Modulation (musique)En harmonie tonale, une modulation désigne un changement de tonalité, sans interruption du discours musical. Celle-ci peut s'accompagner d'un ou de plusieurs changements de mode, mais pas obligatoirement. Elle peut ainsi désigner :
C'est une des caractéristiques de la musique tonale que de pouvoir traverser successivement des tonalités différentes au cours d'un même morceau. Pour qu'il y ait véritablement modulation, il faut qu'il y ait au moins deux accords appartenant à la nouvelle tonalité : un accord de dominante suivi d'un accord de tonique, autrement dit, une cadence parfaite dans la nouvelle tonalité. S'il n'y a qu'un accord étranger à la tonalité initiale, il n'y a pas modulation, mais un simple emprunt. Les problèmes posés par la modulation sont un peu analogues à ceux posés par la transposition et sont fortement affectés par le type de gamme utilisée. HistoireLa modulation est une pratique relativement récente car les compositeurs du XVIe siècle l’évitaient avec soin. C'est que l'accord des instruments de l'époque — notamment l'inégalité des intervalles entre les 12 demi-tons de l'octave — ne permettait pas de jouer dans les douze tonalités de manière satisfaisante — plus on s'éloignait de la gamme de départ, plus les autres gammes « sonnaient faux ». À partir du XVIIIe siècle, avec l'invention du tempérament égal, la modulation est devenue une pratique courante, propre à augmenter l’attrait de la musique. C'est ainsi que la science de la modulation bien menée distingue les plus grands compositeurs. GénéralitésLorsqu'on module, il peut arriver que l'on reste un certain temps dans la nouvelle tonalité avant de retourner dans la tonalité primitive, ou encore, avant d'aller dans une troisième tonalité — c'est-à-dire, avant de moduler à nouveau. Si l'on ne fait entendre qu'une simple cadence parfaite, et que l'on quitte aussitôt la nouvelle tonalité, on parle alors de modulation passagère. Dans le cas contraire, lorsque le séjour dans la nouvelle tonalité se prolonge sur plusieurs mesures, ou même, sur plusieurs phrases, on parle de modulation prolongée.
Notes modulantesLes notes modulantes — appelées également notes nouvelles, ou notes caractéristiques — sont des notes appartenant à la nouvelle tonalité, mais qui sont étrangères à la tonalité primitive.
Notes modulantes constitutivesLes notes modulantes constitutives sont les notes figurant ordinairement dans l'armure de la nouvelle tonalité — c'est-à-dire, les degrés constitutifs, correspondant à la transposition de l'échelle diatonique.
La modulation à la tonalité relative est la seule modulation ne produisant aucune note modulante constitutive, puisque deux tonalités relatives — par exemple, do majeur et la mineur — ont les mêmes notes constitutives, et par conséquent, la même armure — en revanche, une telle modulation produit bien une note modulante découlant du mode mineur.
En effet, la seule présence de cette dernière altération ajoutée sous-entend la présence des autres. On l'appelle pour cette raison, la dernière note modulante constitutive, ou encore la dernière altération constitutive.
Notes modulantes découlant du mode mineurUne note modulante découlant du mode mineur est, soit un degré quelconque transformé en sensible du mode mineur, soit au contraire, une sensible reprenant sa hauteur initiale.
Distance relative entre deux tonalitésParmi les sept degrés constitutifs de deux tonalités données, on trouve un certain nombre de notes communes et un certain nombre de notes différentes. Les notes communes et les notes différentes permettent d'apprécier la distance relative entre ces deux tonalités.
Par ailleurs, la parenté entre une tonalité donnée et chacune de ses cinq tonalités voisines peut varier entre une et trois altérations de différence, compte tenu, cette fois, non seulement des notes modulantes constitutives, mais aussi, des notes modulantes découlant du mode mineur. C'est ainsi qu'on peut distinguer, d'une part les tonalités voisines principales — n'ayant qu'une seule altération de différence —, d'autre part les tonalités voisines secondaires — ayant plus d'une altération de différence.
Tonalités voisines du mode majeurPour une tonalité majeure, la tonalité de la dominante, celle de la sous-dominante et la tonalité relative mineure, ont chacune une altération de différence ; celles de la dominante et de la sous-dominante de la tonalité relative mineure, en ont deux.
Tonalités voisines du mode mineurPour une tonalité mineure, la tonalité relative majeure, a une seule altération de différence ; les tonalités de la dominante et de la sous-dominante de la tonalité relative majeure, en ont chacune deux ; celles de la dominante et de la sous-dominante de la tonalité mineure, en ont trois.
Juxtaposition de tonalitésLe passage entre une tonalité donnée et une tonalité voisine principale peut se faire sans recourir à une modulation, c'est-à-dire par simple juxtaposition de tonalités, en particulier dans le cas d'un retour à la tonalité primitive.
Deux grands procédés de modulationIl existe principalement deux manières de moduler, selon que l'on fait ou non appel aux accords de transition.
