Pie X
Giuseppe Melchiorre Sarto, né le à Riese en Vénétie (alors dans le royaume de Lombardie-Vénétie, maintenant Riese Pio X, dans la province de Trévise, en Italie) et mort le à Rome, est le 257e pape de l'Église catholique sous le nom de Pie X (en latin : Pius X, en italien : Pio X) du à sa mort. Le pontificat de Pie X est marqué par son opposition absolue au modernisme, mais aussi par des réformes ecclésiales, notamment en ce qui concerne la réception quotidienne de l'eucharistie ou la réduction de l'âge minimum des enfants pour l'admission à la première communion. Il est béatifié le , puis canonisé le : il est donc « saint Pie X » pour les catholiques. Sa fête liturgique a été fixée en 1955 au , puis au à partir de 1969. Jeunesse et itinéraire pastoralIl est né dans une famille très modeste. Son père, Giovanni Battista Sarto (1792-1852), est facteur rural et appariteur de Riese[1]. Sa mère, Margherita Sanson (1813-1894), est couturière[2]. Deuxième d'une famille de dix enfants, Giuseppe Sarto veut être prêtre depuis son enfance, mais la situation économique de sa famille ne le permet pas. C'est le curé de sa paroisse qui trouve le soutien financier, grâce auquel Giuseppe peut entrer au grand séminaire de Padoue, à l'âge de 15 ans, à l'automne 1850. Son père meurt en 1852. Lors de sa dernière année d'études, il est nommé « directeur du chant des clercs » de l'école de chant grégorien, créée par l'évêque de Padoue Grégoire Barbarigo († 1697)[b 1]. Giuseppe Sarto est ordonné prêtre le [b 2]. En même temps, se répand la nouvelle qu'une jeune Française, dénommée Bernadette Soubirous, aurait été témoin d'apparitions de la Vierge Marie. Giuseppe Sarto est nommé vicaire de la paroisse de Tombolo[a 1]. Il crée une petite école de chant grégorien pour que les paroissiens puissent participer au chant de la messe[a 1]. L'année suivante, François-Joseph Ier d'Autriche déclare la guerre au royaume de Sardaigne. Allié à l'empereur des Français, Napoléon III, le roi Victor-Emmanuel II de Sardaigne défait les troupes autrichiennes. L'Autriche cède la riche province de Lombardie et sa capitale, Milan, mais la Vénétie reste autrichienne. Ayant annexé la quasi-totalité de la botte italienne, le roi de Sardaigne se proclame roi d'Italie et transfère sa capitale à Florence. En 1866, l'Autriche est vaincue par la Prusse qui l'écarte de la sphère politique allemande. Pour prix de sa neutralité, la France reçoit la Vénétie, qu'elle rétrocède à son allié italien. L'abbé Sarto n'est plus sujet du très catholique empereur d'Autriche mais du libéral roi d'Italie. L'abbé Sarto est nommé archiprêtre de Salzano en 1867, puis chanoine de la cathédrale de Trévise en 1875[2]. Parallèlement, il devient directeur spirituel du séminaire diocésain. En , le roi d'Italie annexe la Latium et transfère sa capitale à Rome. Les États pontificaux sont rayés de la carte. Âgé de 78 ans, le pape Pie IX, se considérant prisonnier, s'enferme dans ses palais du Vatican. Il meurt en 1878. Le conclave élit l'archevêque de Pérouse, qui prend le nom de Léon XIII et prône une politique de réconciliation et d'ouverture. En 1882, lors du congrès européen d'Arezzo pour la musique sacrée, en tant que chancelier de l'évêché et directeur spirituel du grand séminaire, le chanoine Sarto soutient les moines de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes en faveur de la restauration du chant grégorien, alors que le pape Léon XIII défend plutôt le chant néo-médicéen[a 1]. En 1884, il est consacré évêque de Mantoue[2]. Il effectue deux visites pastorales et organise un synode diocésain avant d'être nommé contre son gré patriarche de Venise en 1893. Il reçoit la barrette de cardinal-prêtre (pour la paroisse de San Bernardo alle Terme) lors d'un consistoire secret en . Le gouvernement italien refuse d'abord son exequatur au motif que sa nomination a été le fait du gouvernement austro-hongrois. Sarto doit attendre 18 mois avant d'être reçu dans son nouveau diocèse. À Venise, il publie le une Lettre pastorale sur le chant d'Église en présentant des principes généraux pour l'organisation et la réalisation de la prière commune, chantée et liturgique[a 1]. ÉlectionLéon XIII meurt en 1903. Son successeur le plus probable est le secrétaire d'État, le cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, qui