Haneke ouvre une expérience de spectateur traumatique dans la dureté des scènes exposées ou la manifestation d'une brutalité insoutenable, généralement hors-champ[2],[6]. Ses films ont souvent divisé la presse et le public[4],[7].
Michael Haneke est le fils unique de l'acteur Fritz Haneke et de l'actrice Beatrix Degenschild. Il a aussi un lien familial avec le comédien Christoph Waltz. En secondes noces, la mère de Haneke épouse le compositeur et chef d'orchestre Alexander Steinbrecher. Après la mort de Beatrix Degenschild, Steinbrecher – le beau-père d'Haneke – se marie avec Elisabeth Urbancic, la mère de Waltz. Steinbrecher est donc tour à tour le beau-père du cinéaste et celui de l'acteur. Adolescent, Michael Haneke envisage un temps de devenir pasteur avant de se raviser[11].
Il devient critique de cinéma de 1967 à 1970 puis travaille en tant que rédacteur pour la station de télévision allemande Südwestrundfunk. Passé à la mise en scène, il dirige, tant en Autriche qu'en Allemagne, plusieurs pièces du répertoire traditionnel, d'August Strindberg à Johann Wolfgang von Goethe en passant par Heinrich von Kleist. Il monte ses premiers spectacles à Baden-Baden (début avec la pièce Des journées entières dans les arbres de Marguerite Duras) puis à Darmstadt, Düsseldorf, Francfort et Stuttgart avant de partager son temps entre Munich, Berlin et Vienne. Il débute comme réalisateur pour la télévision en 1973 et commence à aborder ses thématiques récurrentes. Il déclare que ces téléfilms l'ont forgé comme cinéaste mais il renie Spermüll. La plupart de ses téléfilms sont des adaptations de la littérature autrichienne. En 1980, il se fait remarquer avec un téléfilm ambitieux, son premier projet personnel, d'une durée de quatre heures, consacré aux jeunes nés dans les années 1950 : Les Lemmings[12].
Son premier film pour le cinéma, Le Septième Continent (1989), qui décrit de manière clinique le suicide progressif d'une famille, est initialement refusé par la télévision[12]. D'emblée, son univers se caractérise par une vision conceptuelle, exigeante et pessimiste du monde contemporain. En toile de fond, il peint, comme les romans de sa compatriote et amie Elfriede Jelinek (prix Nobel de littérature en 2004), la société autrichienne qu'il critique ouvertement[13].
Trois ans plus tard, le controversé Benny's Video qui met en scène un adolescent devenu meurtrier par hasard et dont les parents effacent le crime, approfondit cette démarche et fait connaître Haneke au-delà des frontières austro-allemandes[12]. 71 fragments d'une chronologie du hasard dépeint la vie ordinaire de nombreux personnages avant leur assassinat lors d'un braquage de banque.
Funny Games, histoire d'une famille torturée et décimée, confirme sa réputation de polémiste. Il met aussi en évidence son style implacable et percutant de clinicien traquant sans relâche les tares humaines et la barbarie qui sommeillent dans la civilisation occidentale en général et la société autrichienne en particulier[14]. Au départ, Haneke pense à Isabelle Huppert pour le rôle de la mère assassinée mais elle le refuse[15]. Si le film déclenche une vive polémique à sa sortie, il devient, au fil des années, une œuvre culte, ce que le réalisateur regrette car ce statut repose, selon lui, sur un malentendu[9]. Une certaine confusion entre le message de fond et l'aspect attractif de tortures mises en scène de manière vraisemblable lui auraient, un temps, donné l'envie de détruire ce film mais il dit aujourd'hui l'assumer entièrement[9],[16].
Trois ans plus tard, il signe sa première réalisation en français : Code inconnu, film-mosaïque sur l'isolement, le rejet de l'autre et la difficulté de communiquer[9].
