloemaert.
Au début des années 1610, il part pour Rome afin d'y parfaire sa formation. Il y séjournera plusieurs années, et visitera d'autres villes italiennes, comme Venise — où il est documenté à partir de 1616 — et Florence.
À Rome, il entre en contact avec Guido Reni. Leurs œuvres à tous deux rencontrent un vif succès, ce qui leur permet de trouver en Vincenzo Giustiniani et son frère Benedetto des mécènes importants. Ceux-ci invitent van Honthorst et Reni à venir vivre dans leur palais durant une période assez longue ; ils peuvent alors y étudier une collection incomparable d’œuvres d’art, qui comprend notamment plusieurs tableaux du Caravage. Un dessin daté de 1616 que van Honthorst réalise d'après le Crucifiement de saint Pierre (1600), un tableau du Caravage se trouvant dans l'église Sainte-Marie-du-Peuple, témoigne de sa présence à Rome à cette époque[3].
En 1618, van Honthorst réalise, pour le compte des carmes déchaux, le retable La Décollation de saint Jean-Baptiste servant à la décoration de l'église Santa Maria della Scala[3]. Il reçoit également des commandes du cardinal Scipione Borghese, qui le charge de la décoration de l’autel majeur de l’église San Paolo, ainsi que du cardinal Barberini, le futur pape Urbain VIII.
Parmi les peintres néerlandais qui vivaient à Rome à la même période, van Honthorst se lie avec Matthias Stom, à qui il donne des leçons, avec Paul Bril et un certain Colijn. C'est en compagnie de ces deux derniers qu'il retourne à Utrecht en 1620.
Utrecht (1620-1628)
Six mois après son retour, van Honthorst épouse Sophia Coopman, qui est la fille d'un riche marchand de vins et en même temps sa cousine. En 1622, il est inscrit à la guilde de Saint-Luc d’Utrecht[2]. Avec Hendrick ter Brugghen et Dirck van Baburen, il devient à cette époque l’un des principaux représentants d'un groupe de peintres hollandais, disciples du Caravage, qui sera plus tard appelé l’« École caravagesque d'Utrecht ». Van Honthorst prend alors l’habitude de présenter chacun de ses sujets sous la forme de scène nocturne, depuis la Nativité — ce qu’avait déjà fait auparavant Le Corrège —, jusqu’à Marie Madeleine pénitente, en passant par la Dérision du Christ et le Reniement de saint Pierre.
Rapidement, il acquiert une excellente réputation. Ainsi gagne-t-il le soutien du roi de Bohême, Frédéric V, et surtout de sa femme, Élisabeth, sœur de Charles Ier d'Angleterre — depuis 1621, en effet, le couple vit en exil aux Pays-Bas où il a trouvé refuge dans la maison de sir Dudley Carleton, 1er — ; vicomte de Dorchester, alors ambassadeur à La Haye. Élisabeth charge l’artiste d’enseigner le dessin à ses enfants[4].
En 1627, van Honthorst peint deux tableaux pour le pavillon de chasse de la famille d'Orange-Nassau à Honselaarsdijk (Westland)[3]. Il achète alors sur la Domplein à Utrecht une vaste maison, dans laquelle il fait aménager un atelier sur 100 m2, dont le succès est important, puisqu’il accueillera jusqu’à une vingtaine d’élèves à la fois, payant chacun cent florins par an[5]. Le de la même année, en tant que doyen de la guilde, Van Honthorst reçoit la visite de Rubens qu'il peindra sous les traits de l’« honnête homme », cherché et enfin trouvé par Diogène[4].
Sir Carleton, de retour en Angleterre (1625), recommande ses œuvres auprès de Thomas Howard, 14e comte d’Arundel[6], favori du roi Charles Ier et, tout comme le monarque, grand amateur d'art. Le roi ne tarde pas à inviter le peintre à venir en Angleterre, ce que celui-ci fait en 1628[4].