totalise 29 voix lors du premier scrutin, et Sarto 5 voix. Mais chaque vote voit progresser le score de ce dernier tandis que celui de Rampolla tend à se tasser. La révélation au conclave de l'exclusive lancée par l'Autriche-Hongrie à l'encontre de Rampolla scandalise l'ensemble du Sacré-Collège et Sarto refuse la perspective d'être élu pontife. Cependant, ayant cédé aux instances du cardinal-doyen Luigi Oreglia di Santo Stefano, et de l'archevêque de Milan, Andrea Carlo Ferrari, il finit par accepter. Le , Sarto est donc élu pape en dépassant largement les deux tiers des suffrages nécessaires (50 sur 62)[3]. Il a alors 68 ans. Il choisit de prendre le nom de Pie X en souvenir des papes du XIXe siècle qui « [avaient] courageusement lutté contre les sectes et les erreurs pullulantes ». Il est intronisé le . Un de ses premiers actes est d'interdire l'exclusive, pratique qui avait empêché Rampolla d'être élu. PontificatLe nouveau pape n'a pas eu de formation académique poussée, et n'a aucune expérience diplomatique. Aussi s'entoure-t-il de personnalités comme le cardinal Rafael Merry del Val, Espagnol de 38 ans, polyglotte et directeur de l'Académie des nobles ecclésiastiques, dont Pie X fait son secrétaire d'État. Issu d'un milieu populaire et voulant continuer de vivre dans la simplicité, Pie X fait aménager au Vatican un appartement d'une grande austérité. Conservateur et réformateurLe nouveau pape s'écarte de la conception conciliatrice de son prédécesseur, et affiche tout de suite une tendance théologique conservatrice. En matière administrative par contre, il se montre réformateur: il confie à Pietro Gasparri une refonte du droit canonique, qui aboutit à la promulgation du Code de droit canonique de 1917. Il publie le Catéchisme de la doctrine chrétienne (aujourd'hui appelé Catéchisme de Pie X), ainsi que les Premiers Éléments de la doctrine chrétienne (ou Petit Catéchisme de Pie X). Ce catéchisme a fait l'objet d'un éloge pontifical public de Benoît XVI lors de l'audience générale du [4]. Sur le plan financier, il réunit les revenus du denier de Saint-Pierre et ceux du patrimoine du Vatican puis fait acheter de nouveaux bâtiments. Il réforme l'organisation de la curie romaine par la constitution Sapienti consilio[5] du , supprimant des dicastères devenus inutiles et en concentrant les prérogatives des différents organes. Avec le décret Quam singulari »[6] du , Pie X demande que les enfants fassent leur première communion dès l'âge de raison, ce qui aboutit en pratique à une inversion de l'ordre traditionnel des sacrements, en plaçant la communion avant la confirmation[7]. Rite de passage important du début de l'adolescence, l'ancienne première communion qui se célébrait vers douze ans est alors maintenue en France en se transformant en cérémonie de profession de foi ou « communion solennelle ». AntimodernismeLe modernisme est à l'époque une tendance théologique considérée par les courants intransigeants, dominant les autorités catholiques d'alors, comme « déviante » et menant à des erreurs qui peuvent conduire à l'hérésie. Dans la constitution apostolique Lamentabili sane exitu (1907), Pie X condamne formellement 65 propositions dites « modernistes », rappelées dans l'encyclique Pascendi. Celle-ci rejette notamment les thèses d'Alfred Loisy qui est excommunié. Le résumé de la position antimoderniste est donné dans le motu proprio Sacrorum antistitum de 1910, encore appelé serment antimoderniste, que chaque prêtre est tenu de prononcer à l'occasion de son ordination sacerdotale[8]. En 1914 sont publiées les 24 thèses soutenant le thomisme. Quarante ecclésiastiques refusent de prêter serment. Parallèlement, Pie X encourage personnellement la constitution du réseau dit « La Sapinière », créé par Umberto Benigni et destiné à lutter contre les catholiques soupçonnés de « modernisme », dans une organisation que l'historien Yves-Marie Hilaire décrit comme un système de « combisme ecclésiastique »[9]. La « question française »Il fait face à la loi française de séparation des Églises et de l'État, votée par le parlement le , et qui s'inscrit dans le prolongement de la politique anticléricale menée par le précédent gouvernement d'Émile Combes, qui a ordonné la dissolution des congrégations religieuses et