Modulation avec accords de transitionCe type de modulation — appelé également modulation diatonique — consiste à intercaler entre l'accord de sortie et l'accord d'entrée, un ou plusieurs accords de transition — appelés encore accords mixtes —, c'est-à-dire, des accords appartenant à la fois à la tonalité primitive et à la nouvelle. C'est pour cette raison que la modulation avec accords de transition est parfois appelée modulation par confusion de degrés. Celle-ci concerne principalement les tonalités voisines, mais dans certains cas particuliers, elle peut également permettre d'atteindre des tonalités éloignées.
Modulation ordinaire par les accords préparatoiresDans ce cas, les accords de transition sont des accords préparatoires, ceci afin de n'avoir que des bons ou meilleurs enchaînements : il s'agit principalement des degrés II et IV, éventuellement, du VIe ou du Ier. Lorsqu'il y a plusieurs accords de transition consécutifs, il est vivement recommandé que celui qui précède immédiatement l'accord d'entrée soit le IIe ou le IVe degré de la nouvelle tonalité.
Modulation aux tonalités éloignées par accords de transitionLa modulation ordinaire par les accords préparatoires ne convient qu'aux tonalités voisines, sinon, celle-ci doit avoir lieu par étapes, c'est-à-dire, en modulant successivement dans diverses tonalités transitoires. Par exemple, pour moduler de do majeur vers ré majeur — tonalité éloignée —, on peut moduler d'abord en mi mineur — tonalité voisine de do majeur —, avant d'aller vers ré majeur — tonalité voisine de mi mineur.
Modulation à la tonalité homonymeLa tonalité homonyme — trois altérations constitutives de différence — peut être atteinte par une modulation avec accord de transition ; dans ce cas, l'accord de transition est l'accord de dominante, le seul qui soit véritablement commun aux deux modes, les notes caractéristiques étant les degrés III et VI — notes dites modales. Ce type de modulation est très facile à réaliser.
Modulation par changement enharmoniqueUne enharmonie, rappelons-le, désigne l'intervalle de seconde diminuée — par exemple, entre do et ré —, qui équivaut à un unisson juste dans la musique tempérée. L'enharmonie permet de rebaptiser certains sons sans modifier leur hauteur, et ainsi, d'atteindre facilement des tonalités très éloignées. Dans ce cas, l'accord de transition est à la fois, un degré quelconque de la tonalité primitive, et le Ier ou le Ve de la nouvelle tonalité. D'ordinaire son orthographe est déterminée par la nouvelle tonalité. Lorsque l’enharmonie est mise en œuvre, l’effet de la modulation est plus surprenant et plus radical.
Modulation par la sixte napolitaineLa sixte napolitaine de la nouvelle tonalité peut être utilisée comme accord de transition. Il suffit pour cela de choisir dans la tonalité primitive, un accord parfait majeur — soit le Ve degré dans les deux modes ; soit le Ier ou le IVe dans le mode majeur ; soit encore, le VIe dans le mode mineur —, et de le disposer à l'état d'un accord de sixte avec sa basse doublée. Ce type de modulation permet d'atteindre la tonalité située une seconde mineure au-dessous de la fondamentale de la sixte napolitaine. Cette nouvelle tonalité peut être voisine (exemple Q) ou éloignée (exemple P).
Modulation sans accord de transitionDans ce deuxième grand procédé de modulation, l'accord de sortie et l'accord d'entrée s'enchaînent sans le moindre accord de transition, mais en respectant la règle « de l'économie de mouvement » — note commune qui reste en place, par unisson juste ou enharmonie, et mouvement conjoint de préférence. Cette modulation est souvent baptisée modulation chromatique parce qu'elle s'accompagne — presque — toujours d'un mouvement chromatique.
Quand l'accord d'entrée est un accord de trois notesDans ce cas, cet accord est, soit l'accord de tonique, soit celui de dominante de la nouvelle tonalité. La condition est que les deux accords qui s'enchaînent aient au moins une note commune. Si l'accord de sortie est un accord de trois notesDans cette première hypothèse, l'accord de sortie peut être n'importe quel degré de la tonalité primitive, et les fondamentales des deux accords sont situées à une distance de tierce — majeure ou mineure.
Si l'accord de sortie est un accord de plus de trois notesDans cette deuxième hypothèse, l'accord de sortie est presque toujours un accord de dominante. On a donc affaire le plus souvent à une cadence rompue, autrement dit, à une résolution exceptionnelle de l'accord de septième ou neuvième de dominante.
Quand l'accord d'entrée est un accord de plus de trois notesDans ce cas, cet accord est toujours un accord de septième — ou neuvième — de dominante, puissant outil de modulation. Les deux accords qui s'enchaînent peuvent alors se passer de note commune (exemples I, L, M et P). Si l'accord de sortie est un accord de trois notesDans ce troisième procédé, l'accord de sortie peut être n'importe quel degré de la tonalité primitive. Tout accord de trois notes peut produire n'importe quel accord de septième — ou neuvième — de dominante.
Si l'accord de sortie est un accord de plus de trois notesDans ce quatrième procédé, l'accord de sortie peut être indifféremment un accord de septième — ou neuvième — de dominante, ou d'espèce. Il s'agit de l'hypothèse la plus courante et la plus facilement réalisable. En effet, la présence des deux septièmes — et éventuellement, celle des neuvièmes — facilite la transition entre les deux tonalités.
Liens externes
|