La rivière prend sa source dans le glacier de Zinal et elle est orientée vers le nord et le nord-nord-ouest. Elle traverse plusieurs encaissements, notamment à partir de Vissoie, où son lit se trouve au fond d'une crevasse. Son principal affluent est la Gougra.
L'eau de la Navizence est utilisée par plusieurs installations hydroélectriques et peut notamment être acheminée jusqu'au barrage de Moiry par pompage via un réseau de galeries. La Navizence a connu en 1834 et 2018 des crues importantes qui ont causé de nombreux dégâts le long du val d'Anniviers et à Chippis. Elle est habitée par plusieurs types de macroinvertébrés benthiques ainsi que par des truites fario.
Hydronymie
En 1267, la rivière est connue sous le nom « aquam de la Navisenchy ». Son nom est peut-être dérivé d'une ancienne forme d'« Anniviers », avec le suffixe « -entia », soit « Anavisentia ». Il est également possible que le nom vienne du gaulois « nava », en latin « navem », signifiant « vallée encaissée, ravin », avec le même suffixe « -ence »[1]. Le philologuePaul Aebischer évoque une racine gauloise anavo-[2], qui exprime les notions d'inspiration et de richesse[3].
La nom de la rivière a plusieurs orthographes : « Navizance », « Navizence », « Navisance »[4] ou « Navisence »[5]. Son nom allemand est « Uzenz »[4]. Dans la variété locale de l'arpitan, Navizence se dit « Navijèïngtse »[6].
La Navizence prend sa source à 2 100 m, à la sortie du glacier de Zinal, au fond de l'embranchement ouest du val d'Anniviers[4],[10]. À cet endroit, la rivière recueille également les eaux d'autres glaciers, tels que le glacier de Moming et le glacier de la Lée. Elle traverse alors un goulet resserré long d'environ 600 m. À sa sortie, elle passe par le plat de la Lée où plusieurs petits torrents la rejoignent depuis le roc de la Vache, le glacier de Tracuit, les Diablons ou la Garde de Bordon. La Navizence traverse ensuite le village de Zinal[4].
Environ 2 km après Zinal, à Mottec, le cours d'eau prend une pente directe et constante dans un nouvel encaissement. Jusqu'ici dirigée vers le nord, la rivière prend une direction nord-nord-ouest. Sur sa rive droite, elle reçoit alors l'eau du petit glacier des Diablons puis, à Ayer, l'eau du col de la Forcletta. Arrivée à 1 287 m d'altitude, la rivière rencontre son principal affluent, la Gougra, qui lui livre les eaux du glacier de Moiry et des lacs de Zozanne, Lona et Marais[11].
Considérablement grossie par la Gougra, la Navizence reprend une orientation nord puis, après Saint-Jean, se redirige vers le nord-nord-ouest. À Vissoie, elle recueille le torrent des Moulins qui trouve ses origines dans les névés de la pointe de Nava, du Toûno et de la Bella Tola. À partir de Vissoie, la vallée devient de plus en plus encaissée et le lit de la Navizence disparaît au fond d'un précipice. Elle y reçoit l'eau de deux affluents : sous Pinsec, celui venant du vallon d'Orzival et à Fang, celui venant du Schwarzhorn[12].
Au lieu-dit des Balmes, l'éperon rocheux des Pontis, à la base de l'Illhorn, change encore une fois la direction de la rivière, cette fois vers le nord-ouest. Arrivée à l'est de Chippis à 535 m d'altitude, la Navizence se jette dans le Rhône après 23 km parcourus[11].
Le bassin versant de la Navizence couvre une surface de 255,5 km2. Le vallon de Zinal représente 114,7 km2 de cette surface tandis que le bassin de la Gougra fait 57,1 km2. Le bassin versant de la Navizence se situe entre 4 447 et 516 m. Son altitude moyenne est de 2 387 m. La surface du bassin versant comprend 27 % de rochers, 24 % de végétation herbacée, 21 % de forêts (dont 20 % de conifères et 1 % de forêts mixtes), 13 % de glaciers et 9 % de roches meubles ; le reste est réparti entre des végétations buissonnantes (3 %), des zones humides (2 %), des cours d'eau (1 %) et des zones urbanisées (1 %)[13].
Sur la période 1981-2010, la pluviométrie annuelle moyenne sur le bassin versant est de 1 020 mm/an, avec une augmentation des précipitations moyennes avec l'altitude. Le mois de mai est celui qui connaît les plus fortes précipitations, avec une moyenne de 125 mm, et, avec 310 mm, il est également celui avec le plus grand équivalent en eau de la neige[13].