l'expulsion des religieux réguliers : enseignants, personnel des hospices , etc. (pendant de longues années, les religieux congréganistes désireux d'enseigner devront porter la soutane du clergé séculier). Pie X se montre moins conciliant et plus dogmatique que son prédécesseur, Léon XIII. Bien que la majorité des évêques français conseille de se plier à la loi, Pie X interdit toute collaboration par l'encyclique Vehementer nos (), l'allocution consistoriale Gravissimum (), et l'encyclique Gravissimo officii munere (), que Louis Duchesne baptise malicieusement « Digitus in oculo » (« doigt dans l'œil »). Le pape affirme alors que la « loi […], en brisant violemment les liens séculaires par lesquels [la] nation [française] était unie au siège apostolique, crée à l'Église catholique, en France, une situation indigne d'elle et lamentable à jamais »[10]. Cette opposition du pape à la loi française a pour conséquence de compromettre la création des associations cultuelles, prévues par la loi, et de faire transférer les biens immobiliers de l'Église au profit de l'État. Ce n'est qu'en 1923 que la situation sera débloquée par la création des associations diocésaines. En 1911, le concordat portugais prend pareillement fin. Relations avec le royaume d'ItalieÀ l'instar de ses prédécesseurs Pie IX et Léon XIII, Pie X maintient sa position de prisonnier du Vatican née de la prise de Rome par les forces armées du royaume d'Italie le . Toutefois, face à la montée du socialisme, il assouplit le non expedit. Dans son encyclique de 1905, Il fermo proposito, il autorise les évêques à offrir une dispense permettant aux paroissiens d'exercer leurs droits législatifs lorsque « le bien suprême de la société » est en jeu[11]. LiturgieAvec sa connaissance du chant grégorien et de sa restauration, Pie X achève la plus importante centralisation de la liturgie de l'Église romaine depuis l'époque de Charlemagne, par la publication des livres en latin à la place des liturgies locales. Désormais, l'Église catholique va célébrer ses offices de la même manière jusqu'au IIe concile du Vatican. Pie X publie son motu proprio « Inter pastoralis officii sollicitudines »[12] le , fête de Sainte-Cécile, patronne de la musique. Dans ce motu proprio, il précise ses instructions concernant la musique sacrée de l'Église romaine. Pie X est également le fondateur de l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome, en 1910[13]. La fondation de cet établissement avait été proposée par Dom Angelo de Santi, le théologien et musicologue de Léon XIII et vieil ami de Pie X, qui est donc nommé le premier directeur de l'institut[14],[15]. Dernières annéesDans l'encyclique Lacrimabili Statu du [16], Pie X s'élève contre le sort réservé aux Indiens d'Amérique du Sud et appelle les archevêques et évêques à agir en leur faveur, dénonçant les massacres, l'esclavage et les autres traitements indignes auxquels étaient soumises les populations indigènes, y compris par des catholiques, comme l'avait déjà dénoncé son prédécesseur Benoît XIV en 1741 mais sans grand effet. Pie X est bouleversé lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, mais la question se pose de savoir s'il a tenté de la prévenir et si son entourage l'y encourageait[17]. Même si selon une anecdote encore acceptée par Y.-M. Hilaire[18] mais mise en doute par plusieurs historiens[19], y compris des catholiques[20], le pape refuse sa bénédiction aux armées austro-hongroises, disant « Je ne bénis que la paix », Rafael Merry del Val, toujours secrétaire d'État, ne tente rien pour dissuader l'Autriche-Hongrie d'entrer en guerre contre la Serbie. En tout état de cause, l'influence papale reste faible face à la montée des passions nationalistes[18] et l'attitude du Saint-Siège semble incohérente[21]. La guerre éclate et s'étend à toute l'Europe dans les premiers jours d'. Pie X est affecté par une bronchite et meurt le , causant une grande émotion chez les fidèles auprès desquels il est populaire[22]. CanonisationAprès sa mort, la dévotion envers Pie X ne cesse pas. Sa cause est ouverte dès le et on érige à Saint-Pierre de Rome un monument en sa mémoire pour le vingtième anniversaire de son accession au pontificat. Devant l'afflux des pèlerins venus prier sur sa tombe dans la crypte de la basilique Saint-Pierre, on