Son premier grand succès public vient en 2001 avec La Pianiste, adapté du roman homonyme de Jelinek. Il y brosse le portrait d'une professeur de piano, victime de sa mère castratrice et de son sens névrotique de la perfection. La protagoniste trouve refuge dans la consommation de films pornographiques, le voyeurisme et des fantasmes sado-masochistes[13]. La sulfureuse thématique sexuelle et des scènes très crues provoquent des chahuts au sein de la critique et du public[17],[18],[19]. Cependant, l'œuvre vaut à son auteur le grand prix du jury à Cannes et honore d'un double prix d'interprétation Isabelle Huppert et Benoît Magimel[20]. Elle permet également à Annie Girardot de faire son grand retour au cinéma et de remporter le César du meilleur second rôle féminin.
Haneke poursuit une carrière de réalisateur de portée européenne. Le Temps du loup en 2003, est un film d'anticipation qui raconte le désœuvrement d'individus dans un abri rural. En évoquant une catastrophe dont on ignore la nature, le cinéaste ouvre une interrogation sur le devenir de l'humanité et les dangers qui la guettent[9]. Le cinéaste est aujourd'hui assez critique sur ce film, reconnaissant qu'il n'a pas fonctionné comme il le souhaitait au départ en raison d'erreurs de castings et de problèmes techniques rencontrés sur le tournage (notamment la lumière qui n'était pas bonne) qui l'ont obligé à beaucoup couper au montage et à réduire la complexité du scénario[21].
Sollicité par des producteurs américains à la suite du succès outre-Atlantique de certains de ses films, il réalise lui-même en 2008 le remake de son classique Funny Games : Funny Games U.S. avec Tim Roth et Naomi Watts dans les rôles principaux. Il s'agit d'une reproduction à l'identique, plan par plan, de l'œuvre originale[15]. Le film est un échec commercial, malgré le désir du cinéaste de faire un remake anglophone depuis plusieurs années.
Le jury du Festival de Cannes 2012, présidé par Nanni Moretti, décerne au cinéaste sa seconde Palme d'or pour Amour, huis clos dramatique racontant la déchéance physique et psychologique d'un couple d'urbains octogénaires, incarné par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva. L'œuvre s'inspire de la propre histoire de son auteur et de celle d'une tante qui l'a élevé[27]. Elle s'axe sur l'un des rares scénarios qu'il n'a pas écrit dix ans auparavant[28]. Bien que la presse ait souvent reproché au réalisateur une certaine froideur et un point de vue austère ou moralisateur, voire sadique[29],[11], elle encense le film dans son ensemble et en fait le long métrage le plus apprécié de la sélection cannoise[30],[31]. Certaines critiques le considèrent comme la réalisation la plus personnelle, la plus émouvante et la plus sensible de Haneke[32],[33]. En 2013, Amour, qui est un succès mondial[34], est récompensé par le Golden Globe, le BAFTA et l'Oscar du meilleur film étranger (premier film à réussir le triplé) et par les César majeurs : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur pour Trintignant, Meilleure actrice pour Riva et Meilleur scénario original[29]. Il s'agit du second film de l'histoire des César qui arrive à obtenir les cinq statuettes les plus prestigieuses après Le Dernier Métro de François Truffaut en 1981. Absent de la 38e cérémonie des Césars, Haneke s'est fait représenter par sa productrice Margaret Ménégoz. Quelques mois plus tôt, il était devenu le premier long métrage à remporter les quatre trophées majeurs des prix du cinéma européen (film, réalisateur, acteur et actrice). Aucun film non-anglophone n'avait réussi à cumuler autant de récompenses avant lui.
Son prochain film devait être Flashmob, une chronique sociale doublée d'une analyse des médias et de leur influence sur la réalité quotidienne par le phénomène des flashmobs, un rassemblement éclair de plusieurs personnes inconnues l'une del'autre, organisé grâce à Internet et aux réseaux sociaux[37]. Le film fut annulé quasiment un an après son annonce, après des problèmes de préproduction[38]. Le cinéaste révéla qu'il souhaitait tourner le film aux États-Unis, mais n'arrivait pas à convaincre ses producteurs ni à trouver l'actrice principale, au côté de Forest Whitaker. Malgré cela, de nombreuses thématiques du film furent utilisés pour Happy End[39].
