Vers 1040, quand son père Roger Ier et ses deux frères meurent au combat, Raoul est probablement encore mineur. Sa mère signe en effet les actes avec lui jusqu'en 1050. Il doit donc être un peu plus jeune que le duc Guillaume le Bâtard.
En 1054, deux armées franco-angevine envahissent la Normandie. L'une d'entre elles est battue à la bataille de Mortemer. Guillaume le Bâtard, heureux de cette nouvelle, charge son porte-étendard Raoul II de Tosny d'annoncer l'événement à l'autre armée ennemie. Au sommet d'une butte, le héraut ducal proclame la défaite de Mortemer à l'armée franco-angevine. À cette annonce, les deux chefs de l'expédition, Henri Ier de France et de Geoffroy II d'Anjou rebroussent chemin.
Vers 1061, le duc Guillaume exile Raoul ainsi que d'autres barons tels Arnaud d'Échauffour et Hugues de Grandmesnil. Selon Orderic Vital, il semble que la décision ducale soit motivée par les troubles que causaient ces seigneurs à leur voisins. Influent à la cour, le couple Roger II de Montgommery et Mabile de Bellême aurait incité le duc à exiler certains des rebelles[2]. Ils sont toutefois rappelés peu après, vers 1063, en prévision d'une campagne contre le Maine.
Raoul II et l'Angleterre
Bien qu'étant un des premiers barons de Normandie, Raoul II ne fournit pas de navires pour la conquête de l'Angleterre. Autre paradoxe, s'il participe à la bataille de Hastings, il est peu récompensé de son service par le duc. En effet, il reçoit des domaines modestes outre-Manche, dans six comtés différents (Berkshire, Hertfordshire, Herefordshire, Gloucestershire, Worcestershire et Norfolk). L'historienne Judith A. Green établit même qu'il est le plus maigrement doté des principaux conseillers de Guillaume le Conquérant[3].
Le pouvoir des Tosny siège en Angleterre à Flamstead[4]. Guillaume FitzOsbern, le beau-frère de Raoul, lui confie le nouveau château de Clifford (Herefordshire). Il compte sûrement sur l'expérience militaire du seigneur de Tosny pour défendre ce secteur de la frontière anglo-galloise[5].
Grâce à sa nouvelle fortune, Raoul de Tosny effectue plusieurs donations à l'abbaye familiale de Conches, en Normandie mais en concédant des biens anglais et non plus normands.
Les querelles avec ses voisins normands
Musset constate que, tout au long de sa vie, Raoul « fait la guerre à tous ses voisins notables sans exception et sans nul bénéfice réel. C'est un assez bel exemple des agitations stériles où vont se perdre maintenant l'essentiel des forces de l'aristocratie normande »[6]. Cette agitation apparaît bien en lumière à la fin du règne de Guillaume le Conquérant et surtout après sa mort.
En 1078, Raoul soutient Robert Courteheuse dans sa révolte contre son père Guillaume le Conquérant. Ils fuient ensemble la Normandie. Les terres de Raoul, Conches et Tosny notamment, sont saisies. La réconciliation entre le duc-roi et son fils permet sûrement à Raoul de retrouver ses domaines.
En 1087, meurt Guillaume le Conquérant. Comme d'autres barons, Raoul de Tosny en profite pour élever plusieurs châteaux et donner libre cours à ses penchants guerriers. En 1090, sous la pression de sa femme, Isabelle de Montfort, le baron entre en guerre avec son voisin et demi-frère Guillaume, comte d'Évreux[7]. À plusieurs reprises, pendant trois ans, le territoire de Conches est ravagé. Finalement, la paix est conclue après la capture par Raoul du neveu du comte d'Évreux, Guillaume de Breteuil. Mieux qu'une paix, c'est une alliance puisqu'en 1100, les deux anciens ennemis partent ensemble piller le territoire de Beaumont-le-Roger pour nuire à leur voisin Robert Ier de Meulan[8].
Roger II dit le Jeune, héritier de son père et aussi de Guillaume, comte d'Évreux et de Guillaume de Breteuil mais mort trop tôt pour recueillir cet héritage[10] ;
↑Orderic Vital, Histoire de Normandie, Tome II, éd. Guizot, p. 75-76.
↑Judith A. Green a réparti dans quatre classes les principaux conseillers de Guillaume le Conquérant selon l'importance des terres possédées en Angleterre. Raoul II de Tosny est le seul à entrer dans la dernière : la classe D. Judith A. Green, The aristocracy of Norman England, Cambridge University Press, 2003, p. 28.
↑Abstraction faite des branches collatérales basées à Stafford et Belvoir.
↑Lucien Musset, « Aux origines d'une classe dirigeante : les Tosny, grands barons normands du Xe au XIIe siècle », Sonderdruck aus Francia Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, Munich, 1978, p. 59.
↑Orderic Vital, Histoire de Normandie, Tome III, éd. Guizot, p. 302-307.
↑Orderic Vital, Histoire de Normandie, Tome IV, éd. Guizot, p. 102.
↑A. Rhein, la seigneurie de Montfort-en-Iveline depuis son origine jusqu'à son union avec le duché de Bretagne, Versailles, Aubert, p. 32-33.
↑Pierre Bauduin, la Première Normandie, Xe – XIe siècle, Presses universitaires de Caen, 2002, p. 336.
Source
Orderic Vital, Histoire de Normandie, Tomes III et IV, éd. Guizot, 1826.
Voir aussi
Bibliographie
Lucien Musset, « Aux origines d'une classe dirigeante : les Tosny, grands barons normands du Xe au XIIe siècle », Sonderdruck aus Francia Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, Munich, 1978, p. 45-80.
François Neveux, La Normandie des ducs aux rois (Xe – XIIe siècle), Rennes, Ouest-France, 1998.