Londres (1628) et Utrecht
De mai à [2], van Honthorst séjourne à Londres en compagnie de Joachim von Sandrart, son élève. Charles Ier lui confie une partie de la décoration intérieure de la Maison des banquets du palais de Whitehall[7]. Il peint aussi une série de portraits, ainsi qu’une imposante allégorie représentant Charles et Henriette son épouse en Apollon et Diane dans les nuages, recevant le duc de Buckingham en Mercure, tuteur des enfants du roi de Bohême ; une œuvre conservée au château de Hampton Court[4]. À Londres, il fait de nouveau la rencontre d’Orazio Gentileschi, arrivé dans la ville en 1626, et qui entre-temps avait développé un style différent. Van Honthorst est alors au faîte de la gloire : il reçoit un bon cheval, la citoyenneté anglaise et une pension à vie.
Il repart cependant de nouveau à Utrecht, où sa position parmi les artistes semble avoir été importante. Il réussit à conserver le soutien du monarque anglais, pour qui il exécute en 1631 un portrait du roi et de la reine de Bohême entourés de leurs enfants. À peu près à la même période, il illustre l’Odyssée pour lord Dorchester et compose des scènes de l’histoire du Danemark pour le roi Christian IV — il en subsiste un exemplaire, conservé au musée de Copenhague[4]. En 1633, il devient peintre de la cour de Frédéric V et du prince Frédéric-Henri d'Orange-Nassau[3].
La Haye (1637-1651)
En 1637, il se fixe à La Haye où, pour répondre à la demande, il ouvre sur la Westeinde un second atelier. La même année, il est membre de la guilde de Saint-Luc locale[8]. En 1641, après la mort de Michiel Van Miereveld, il devient peintre de la cour du stadhouderGuillaume II d'Orange-Nassau. Il participe alors à la décoration des palais de Rijswijk, Honselaarsdijk et, en 1649, à celle de la « Salle orange » (l’« Oranjezaal ») du palais Huis ten Bosch. Il exécute également les portraits de bon nombre de dames de cour[9].
Van Honthorst eut de nombreux élèves et assistants, parmi lesquels Joachim von Sandrart et son propre frère Willem van Honthorst, connu pour les œuvres qu’il réalisa comme peintre de cour de Louise Henriette de Nassau, épouse de Frédéric Guillaume, grand électeur de Brandebourg. Herman, l’autre frère de Van Honthorst, fut un prêtre qui fit parler de lui ; jeté en prison, il fut libéré à la suite de l'intervention du stadhouder.
Œuvre
Van Honthorst — et ses ateliers — a produit de nombreuses œuvres dont il se trouve des exemples dans beaucoup de musées à travers le monde : des tableaux d’histoire de petit format, aux sujets bibliques, mythologiques, allégoriques et littéraires, des peintures de genre montrant des buveurs et des musiciens, ainsi que d’innombrables portraits, notamment de Charles Ier et la reine d'Angleterre, du duc de Buckingham, et du couple souverain de Bohême[4].
En Italie, il fut influencé par Le Caravage et son utilisation du clair-obscur. Également l’œuvre d’Annibale Carracci constitua pour lui une source d’inspiration. Il se spécialisa progressivement dans des scènes nocturnes montrant des personnages éclairés par la lumière vive d’une chandelle. Ces peintures, au style vigoureux et saisissant, frappent l'imagination et charment la vue, malgré des coloris quelquefois un peu trop assombris ; elles furent très prisées du public et lui valurent le surnom de « Gherardo delle Notti ». Van Honthorst ne se risqua toutefois jamais à un réalisme cru ; contrairement à ce qui est le cas pour ses collègues Hendrick ter Brugghen et Dirck Van Baburen, ses peintures possèdent toujours un brin d’élégance qui rappelle son maître Bloemaert.