Le nouveau film du cinéaste est finalement un film français, Happy End, qu'il tourne à l'été 2016. Le cinéaste retrouve Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert pour aborder la question des migrants (une référence à l'actualité récente) à travers une famille bourgeoise du Nord-Pas-de-Calais[40]. De nombreuses critiques font remarquer que le film se centre plus sur une satire de la bourgeoisie, ainsi que sur les rapports fictions-réalités que sur le sort des réfugiés de Calais, d'où des comparaisons très fréquentes avec Luis Buñuel ou Claude Chabrol, dont Huppert fut l'actrice fétiche avec sept collaborations[41],[42],[43]. Le film, présenté au Festival de Cannes 2017, déçoit une grande partie des festivaliers, y compris des médias déjà fidèles à Haneke, qui pointent une redite thématique et stylistique et un condensé de l'œuvre[44],[45].
Michael Haneke a quatre enfants[50]. Il est marié à l'antiquaire Susanne Haneke depuis 1983, qui fait un caméo dans chacun des films de son mari[51].
Style et thématiques de Michael Haneke
Rythme
Le rythme des films de Michael Haneke est souvent marqué par une dilatation du récit. Il peut n'y avoir aucune véritable intrigue ou aucun nœud dramatique clair (71 fragments..., Code inconnu). Le réalisateur traite son tempo narratif de manière musicale, jouant sur le contraste, le contrepoint, la pause, la nuance, la rupture, l'accélération et l'ellipse[52],[53]. Sur le plan formel, il étire la durée de ses plans et inclut des périodes de vide, de frustration, voire d'irritation tant pour le personnage que pour le spectateur[7]. De même, il utilise fréquemment la présence d'un mystère en trompe-l'œil qui restera en partie non dévoilé, en donnant toutefois des éléments d'interprétations possibles (Caché, Le Temps du loup, Le Ruban blanc, l'ouverture d'Amour).
Violence
Le cinéaste innove particulièrement dans la manière de mettre en scène la violence. En effet, son œuvre, d'une radicalité assumée, propose une réflexion sur les comportements archaïques au cœur de la civilisation occidentale[2]. Sans être stylisée ou spectaculaire, cette violence sous-jacente surgit de manière structurelle et extrême, notamment dans le début de ses films[52]. Elle est souvent plus suggérée que montrée frontalement : le meurtre de la jeune fille, rendu par les cris stridents hors-champ dans Benny's Video, les scènes de torture et de meurtre dans Funny Games, signifiées par des hurlements ou du sang sur un téléviseur, la mutilation génitale que s'inflige le personnage de La Pianiste, filmé de profil[54],[9]... Cette violence n'est généralement pas justifiée de manière évidente, ce qui rend la mise en scène encore plus sèche et brutale et les procédés qui la rendent palpable créent, entre proximité et distance totale, un malaise tel que la notion de « pornographie de l'épure », fut utilisée par le magazine Télérama à propos de Funny Games :
« [...] peut-on impunément filmer l'horreur sans prendre parti ? L'impassibilité qu'il revendique amène Haneke à un curieux choix esthétique : ce qu'on pourrait appeler la pornographie de l'épure. Prenez le plan de sept minutes où il filme, de loin, un gamin mort, une femme, couverte d'ecchymoses, qui sautille pour se libérer de ses liens et un homme qui éclate en sanglots convulsifs. Apparemment, c'est parfait : pas de sang, une caméra immobile ou presque (un léger panoramique). On est dans la dignité irréprochable. Sauf que cette dignité est fausse. Les longs plans fixes d'un Angelopolous ou d'un Tarkovski bouleverseraient par leur sincérité. Celui-là est calculé, malin, artificiel. L'impudence naît de cette pudeur forcée. La première règle d'un cinéaste qui se respecte, c'est la liberté qu'il laisse aux spectateurs d'aimer ou non les personnages. Ici, les personnages sont des marionnettes, et les spectateurs des cobayes de laboratoire. Sur l'écran, les deux meurtriers nous font des clins d'œil, pour nous rendre complices du plaisir qu'ils prennent à tuer. »[55].
