Une jeune parisienne accepte un poste de domestique en province, chez des notables dont les obsessions et la cruauté révèlent leurs frustrations et perversions latentes.
Résumé détaillé
À la fin des années 1920, Célestine, une femme de chambre de 32 ans, arrive de Paris pour entrer au service d'une famille de notables résidant au Prieuré, leur vaste domaine provincial. La maîtresse de maison, hautaine et dédaigneuse avec sa domesticité, est une puritaine frigide, maniaque du rangement et obsédée par la propreté. Célestine doit affronter les avances du mari sexuellement frustré, et elle fait face avec toute la sérénité possible au fétichisme étrange du patriarche, un ancien cordonnier qui lui demande fréquemment de porter des bottines qu'il tient jalousement enfermées dans un placard.
Malgré sa répugnance, Célestine est contrainte de côtoyer Joseph, le palefrenier au service de ses patrons depuis plus de quinze ans, un rustre aimant faire souffrir les animaux, raciste, antisémite et militant d'extrême droite[1] qui a des vues sur elle, l'associant à son projet de s'établir comme bistrotier à Cherbourg. Claire, une petite fille pour laquelle Célestine s'est prise d'affection, est violée et assassinée dans la forêt peu après y avoir croisé Joseph. Malgré une enquête de la police, le coupable n'est pas démasqué. Célestine est persuadée de la culpabilité de Joseph et feint d'accepter de devenir sa femme pour obtenir ses aveux. Devant son mutisme, elle fabrique de faux indices pour le confondre, tout cela en pure perte, car il est finalement innocenté et s'en ira ouvrir son bistro avec une autre femme.
Parallèlement, Célestine épouse le voisin de ses patrons, l'ex-capitaine Mauger, un retraité aisé et tonitruant.
« Le Journal d'une femme de chambre est un chapitre, parmi tant d'autres, d'un réquisitoire dont l'exorde fut prononcé, voilà bientôt trente-cinq ans, avec L'Age d'or. Aujourd'hui comme hier Bunuel s'en donne à cœur joie. Il n'y va pas de main morte. Il cogne dur. Et il fait mouche.[...] Bunuel évolue avec une souveraine maîtrise. Son humour cruel, sa férocité joyeuse, nous ravissent. L'audace de certaines scènes est tempérée par le tact et l'habileté de la réalisation. Ce qui ne peut être dit ou montré est suggéré avec une désinvolture pleine d'ironie. Conduit au pas de charge, le récit ne connaît ni temps mort ni transition inutile. Nous sommes au jeu de massacre et chaque coup va droit au but[2]. »
M. Rabour, un ancien patron de Célestine, fétichiste de la bottine, devient le père de Mme Monteil ;
l'action est décalée de trente ans, ce qui permet d'entendre les manifestants Croix-de feu crier « Vive Chiappe » à la fin, en passant devant le « petit café » de Joseph à Cherbourg ;
dans le roman, nous ignorons jusqu'au bout si Joseph a effectivement violé et assassiné la petite Claire, comme se l'imagine Célestine qui en est fascinée et se dit « empoignée » par « un beau crime » ; ici le fait est presque certain ;
la Célestine de Mirbeau finit par épouser Joseph et se dit prête à le suivre « jusqu'au crime » (ce sont les derniers mots du roman) ; chez Buñuel, elle se transforme en une justicière désireuse de le faire arrêter et condamner ;
chez Mirbeau, elle repousse avec mépris et en ricanant les avances du grotesque capitaine Mauger ; dans le film, elle accepte de l'épouser.
Jean d'Yvoire, « Le Journal d'une femme de chambre », Téléciné no 116, (Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , (ISSN0049-3287)
Pierre Charasson, « Le Journal d'une femme de chambre », Téléciné, no 117, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , fiche no 439, (ISSN0049-3287)