Après son retour à Utrecht, il demeure encore quelque temps fidèle à ce style mais, dans le courant des années 1620, son œuvre se rapproche de plus en plus du classicisme, davantage au goût de la noblesse. Les peintures lisses et froides qu’il réalise finalement dans les dernières années de sa carrière ne témoignent pas d’une grande personnalité, et sont de nos jours moins appréciées. Samuel Van Hoogstraten écrivit à ce propos en 1678[10] :
« « Hondhorst […] had in zijn bloeijende tijdt een wakker pinseel gevoert ; maar, 't zy om de juffers te behaegen, of dat hem de winst in slaep wiegde, hy verviel tot een stijve gladdicheyt. » (« Hondhorst […], dans sa période d’épanouissement, avait un pinceau vif ; mais, soit pour plaire aux demoiselles, soit qu’il se laissa endormir bercé par le profit, il sombra dans un style lisse et rigide. ») »
Ainsi, sa réputation repose-t-elle principalement sur sa période caravagesque.
Parmi ses œuvres postérieures, cependant, certaines, bien que d'un traitement assez sec, sont loin de manquer d’intérêt, comme ses portraits du duc de Buckingham et de sa famille (Hampton Court), du roi et de la reine de Bohême (Hanovre et Combe Abbey), et de Marie de Médicis (1628, palais royal d'Amsterdam), les Stadhouders et leurs Femmes (Amsterdam et La Haye), les représentations de Charles Louis et Rupert, neveux de Charles Ier d’Angleterre (Paris, musée du Louvre, Saint-Pétersbourg, Combe Abbey et Willin), et le portrait de William Craven, 1er duc de Craven, 1er baron de Craven (Londres, National Portrait Gallery).
Le Souper avec le Joueur de Luth, vers 1619, huile sur toile, 144 × 212 cm. Envoyée de Rome au Grand-Duc en 1620. Gravement endommagée lors de l'attentat de 1993[15] ;
L'Adoration des bergers, huile sur toile, 338 × 198 cm. Exécutée pour la chapelle Guicciardini de la Santa Felicita en 1620[15], qui fut détruite pendant les attentats mafieux du .
↑RKD. – C’est Rubens qui réalisera les peintures des plafonds en 1635 et Antoine Van Dyck, qui fut longtemps actif en Angleterre, y travailla également.
↑RKD. – Il fut ainsi membre des guildes de Saint-Luc et d'Utrecht et de La Haye.
↑ a et bVincent Pomarède, 1001 peintures au Louvre : De l’Antiquité au XIXe siècle, Paris/Milan, Musée du Louvre Editions, , 589 p. (ISBN2-35031-032-9), p. 442.
↑Dominique Brême, « La Tour et les peintres du Nord », L’Objet d’Art, no 317, , p. 33.
↑ ab et cMina Gregori (trad. de l'italien), Le Musée des Offices et le Palais Pitti : La Peinture à Florence, Paris, Editions Place des Victoires, , 685 p. (ISBN2-84459-006-3), p. 336-337.
↑Jean Philippe Breuille, « Dans la Lumière de Rembrandt », Le Monde de la Peinture, no 2, .
↑Emile Meijer, Les Trésors du Rijksmuseum Amsterdam, Paris, Scala Books, , 160 p. (ISBN2-86656-022-1), p. 76.
↑Erika Langmuir, National Gallery : Le Guide, Flammarion, , 335 p. (ISBN2-08-012451-X), p. 207.
(de) Hermann Braun, Gerard und Willem van Honthorst, Göttingen, 1966.
Silvia Bruno, Rembrandt et la peinture hollandaise du XVIIe siècle, Paris, Le Figaro, coll. « Les Grands Maîtres de l'art, 14 », 2008 (ISBN978-2-8105-0013-0). — Traduit de l'italien (Rembrandt nel Seicento olandese).
(en) J. Richard Judson et Rudolf E.O. Ekkart, Gerrit van Honthorst, 1592-1656, Davaco, coll. « Gand Aetas Aurea : Monographs on Dutch & Flemish painting, 14 », 1999, xxxiv, 405 p., env. 400 pages d'ill. (ISBN9070288060).