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La famille paternelle de James Gray est originaire de l'Empire russe, d'Ostropol(en), Ukraine occidentale[1]. Elle fuit la guerre civile en 1920 pour s'établir à New York. Son arrière-grand-père paternel est mort assassiné par les Cosaques à l'époque des pogroms tsaristes. Ses grands-parents, les Greyzerstein, parlent russe et yiddish, à peine l'anglais. Leur nom est anglicisé en « Gray » à leur arrivée à Brooklyn en 1923[2].
Sa mère, Américaine de la classe moyenne, meurt quand il a 19 ans. Il en garde un souvenir mitigé : entre regrets de ne pas l'avoir plus connue, et rejet de son ambition sociale. Son père, diplômé d'un doctorat en génie électrique, enseigne à New York, puis il tente sa chance en créant une société, mais s'endette et fait faillite. Peu après, il remonte une entreprise de sous-traitance pour le métro de New York, qui échoue encore rapidement. Une expérience qui influencera la réalisation de The Yards. De là, Gray va se passionner pour les losers, ceux qui ne se convertissent pas au rêve américain : les mafieux, les immigrés, les pauvres, les déclassés, ceux pour qui l'ascenseur social reste en panne[3].
Jeunesse
Gray est un jeune homme taciturne, qui n'aime pas l'école et la déserte dès l'âge de 13 ans pour aller voir des films au cinéma, au grand dam de ses parents. L'adolescent se passionne en effet pour le cinéma, avec notamment Apocalypse Now de Coppola, Raging Bull de Scorsese, ou plus généralement l'œuvre de Steven Spielberg, le cinéma américain des années 1960-70 et le cinéma européen d'après-guerre : Fellini, Visconti, la Nouvelle Vague française, etc. Grand lecteur, il lit beaucoup sur l'histoire du cinéma, mais aussi de la littérature russe du XIXe siècle (Tolstoi, Dostoievski…), des grands classiques anglais (comme l'œuvre entière de Shakespeare), ou encore, très tôt, Émile Zola (notamment Germinal). Ces influences cinématographiques et littéraires se retrouveront dans son œuvre[4].
À son arrivée à New-York, sa famille emménage à Little Odessa, quartier des Russes et Ukrainiens juifs de New-York, mais il grandit dans le Queens, un quartier plutôt pauvre et morose, loin de Manhattan. Il fait la connaissance de Little Odessa en fréquentant des jeunes filles qui y habitent, et il profite de la particularité permissive du quartier pour s'y saouler en liberté[5]. Il étudie à l'école de cinéma de l'Université de Californie du Sud, où son film d'études, Cowboys and Angels, lui permet d'attirer l'attention du producteur Paul Webster(en), qui l'encourage à écrire un scénario qu'il puisse produire.
Révélation critique
Gray s'attelle à la tâche et sort en 1994 — il a alors 25 ans — son premier long métrage : Little Odessa, un film noir sur un tueur retournant dans son quartier natal de Brighton Beach où il est confronté à son jeune frère. Avec ce film, Gray remporte le lion d'argent à la Mostra de Venise.
En 2000, il sort son second long métrage : The Yards qui décrit, à la limite du film noir, les relations quasi-mafieuses dans les entreprises du métro new-yorkais. Mais le film est un échec commercial. Ses relations avec ses producteurs s'étant détériorées, il doit attendre 7 ans avant de pouvoir réaliser son troisième long métrage La nuit nous appartient, sorte de transposition dans le milieu de la police des tensions décrites dans son précédent film. Le succès du film lui permet de concrétiser un autre projet en 2008, d'un genre complètement différent : Two Lovers, qui n'est pas une comédie romantique comme on pourrait le croire au premier abord, mais plutôt un « thriller romantique » qui nous conte l'histoire d'un jeune homme sous l'influence de deux relations amoureuses simultanées et radicalement opposées.
Il revient en 2013 avec The Immigrant avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix et Jeremy Renner dans les rôles principaux. Ce film raconte l'histoire d'une immigrante polonaise qui veut découvrir le rêve américain mais qui se retrouve contrainte de se prostituer. C'est la première fois que James Gray écrit un premier rôle pour une femme.
D'après un article de Deadline publié en octobre 2022, James Gray devrait réaliser un biopic sur John Fitzgerald Kennedy intitulé Mayday[10]. Bill Skarsgård devrait incarner le rôle principal. Cependant, le projet est mis en stand-by lorsqu'il annonce tourner finalement un thriller policier intitulé Paper Tiger dans lequel il dirige Adam Driver ainsi que Jeremy Strong et Anne Hathaway qu'il retrouve après Armageddon Time. Le tournage est prévu pour le début d'année 2025[11].
