Il naît dans une famille de la bourgeoisie lyonnaise ; son père est le fils d'un industriel lyonnais de la soierie, sa mère issue d'une famille de juristes et de militaires savoyards.
Il fait de brillantes études chez les jésuites dans la région lyonnaise, au lycée Notre-Dame de Mongré puis à l'externat Saint-Joseph, où il est scout de France et chef de la patrouille des cigognes, puis s'oriente vers la carrière militaire. Il prépare, à Sainte-Geneviève à Versailles, le concours de Saint-Cyr où il entre en 1935 (promotion 1935-1937 Maréchal-Lyautey). Lors de sa scolarité à Saint-Cyr, il est encadré par une autre future personnalité des troupes alpines et de la résistance : Jean Bulle[2]. À sa sortie, en 1937, nommé sous-lieutenant, il choisit d'être affecté au 27e BCA d'Annecy. Il suit alors une formation de haute montagne à Chamonix et devient chef de la section d'éclaireurs skieurs (S.E.S.) du bataillon, dont il fait un instrument de combat de premier ordre. En novembre 1938, il épouse une Annécienne, Marie-Germaine Lamy.
En , le 27e BCA est stationné sur la frontière italienne, la S.E.S. commandée par Tom Morel se trouvant juste au-dessus de Val d'Isère. En septembre 1939, tandis que son bataillon part pour le front de l'Est, la section de Tom Morel, promu lieutenant, reste à la garde de la frontière italienne. Deux jours après l’entrée en guerre de l'Italie, le , il se distingue dans la bataille des Alpes. Exploitant avec décision le succès de l'une de ses patrouilles, il fait cinq prisonniers et s'empare d'un matériel important. Il est décoré de la croix de Guerre et obtient sa première citation. Blessé le 18 juin, il reste à la tête de sa section. Les 20 et 22 juin, il se bat près du col du Petit-Saint-Bernard où son action contraint les troupes italiennes à se replier. Il reçoit une seconde citation, puis est fait chevalier de la Légion d’honneur[3]. Il n’est alors âgé que de 24 ans.
Tom Morel sert ensuite dans l'armée d'armistice à Annecy sous les ordres du commandant Vallette d'Osia et participe au camouflage d'armes et de matériel. En 1941, il est nommé instructeur à Saint-Cyr, alors repliée en zone sud à Aix-en-Provence, où il encourage implicitement ses élèves à entrer dans la Résistance.
Après l'invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942, Tom Morel passe dans la clandestinité et entre dans la Résistance en Haute-Savoie où il retrouve le commandant Vallette d'Osia, organisateur et chef de l'Armée Secrète (AS) pour ce département. Il va alors s'attacher, avec le capitaine Maurice Anjot, ex-adjoint de Vallette d'Osia, à organiser l'AS dont le nombre de volontaires se multiplie après la mise en œuvre du service du travail obligatoire (STO) en Allemagne en février1943.
En , le commandant Vallette d'Osia est arrêté par les Allemands qui viennent de remplacer les Italiens dans l'occupation de la Savoie. C'est le capitaine Henri Romans-Petit, organisateur et chef de l'AS de l'Ain qui lui succède à la tête de l'AS de Haute-Savoie. Celui-ci nomme Tom Morel chef des maquis du département et lui donne pour mission d'organiser la réception des parachutages alliés sur le plateau des Glières.
Le , Tom Morel s'installe sur le plateau avec 120 maquisards. À la fin février, il a sous ses ordres environ 300 hommes qu'il a organisés en trois compagnies. Tom Morel s'illustre par ses talents de chef et d'entraîneur d'hommes venus d'horizons géographiques, sociaux et politiques très divers. Il adopte la devise « vivre libre ou mourir » et instruit son bataillon pour en faire une unité homogène et opérationnelle en vue des combats de la libération. En février et en mars, de nombreux accrochages se produisent avec les groupes mobiles de réserve (G.M.R.) et avec la Milice du régime de Vichy qui encerclent alors le plateau.
Le , Tom Morel décide une opération commando contre l'hôtel Beau Séjour à Saint-Jean-de-Sixt où sont cantonnés des G.M.R. Trente d'entre eux sont faits prisonniers. Ils doivent servir de monnaie d'échange contre Michel Fournier, étudiant en médecine et médecin auxiliaire du maquis, arrêté au Grand-Bornand quelques jours plus tôt. Les prisonniers sont libérés, mais, malgré l'accord sur l'honneur de l'intendant de police d'Annecy, Michel Fournier reste détenu.
En mars, le maquis des Glières bénéficie de l'arrivée de 120 maquisards du Chablais et du Giffre. Tom Morel décide alors de mener une autre opération, plus importante et plus risquée, contre l'état-major du G.M.R. Aquitaine à Entremont au pied du plateau des Glières. En effet, l'officier de paix Robert Couret, commandant par intérim du G.M.R., n'a pas respecté ses engagements à l'égard de la Résistance et son chef, le commandant Grégoire Lefèbvre[4], arrivé le , a refusé toute discussion avec le maquis. Plus d'une centaine d'hommes participent à l'opération dans la nuit du 9 au . Un des groupes, commandé directement par Tom Morel, réussit à prendre l'hôtel de France, siège de l'état-major des G.M.R. Les maquisards désarment leurs prisonniers, mais le commandant Lefèbvre - qui avait gardé un révolver 6,35 mm sur lui - tire sur Tom Morel [5].
Le corps du lieutenant Théodose Morel est remonté sur le plateau des Glières, où il est enterré le après une cérémonie religieuse. Le suivant, son corps est descendu dans la vallée et il est aujourd'hui inhumé au cimetière militaire de Morette, devenu la nécropole nationale des Glières, en Haute-Savoie.
Famille
Tom Morel épouse Marie-Germaine Lamy. Ils ont trois enfants : Robert Morel (1939-1961), saint-cyrien de la promotion "Terre d'Afrique", lieutenant au 27e BCA tué accidentellement à Ifigha (Algérie) le ; Philippe Morel (1940-2010), amiral, président de l'Association des familles des compagnons de la Libération et vice-président de l'Association des Glières ; François Morel (1941-1944).
Le , le général de Gaulle lui décerne à titre posthume la croix de la Libération. Voici le texte de la citation du lieutenant Théodose Morel pour la croix de la Libération :
« […] