Les projets de Catherine II de Russie au détriment de l'Empire ottoman : en rouge l'« Empire néobyzantin », en bleu le « Royaume de Dacie », en jaune les annexions proposées à l'Empire des Habsbourg et en bleu-vert celles proposées à Venise .
Le projet grec (russe : Греческий проект , grec moderne : Eλληνικό Σχέδιο ) est le projet géopolitique de l'impératrice russe Catherine II , qui impliquait le refoulement de l'Empire ottoman en Asie et l'annexion de son territoire européen dans les Balkans par des États satellites de la Russie , la monarchie de Habsbourg et la république de Venise .
Historique
Grigori Orlov .
Eugène Voulgaris .
Il s'agit du projet géopolitique sud de la Russie , formulé vers 1770 par Grigori Orlov et Eugène Voulgaris pour prendre le contrôle des bouches du Danube et des Détroits de la mer Noire et pour accéder à la mer Méditerranée , sous prétexte de « libérer les chrétiens » des Balkans de la tutelle musulmane turque. Ces chrétiens orthodoxes relevaient alors tous du Patriarcat œcuménique de Constantinople et depuis le Moyen Âge , étaient indistinctement appelés « Grecs » à l'époque des Lumières et avant le développement de l'historiographie moderne au XIX e siècle, qu'ils fussent de culture grecque , bulgare , roumaine ou autre[ 1] . Une amitié nouvelle entre Saint-Pétersbourg et Vienne voit le jour quand l’attitude bienveillante du roi de France envers la Russie ne protège plus l’empire ottoman ; Joseph II applaudit à ce projet dans une lettre datée du 10 septembre 1782 . Les deux alliés étaient d’accord pour détruire l’empire ottoman, « ennemi du monde chrétien et de l’Europe » [ 2] .
Entre le Danube , la Méditerranée et Constantinople , un « Empire néo-byzantin » à la population principalement bulgare et grecque devait être dirigé par le petit-fils de l'impératrice russe : Constantin Pavlovitch : son prénom, choisi en fonction de ce rêve grec de Catherine II, rappelait celui du fondateur de Constantinople, Constantin Ier [ 2] . Entre cet Empire et la Russie elle-même, un « Royaume dace » à la population principalement roumaine devait être formé à partir des deux principautés danubiennes avec l'appui de la noblesse roumaine , pour être dirigé par le favori de Catherine II : Grigori Potemkine [ 3] .
La plus grande partie de ce projet resta dans les cartons, mais une modeste disposition devint réalité à la paix de Koutchouk-Kaïnardji , l'Empire ottoman acceptant que la Russie devienne la « protectrice » de ses sujets chrétiens orthodoxes [ 4] . La Russie dut attendre le traité de Bucarest (1812) pour arriver à toucher le Danube en annexant la moitié orientale de la principauté de Moldavie , et le traité d'Andrinople (1829) pour pouvoir contrôler les bouches du fleuve (qu'elle devra rendre aux Ottomans à l'issue de la guerre de Crimée , en 1856). L'« Empire néo-byzantin » et le « Royaume dace » imaginés par Voulgaris et Orlov restèrent lettre morte et la Russie ne réussit pas à prendre le contrôle des Détroits, mais ce projet contribua à nourrir l'imaginaire des renaissances culturelles grecque , bulgare et roumaine , qui débouchèrent sur l'émancipation des peuples des Balkans à la faveur de la guerre russo-turque de 1877-1878 [ 5] .
Ce projet marque le début de la « question d'Orient » et du « Grand Jeu », car l'influence russe concurrence les influences britannique et française en Orient (cette dernière, formulée par l'alliance franco-ottomane ). Plus d'un siècle après les traités de Westphalie , ce que l'on appelle la révolution diplomatique modifie l'équilibre des pouvoirs : aux facteurs qui ont provoqué les guerres napoléoniennes s'ajoutent désormais, d'une part des enjeux mondiaux liés à la rivalité entre les expansions impériales des grandes puissances coloniales et d'autre part des enjeux locaux liés à l'émergence des nations modernes[ 6] .
Bibliographie
Hélène Carrère d'Encausse , « Le rêve grec de Catherine II », Publications de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres , vol. La Méditerranée d'une rive à l'autre : culture classique et cultures périphériques. Actes du 17ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 20 & 21 octobre 2006, 2007 , p. 1-8. (lire en ligne )
Références
Articles connexes