Festivals
Grand habitué du Festival de Cannes, puisqu'il y a présenté cinq films en compétition (The Yards en 2000, La nuit nous appartient en 2007, Two Lovers en 2008 et The Immigrant en 2013, Armageddon Time en 2022), James Gray a fait partie du jury officiel 2009 présidé par Isabelle Huppert[12]. Le président du jury de la section Cinéfondation et courts métrages n'est autre que John Boorman, qui présidera le 12e Festival de Marrakech en 2012. Le rapport de James Gray au Festival de Cannes est cependant très complexe. Disant lui-même qu'il y reçoit très souvent un accueil au mieux mitigé, le réalisateur affirme ne plus vouloir y retourner après la sortie de Two Lovers. Il s'y rend cependant pour la sortie de The Immigrant puis d'Armageddon Time par volonté de son distributeur[4].
L’œuvre de James Gray jouit d'une reconnaissance critique plus grande en Europe qu'aux États-Unis. Comme l'explique Didier Péron, critique à Libération :
« James Gray, depuis Two Lovers, fait vraiment du cinéma très intimiste, européen, il cite Bresson, Dreyer, il ne cite pas Scorsese. Il n’est pas connu aux États-Unis, n’est pas dans la « liste A » pour faire des « gros trucs ». Il n’a jamais eu de succès aux États-Unis et il est regardé comme quelqu’un de dangereux. Il n’est pas ironique, il déteste l’action, l’esbroufe. Il parle aux adultes, pas aux ados, c’est un fan d’opéras et de romans russes. C’est un cinéaste qui, pour les Américains, est très surestimé en Europe. Ils ne comprennent pas[15]. »
Le cinéma de James Gray se démarque notoirement de la production américaine actuelle : il filme, exclusivement dans les faubourgs de New York qui l'ont vu grandir, des sujets qu'il écrit et dans lesquels l'habituelle individualité du héros est souvent moins importante que le milieu dans lequel celui-ci évolue (famille, mafia, police…). Même lorsque l'action se situe de nos jours, les décors, les filtres appliqués à l'objectif de la caméra imposent une perception à la fois vieillie et intemporelle. Le rapport au corps et la façon de se mouvoir des personnages de James Gray sortent des conventions usuelles, pour en toucher au plus près les personnalités, en reflétant émois, fragilités, mal-être ou manque d'assurance.[réf. souhaitée]
Enfin, ses films posent toujours la question du choix. Choix entre le bien et le mal (La nuit nous appartient, et The Yards), entre deux femmes (Two Lovers), entre le milieu d'origine et celui extérieur (Little Odessa, Armageddon Time). Ces choix étant souvent mêlés à une famille toujours présente (Little Odessa, The Yards, La nuit nous appartient, Armageddon Time).
Une autre particularité qui revient tout au long de l'œuvre du cinéaste est la figure du père. Dans la revue de cinéma La Septième Obsession, il s'explique longuement sur cette figure récurrente[16] :
« Il est difficile pour moi de l'expliquer. (...) Les relations humaines les plus centrales dans nos vies sont celles qui unissent père et mère ou frère et sœur, auxquelles on pourrait ajouter les liens du mariage. Pour une histoire destinée à être adaptée en film, on ne dispose que de deux ou trois heures, il y a donc une urgence. Cela nous force à identifier de façon claire et instantanée les relations en jeu. (...) On essaie toujours d'écrire quelque chose de personnel pour être en mesure d'établir une connexion émotionnelle avec le sujet et si les faits du récit ne sont pas autobiographiques, ils peuvent se révéler l'être bien plus tard. »
James Gray est un grand admirateur de la Nouvelle Vague française, qu'il a découverte avec Les Bonnes Femmes de Claude Chabrol (qui s'est affirmé le « fan numéro un » de James Gray)[17]. Il apprécie particulièrement la « proximité des réalisateurs de la Nouvelle Vague avec leurs personnages ». Il considère notamment que la célèbre scène finale des Quatre Cents Coups de François Truffaut est l'une des plus belles fins de l'histoire du cinéma ; il lui rend hommage dans Two Lovers, avec la scène qui montre Joaquin Phoenix marchant sur la plage jusqu'à faire quelques pas dans l'océan[18].