Le Glorieux est mis en chantier entre la guerre de Succession d'Autriche et celle de Sept Ans. C'est un vaisseau de force de 74 canons lancé selon les normes définies dans les années 1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui dispose de beaucoup plus de vaisseaux depuis la fin des guerres de Louis XIV[1]. Sans être standardisé, le Glorieux, partage les caractéristiques communes de tous les « 74 canons » construits à des dizaines d’exemplaires jusqu’au début du XIXe siècle et qui évoluent lentement compte tenu des techniques de construction de l’époque et de la volonté des responsables navals d’exploiter au mieux cette excellente catégorie de navire de guerre[2].
Comme pour tous les vaisseaux de l’époque, sa coque est en chêne. Son gréement, (mâts et vergues) est en pin[3]. Il y a aussi de l’orme, du tilleul, du peuplier et du noyer pour les affûts des canons, les sculptures des gaillards et les menuiseries intérieures[3]. Les cordages (80 tonnes) et les voiles (à peu près 2 500 m2) sont en chanvre[3]. Un deuxième jeu de voiles de secours est prévu en soute. Prévu pour pouvoir opérer pendant des semaines très loin de ses bases européennes s’il le faut, ses capacités de transport sont considérables[2]. Il emporte pour trois mois de consommation d’eau, complétée par six mois de vin[N 2]. S’y ajoute pour cinq à six mois de vivres, soit plusieurs dizaines de tonnes de biscuits, farine, légumes secs et frais, viande et poisson salé, fromage, huile, vinaigre, sel, sans compter du bétail sur pied qui sera abattu au fur et à mesure de la campagne[N 3].
Il dispose sur son pont inférieur de 28 canons de 36 livres (les plus gros calibres en service dans la flotte à cette époque) et de 30 canons de 18 livres sur son pont supérieur. En outre, 16 canons de 8 livres sont répartis sur les gaillards[6]. Cette artillerie en fer pèse 215 tonnes[3]. Pour l’approvisionner au combat, le vaisseau embarque près de 6 000 boulets pesants au total 67 tonnes[N 4]. Ils sont stockés dans des puits à boulets autour des mâts. S’y ajoutent des boulets ramés, chaînés et beaucoup de mitraille (8 tonnes)[3]. Il y a pour finir 20 tonnes de poudre noire, stockée sous forme de gargousses ou en vrac dans les profondeurs du vaisseau[N 5]. En moyenne, chaque canon dispose de 50 à 60 boulets[9].
En 1757, le Glorieux se retrouve intégré dans l'escadre de 9 vaisseaux et 2 frégates de Dubois de la Motte qui doit passer en Amérique pour y défendre Louisbourg[10]. Le , il quitte Brest et arrive à bon port quelques semaines plus tard, participant ainsi à l'importante concentration navale qui sauve Louisbourg de l'invasion cette année-là. En octobre, le Glorieux quitte la place pour rentrer en France. Comme les autres vaisseaux, il est touché par la grave épidémie de typhus qui ravage les équipages et qui contamine Brest à l'arrivée en novembre, faisant des milliers de morts dans la ville[11].
Au lendemain de la défaite française, le Glorieux se réfugie avec 6 autres vaisseaux, le Robuste, l’Inflexible, le Dragon, l’Éveillé, le Brillant et le Sphinx, accompagnés de deux frégates — la Vestale et l’Aigrette — et de deux corvettes — la Calypso et le Prince Noir — dans l’estuaire de la Vilaine. En raison du manque de visibilité, le Glorieux et l’Éveillé s’envasent[13]. Si les dommages de l’Éveillé sont sans conséquences, le Glorieux déplore une voie d’eau ; l’Inflexible, d’autre part, a perdu ses mâts de misaine et de beaupré[13].
Le 9 juillet 1780, le navire appareille de Cadix et fait partie de l'escadre légère sous les ordres de M. Bausset. Un mois plus tard, il participe à la capture du convoi anglais de l'amiral Geary lors de la Deuxième bataille du cap Saint-Vincent[18].
En 1781, le vaisseau est intégré à l'escadre de 20 vaisseaux et 3 frégates du comte de Grasse qui part pour les Antilles où se porte l’essentiel de l’effort de guerre. Il doit assurer la défense des Iles du Vent en y apportant 3 200 hommes de troupe sur 120 bâtiments de charge et de commerce[19]. À son arrivée, le Glorieux est engagé dans la bataille de Fort-Royal, le , au large de Fort-Royal de la Martinique — aujourd'hui Fort-de-France, Martinique — dans les Indes occidentales. Peu après, il prend part à l’action sur Tobago le qui aboutit à la prise de l'île. Le suivant, il s’empare du Fly, un cotre portant 8 canons, au large de Grenade[6].
Les 25 et , le Glorieux, au sein de la flotte française de l'amiral de Grasse, participe à l'indécise bataille de Saint-Christophe[6] ; son capitaine est alors le comte d'Escars. Le vaisseau est également présent à la bataille des Saintes du 9 au entre Basse-Terre et la Dominique[6] alors que De Grasse escorte un gros convois. Il fait partie du centre de l'escadre qui se retrouve isolé après la rupture en deux points de la ligne française. Désemparé, il baisse pavillon et fait partie des cinq vaisseaux capturés (dont le navire-amiral, le Ville de Paris), par la flotte britannique dirigée par George Rodney.
Lors du retour en Angleterre, en , l’escadre britannique commandée par Thomas Graves est surprise par une forte tempête au large de Terre-Neuve. Le Glorieux, le Ville de Paris ainsi que les HMS Ramillies et Centaur, disparaissent alors corps et biens[6].
Notes et références
Notes
↑Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. C'est ainsi qu'un 100 canons emporte 1 000 hommes d'équipage, un 80 canons800 hommes, un 74 canons 740, un 64 canons 640, etc. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d'épidémie, de perte au combat ou de manque de matelots à l'embarquement. Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
↑210 000 litres d’eau douce. 101 000 litres de vin rouge, à raison d’un litre par jour et par homme. Le vin complète largement l’eau qui est croupie dans les barriques au bout de quelques semaines[4].
↑Des moutons (six par mois pour 100 hommes), volailles (une poule par mois pour sept hommes, avec aussi des dindes, des pigeons, des canards)[5].
↑Dans le détail : 2 240 projectiles de 36 livres-poids, 2 400 de 18 livres et 1 280 de 8 livres[7].
↑En moyenne : un quart de la poudre est mise en gargousse à l’avance pour les besoins de la batterie basse, celle des plus gros canons au calibre de 36 livres, et un tiers pour les pièces du second pont et des gaillards[8].
↑D'Arsac de Ternay est nommé capitaine le en récompense de ses efforts durant le blocus[15].
↑D'Hector est nommé capitaine le pour avoir sauvé le Brillant et l'Éveillé durant le blocus[16].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN2-7181-9515-0, BNF36697883)
Jean Mascart, La vie et les travaux du chevalier Jean-Charles de Borda, 1733-1799 : épisodes de la vie scientifique au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, coll. « Bibliothèque de la Revue d'histoire maritime », (1re éd. 1911), 817 p. (ISBN2-84050-173-2, BNF37219533, lire en ligne)
Cécile Perrochon, « La bataille des Cardinaux et le blocus de la Vilaine », Les Cahiers du Pays de Guérande, Société des Amis de Guérande, (ISSN0765-3565)
Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire » (no 37), , 255 p. (ISBN2-01-145196-5, BNF35864311)