La barbarie amplifiée par les images issues de l'industrie du divertissement et du spectacle (télévision, jeux vidéo, films d'action hollywoodiens, hardrock) et les civilités de la bonne société s'échangent et se confondent[54]. En réalité, Haneke met en scène une violence banalisée, générée par un univers familier[56].
Rêve et réalité
Michael Haneke alterne récits intimistes centrés sur quelques personnages (Benny's Video, La Pianiste, Amour), huis clos (Funny Games, Amour) et fresques unanimistes, proches dans leur conception du « théâtre épique » défini par Bertolt Brecht (71 fragments..., Le Temps du loup, Le Ruban blanc). Le cinéaste affirme vouloir mêler divers registres afin d'éviter le sens unique et le film à thèse[2] : bien que situées dans un cadre très réaliste, ses œuvres manifestent un certain maniérisme et laissent une large place à l'irrationnel. Elles s'aventurent parfois aux frontières de l'onirisme, voire d'un fantastique kafkaïen. Le final du Temps du loup, la scène de décapitation du coq dans Caché, les annonces prophétiques du Ruban blanc, les apparitions-disparitions du pigeon et la traversée, par Jean-Louis Trintignant, d'un couloir sombre et inondé dans Amour se situent volontairement du côté de l'irréalité ou du cauchemar. Par ailleurs, le film est régulièrement renvoyé à sa nature d'artifice et de mensonge (la mise en abyme et « l'image dans l'image » dans Benny's Video et Caché, les clins d'œil au public et les apartés du meurtrier ou encore l'effet « rembobiné » d'une séquence de mise à mort dans Funny Games...)[57]. Le cinéaste explique lui-même cette démarche : « Si le cinéma veut être une forme d'art, il doit nécessairement d'abord s'interroger sur son pouvoir de figuration. C'est une question essentielle. Sans ça, il est trop facile d'en user pour imposer une vision simpliste du réel ; ou manipuler le spectateur, prétendre le divertir pour lui imposer un sens. »[4]. Ses films mêlent donc indistinctement réalisme, fable, banalité quotidienne et allégorie[58].
Rapport à l'image du spectateur
Haneke met sans cesse le spectateur de ses films en situation d'inconfort[7]. La manière habituelle de percevoir une œuvre cinématographique est changée par la volonté de rejeter toute lecture psychologique, de provoquer des réactions vives et émotives et d'interroger le public sur sa responsabilité de « témoin » face aux scènes exposées. Des questions d'ordre social, politique, historique, culturel ou moral lui sont assénées et aucune réponse n'est apportée[56]. Caché met par exemple en scène, de manière métaphorique, certains éléments de la guerre d'Algérie à travers la relation entre Daniel Auteuil et Maurice Bénichou mais laisse ouverte la façon d'interpréter le retour de l'histoire refoulée dans l'existence d'individus ordinaires. Plus globalement, le cinéaste interpelle sur la manière systématique de figurer la réalité et de la confondre avec ce qui est montré à l'écran. La vérité semble insaisissable et le réel apparaît comme une série de fragments visuels et sonores, sans lien logique apparent. Cette représentation d'images énigmatiques est visible dans Le Septième Continent et Code inconnu[54]. 71 fragments... éparpille, quant à lui, des séquences mises au hasard que chacun est amené à rassembler selon sa pensée[59]. L'image en elle-même est utilisée par Haneke dans un questionnement sur sa capacité à manipuler celui qui la regarde[59]. Benny's Video, Code inconnu, Caché et La Pianiste opèrent en ce sens une confusion volontaire dans le passage d'une image à l'autre : la fiction est confondue avec des bandes de caméscope, des séquences télévisées ou des jeux vidéo. La frontière entre les différents niveaux d'image est brouillée et le public devient le miroir de phobies et de névroses sur l'exemple des personnages[56]. Par ailleurs, Haneke montre la manière dont les médias de masse mettent chaque image sur le même plan, sans jamais les hiérarchiser[56]. Selon le réalisateur, « la question n'est pas de savoir ce qu'on a le droit de montrer, mais comment permettre au spectateur de comprendre ce qu'on lui montre. »[60]. Cette logique réflexive a poussé Thomas Neuhauser d'Arte à qualifier ses films d'« essais filmés »[61].