Deux stations de mesure du débit ont existé sur la Navizence. La première a effectué des mesures à 250 m en aval de l'embouchement de la Gougra entre et . La seconde se trouvait à 450 m en aval du pont routier de Vissoie entre et [16]. Le débit moyen mesuré sur cette période est de 7,82 m3/s et la moyenne journalière la plus faible, mesurée en 1959, est de 0,89 m3/s[17]. Sur la période 1961-1980, le débit moyen annuel de la Navizence est de 6,19 m3/s au niveau de Vissoie et de 7,21 m3/s à Chippis[18].
Graphes des débits de la Navizence
Débits mensuels moyens, pointes de débits instantanées et débits minimums journaliers mesurés à Vissoie entre 1956 et 1962[17].
Les principaux aménagements de la Navizence se trouvent à partir du moulin de Chippis jusqu'à sa confluence avec le Rhône. Le tracé de la rivière y a été redressé de manière rectiligne par des blocs de roches en rive gauche et un mur de pierre en rive droite. Le reste du tracé a été laissé à l'état naturel, à l'exception de stabilisations vers Mottec et à proximité de certaines constructions[22].
Deux bassins de compensation se trouvent sur le tracé de la Navizence, à Mottec et à Vissoie[22]. Le premier sert à corriger l'irrégularité du débit en direction de Vissoie en été et, lors des heures creuses, il permet de pomper de l'eau en direction du barrage de Moiry. Le bassin de Vissoie sert quant à lui à approvisionner la galerie à écoulement libre Vissoie-Chippis[23].
Les rapides à l'entrée du val d'Anniviers rendent l'accès aux poissons difficile. Dans les années 1930, plusieurs peuplements de truites fario (Salmo trutta fario) ont été effectués. Celles-ci ont été capturées dans la plaine du Rhône puis relâchées à plusieurs endroits dans le val d'Anniviers[25]. Entre 2012 et 2014, 15 000 truites fario ont été relâchées chaque année dans la Navizence à partir de la pisciculture de Sierre[26].
Historique des débordements
La Navizence a connu deux crues ayant causé des débordements importants. La première, en , est due à l'interruption de l'écoulement de la rivière au glacier de Zinal par un lac proglaciaire, lui-même dû à un été très sec, des pluies torrentielles et un vent du sud. En se libérant subitement, l'eau du lac a emporté plusieurs ponts, granges et écuries, ainsi que les moulins d'Ayer[27]. À Chippis, la rivière a déversé une couche de sable et de limon d'une épaisseur mesurant entre 1 et 2 mètres[12].
Un nouveau débordement a lieu en , cette fois causé par un violent orage de 35 km2 et par la fonte d'importantes quantités de neige[28]. Le débit de la Navizence a atteint 120 m3/s, soit la moitié du débit nominal du Rhône[28]. Le débordement touche alors plusieurs zones entre Zinal et Chippis : le stade de football du FC Anniviers est englouti et un pont à Chippis doit être détruit en urgence par les secours[29],[30]. La station d'épuration d'Anniviers à Fang est quant à elle grandement endommagée et les eaux usées de Zinal et Grimentz doivent être reversées directement dans la Navizence[31]. Les dommages causés sont estimés entre 30 et 40 millions de francs suisses[32].
Activités
Utilisation de l'eau
L'eau de la Navizence est exploitée depuis 1908 à Chippis par la centrale hydroélectrique « Navizence ». Celle-ci alimente alors l'usine Alusuisse de Chippis en électricité à partir d'une prise d'eau à Vissoie. Une nouvelle centrale exploitant la Navizence est construite à Vissoie en 1909[33], et la centrale « Navizence » est rénovée dans les années 1950. Entre 1954 et 1958, le barrage de Moiry est construit sur le cours de la Gougra en même temps qu'un réseau de galeries dans le val d'Anniviers[34] ; ces galeries permettent entre autres de pomper de l'eau de la Navizence depuis Mottec au barrage[35]. Au total, les exploitants hydroélectriques locaux possèdent neuf prises d'eau sur le bassin versant de la Navizence[36]. Le maintien d'un débit résiduel à chaque prélèvement est fixé par la Loi fédérale sur la protection des eaux du [37]. Au prélèvement de Vissoie, le débit de la Navizence doit être de 470 l/s avant le captage (débit de dotation)[35].
Dix prélèvements d'eau potable se situent sur le bassin versant de la Navizence. Ceux-ci concernent uniquement des eaux souterraines. De l'eau est également prélevée à huit endroits sur les rives de la Navizence afin d'alimenter des bisses : celui de l'alpage de Gillou, le bisse de Sarrasin à Saint-Jean et Chalais, le bisse de Briey à Saint-Luc et Chalais, les bisses de Chararogne et de Ricard à Chalais et Chippis ainsi que les bisses de Lacher, de la Tinda et de Neuf Bénou. Enfin, une station d'épuration rejette ses eaux traitées dans la Navizence à Fang[38].