fait sceller une croix de métal sur le sol de la basilique, afin que les pèlerins puissent s'agenouiller juste au-dessus de son tombeau. Des messes y sont dites jusqu'à l'avant-guerre. Le , Pie XII prononce un discours à sa mémoire et le , en pleine guerre, « l'héroïcité de ses vertus » est proclamée. Peu après Pie X est déclaré « serviteur de Dieu ». La Congrégation des rites ouvre alors le procès de béatification examinant en particulier deux miracles. En premier lieu, celui intervenu auprès de Marie-Françoise Deperras, religieuse qui, d'après les Acta Apostolicæ Sedis, était atteinte d'un cancer des os dont elle aurait été guérie en [23] et en second lieu celui d'une sœur Benedetta de Maria, de Boves (Italie), qui aurait été guérie d'un cancer de l'abdomen en 1938. Ces deux miracles sont officiellement approuvés par Pie XII, le , et aboutissent à la lettre de béatification de Pie X le suivant. La cérémonie elle-même a lieu le en la basilique Saint-Pierre, en présence de 23 cardinaux, de centaines d'archevêques et d'évêques et d'une foule de 100 000 pèlerins. Pie XII parle alors de Pie X comme du « pape de l'Eucharistie », pour avoir permis l'accès de la communion aux jeunes enfants et autorisé la communion eucharistique quotidienne[24]. Le , son corps est transféré de la crypte à son emplacement actuel sous l'autel de la chapelle de la Présentation, à l'intérieur de la basilique, dans un sarcophage de bronze ajouré par un vitrage. Le , deux miracles sont reconnus par l'Église catholique, en premier lieu celui qui aurait permis la guérison d'un avocat italien — Francesco Belsami — d'un abcès pulmonaire, et l'autre celui qui aurait permis la guérison d'une religieuse — Sœur Maria-Ludovica Scorcia — affectée d'un virus du système nerveux[25]. La messe de canonisation célébrée par Pie XII est suivie par une foule de 800 000 fidèles. Pie X est le premier pape depuis le XVIe siècle à être canonisé, le dernier ayant été en 1712 Pie V qui avait régné de 1566 à 1572. La fête de Saint-Pie X est célébrée le dans le nouveau calendrier liturgique[26]. Il est fêté le dans l'ancien calendrier. Dans les prieurés de la FSSPX (Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X), sa fête est une fête de 1re classe. La basilique souterraine, plus récente et plus vaste des basiliques de Lourdes, est placée sous son patronage. Une relique de Saint Pie X est exposée à la chapelle 'Pax Christi'. Dans les arts et la culture populaireLittéraireEn 1913, Guillaume Apollinaire, exprimant la lassitude de l'Antiquité gréco-romaine et lui opposant le christianisme, qui « seul en Europe n'est pas antique », écrit dans son poème Zone un éloge paradoxal du pape qui avait condamné le modernisme :
FilmographieCinémaEn 1952, Pie X est l'un des principaux personnages du film Les hommes ne regardent pas le ciel d'Umberto Scarpelli. Le film revient sur la vive inquiétude du souverain pontife à la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, alors qu'il tente d'appeler les nations à la paix. Il y est interprété par Henri Vidon[28]. TélévisionSérieEn 2016, la personnalité de Pie X influence l'élaboration du personnage de Pie XIII dans la série The Young Pope de Paolo Sorrentino. Comme Pie X, Lenny Belardo (Jude Law) affirme un conservatisme intransigeant sur certains sujets, quitte à s'attirer les foudres de ses contemporains. Dans le premier épisode, le personnage contemple longuement un portrait de Pie X, ce qui semble accréditer cette filiation idéologique. Ce pape fictif jouit d'une grande popularité et se montre capable de faire des miracles. Le plus significatif d'entre eux a lieu dans la série The New Pope (2020), où le pontife déchu parvient à guérir un jeune garçon rachitique et pratiquement agonisant. Ce moment peut faire écho à un épisode du pontificat de Pie X : le souverain pontife, prenant une fillette paralysée sur ses genoux, l'aurait immédiatement guérie. Lors d'une autre audience, il aurait également guéri le bras paralysé d'un homme adulte, qui revenait d'un pèlerinage infructueux à Lourdes[29]. Ces récits ont contribué à accroître la réputation de sainteté de Pie X de son vivant. Notes et références
Références bibliographiques
AnnexesBibliographie
Articles connexes
Liens externes
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