Rejet du cinéma commercial américain
Le réalisateur affirme avoir été traumatisé, dans sa jeunesse, par l'esthétique et la dramaturgie hollywoodiennes[11]. Il s'oppose notamment à un courant du cinéma américain, initié par Oliver Stone et Quentin Tarantino, qui n'offrirait que des images violentes, spectaculaires et sans distance critique. Pour Haneke, cette veine postmoderne et ultra-violente de la production américaine serait incapable de réaliser son pouvoir sur le spectateur pour qui elle rendrait le sang et la souffrance attractifs[9]. Il explique que les films qui en sont issus déréalisent la violence et la manière de la montrer, masquée sous une posture de vraisemblance, devient le prétexte à un défilé de scènes grandiloquentes. Selon lui, ce procédé cache des valeurs fascisantes comme l'autodéfense et la vengeance[62]. Fidèle à sa méthode, il dit vouloir aiguiser, en réaction, une forme de conscience au-delà des représentations primitives. Néanmoins, avec sa trilogie autrichienne consacrée au thème de la « glaciation émotionnelle »[54] (Le Septième Continent, Benny's Video et 71 fragments...), il montre son désir de s'éloigner aussi d'un cinéma d'auteur complaisant et trop agréable dans son approche esthétique[2].
Choix esthétiques
La mise en scène de Haneke révèle une rigueur mathématique dans l'élaboration du cadre et l'usage du montage[63]. Haneke pense minutieusement la composition de ses plans, étirés dans le temps[58]. Selon Isabelle Huppert, « il se laisse guider par le mouvement d'un visage, c'est ça qui rend sa mise en scène très organique. »[36]. Ses réalisations accordent par ailleurs un soin extrême au son[63]. Généralement, elles n'utilisent pas de plage musicale (les rares morceaux de musique sont joués ou écoutés par les personnages) et privilégient des plans fixes et des plans-séquences aux couleurs ternes[59]. Le montage parallèle est aussi fréquemment employé au même titre qu'une bande sonore précise, reconstituant d'une façon très signifiante diverses ambiances : l'eau stridente du robinet ou la pluie battante dans Amour, le craquement saturé du plancher dans La Pianiste, etc. Michael Haneke peut consacrer plus de deux mois à travailler le son et le mixage après l'achèvement du montage[54]. Il utilise par ailleurs de manière répétée les transitions brutales marquant le passage du temps, comme de brefs écrans noirs[54].
Lors du sondage décennal de Sight and Sound, il fut demandé à plusieurs réalisateurs de donner leurs dix films favoris. Lors du sondage de 2002, le réalisateur autrichien communiqua son choix[68],[69] :
Les thèmes ou motifs récurrents de ses films sont[56] :
Une représentation d'une violence ordinaire — et de diverses formes d'humiliation —, déréalisée et souvent sans motif.
Une critique dirigée contre les médias de masse, en particulier la télévision.
Une dénonciation de la culture du divertissement et du spectacle (films d'action, télévision, jeux vidéo) et la manière dont celle-ci banalise la violence.
Une « glaciation émotionnelle », ou déshumanisation de la classe moyenne et bourgeoise occidentale (intrusion d'une menace sourde et inexplicable dans un univers familier, banal ou quotidien).
Une désagrégation de la cellule familiale dans la société moderne.
Des descriptions d'enfance ou d'adolescence sadiques et meurtrières.
Un refus ou une incapacité de communiquer directement avec l'autre.
Une impossibilité d'exprimer ou de faire comprendre toute souffrance psychologique.
Une approche des conséquences du racisme et du refoulement de l'histoire.