Graphes des débits de prélèvement de la Navizence
Débits mensuels moyens des prélèvements d'eau dans la Navizence pour la centrale « Navizence »[39].
Débits mensuels moyens des prélèvements d'eau dans la Navizence pour la centrale de Vissoie[39].
Parmi les aquifères du bassin versant, 34 % ont une vulnérabilité très forte aux pénétrations par des polluants et 24 % ont une vulnérabilité forte. Cela signifie que ces aquifères ne sont pas bien protégés par des couches de matériel faiblement perméable[45].
La portion de la Navizence entre l'embouchure avec le torrent de Pinsec et le bassin d'accumulation de Vissoie représente une réserve et est interdite à la pêche. En aval de l'embouchure avec la Gougra, la pêche est autorisée avec un permis cantonal[46].
Dans la culture
La troupe de théâtre de Vissoie porte le nom « Les Compagnons de la Navizence »[47]. En 1993, l'exposition Oh! Navizence imaginée par Jean-Jacques Le Joncour a pris place à Sierre. Celle-ci avait pour thème les bords de la Navizence dans un futur post-apocalyptique situé en 2009[48].
Un aménagement aux confins des vallées d’Anniviers et de Tourtemagne, Sierre, Forces Motrices de la Gougra SA, , 10 p. (lire en ligne [PDF]).
ETEC Sàrl et PhycoEco, Navizence : Observation de la qualité des eaux de surface, Sion et La Chaux-de-Fonds, Service de la protection de l’environnement, , 75 p. (lire en ligne).
Charles Knapp, Maurice Borel et V. Attinger, Dictionnaire géographique de la Suisse : Langenberg - Pyramides, t. 3, Société neuchâteloise de géographie, (lire en ligne), « Navizance, Navizence ou Navisance », p. 457-458.
↑La jonction avec la Gougra se situe entre Ayer et Mission, celle avec le torrent des Moulins entre Mission et Vissoie et celle avec le torrent de Fang entre Vissoie et Fang.
↑Jean-Baptiste Massy et Gérard Revey, Lexique du Patois d'Anniviers, Zinal et Orbe, EDICME, , 203 p. (ISBN978-2-940614-05-9, lire en ligne [PDF]), p. 87.
↑André Robert, « Le bassin de compensation de Motec, son projet et sa réalisation », Bulletin technique de la Suisse romande, , p. 255-256 (lire en ligne [PDF]).
↑Romain Perraudin, « Étude biologique de la Navizence », Bulletin de la Murithienne, no 104, , p. 70-71 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
↑Ignace Mariétan, « Essai de peuplement d'une rivière de montagne », Bulletin de la Murithienne, , p. 45-50 (lire en ligne [PDF]).
↑Benjamin Viguier, Étude de la contribution du repeuplement en truites fario dans trois bassins versants valaisans, Tours, École polytechnique de l'université François, , 41 p. (lire en ligne [PDF]), p. 10.
↑Alain Tesar, Les risques naturels dans le Val d'Anniviers : risques objectifs, perception et gestion, Lausanne, Université de Lausanne, (lire en ligne [PDF]), p. 30.
↑ a et b« Intempéries en Anniviers : de 1834 à 2018 », Le Nouvelliste, (lire en ligne, consulté le ).
↑Florent Bagnoud, « Chippis: le bâtiment de l’ancienne poste sera remis à neuf », Le Nouvelliste, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Anniviers continue de payer le prix des intempéries : la Navizence polluée par les eaux usées de Grimentz et Zinal », Le Nouvelliste, (lire en ligne, consulté le ).
↑Patrice Genet, « Les intempéries ont causé pour 70 millions de francs de dégâts au Valais en 2018 », Le Nouvelliste, (lire en ligne, consulté le ).
↑« L'aménagement hydro-électrique du val d'Anniviers et de la vallée de Tourtemagne », Bulletin technique de la Suisse romande, , p. 15 (lire en ligne [PDF]).
↑(fr + de) IFP 1716 Pfynwald – Illgraben, OFEV, (lire en ligne [PDF]), p. 1-5.
↑Ronald Kozel, Michael Sinreich, François Flury, Michel George, Theo Kempf, Volker Lützenkirchen, Federico Matousek, Reto Philipp, Pascal Tissières et Jean-Pierre Tripet, « Vulnérabilité des réservoirs aquifères » , sur hydromaps.ch (consulté le ).
↑Conseil d'État du canton du Valais, Arrêté quinquennal sur l'exercice de la pêche en Valais pour les années 2019-2023, (lire en ligne [PDF]).
↑« Avec « Les Compagnons de la Navizence » », Le Nouvelliste, , p. 11 (lire en ligne).
↑« Félicitons les sans-emplois », Le Nouvelliste, , p. 22 (lire en ligne).
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