Une volonté de vouloir laisser la porte ouverte à de nombreuses interprétations : critique de la manière de « fournir les réponses en même temps que les questions » des médias modernes.
Des personnages nommés Georges et Anna (ou des variantes de ces mêmes noms).
Le film raconte l'histoire d'un homme croyant à une catastrophe chimique et basculant dans le survivalisme, les hallucinations et la paranoïa. Le titre signifiant La Tête du Maure fait référence au logo des entreprises Meinl(en) et à la pâtisserie Mohrenkopf(de). Haneke avait écrit ce scénario pour une chaîne de télévision avant de réaliser Le septième continent, le film ne s'étant pas fait faute de moyen, il abandonna le scénario qui fut repris par Paulus Manker, qui tourna avec Haneke dans Wer war Edgar Allen ? et plus tard dans Code inconnu. Manker s'entoura de l'équipe de production habituelle du cinéaste. Haneke laissa Manker complètement libre mais juge que le film est un échec car Manker est très fidèle à un scénario médiocre qu'il aurait modifié s'il l'avait tourné[72].
↑Mathilde Blottière, « Michael Haneke : "Comment peut-on se repaître de la souffrance d’autrui, même à travers un écran" », Télérama, (lire en ligne).
↑Par exemple, dans Funny Games et le remake américain, elle est présente dans le voilier des voisins. Dans Amour, elle attend derrière le couple âgé du film pour féliciter le musicien dans le concert introductif. Dans Happy End, elle est assise dans la scène de repas finale.
↑ a et bAnalyse du style de Michael Haneke dans les Cahiers du cinéma no 683, novembre 2012, articles « Mal, mal mal » par Jean-Philippe Tessé et « Haneke, père sévère » par Joachim Lepastier site officiel.
↑Christine Delpit, La maîtrise du son dans la mise en scène de Michael Haneke. Le Septième Continent (1989), La Pianiste (2001), Caché (2005) (Mémoire de master 2), , 151 p. (lire en ligne)
↑ ab et cNorbert Kreutz, « Michael Haneke questionne la violence en images et extirpe le spectateur de son confort de voyeur », Le Temps, (lire en ligne).
↑Thomas Neuhauser, « La Pianiste - critique du film (2001) », Arte, (lire en ligne).
↑Stéphanie Lamome, « Funny Games U.S. : l'interview de Michael Haneke », Première, (lire en ligne).
↑ a et bLes films Le Septième Continent, Benny's Video et La Pianiste furent proposés comme candidats de l'Autriche pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, respectivement en 1989, 1992 et 2001, sans être nommés. Pour la cérémonie de 2006, l'Autriche proposa Caché qui fut disqualifié par l'Académie, au motif que le film, francophone, n'est pas tourné dans la langue officielle du pays représenté. La restriction linguistique est abandonné l'année suivante.
Michael Haneke (trad. de l'allemand), Le ruban blanc, Arles, France, Actes Sud, coll. « Beaux livres », , 141 p., 224 p. + 1 DVD (ISBN978-2-7427-9532-1)
Michel Cieutat et Philippe Rouyer, Haneke par Haneke, Paris, Stock, coll. « Essais - Documents », (réimpr. 2017), 352 p. (ISBN978-2-234-06485-0)
L'ouvrage est augmenté en 2017, un treizième chapitre évoquant Happy End est rajouté. À l'occasion de la sortie de l'ouvrage, Philippe Rouyer est interviewé sur Darius Khondji et Michael Haneke, Canal Académie.
Michael Haneke (trad. Bernard Mangiante), Amour, Actes Sud, coll. « Scénario », , 112 p.
Michael Haneke : Profession réalisateur est un documentaire d'Yves Montmayeur (qui a conçu les making-of du cinéaste) qui s'étale sur vingt ans, parsemé de différentes interviews du cinéaste ainsi que de ses acteurs. Le documentaire analyse principalement la méthode de travail du réalisateur, ce dernier ne souhaite évoquer ni sa vie privée, ni l'interprétation personnelle de ses films.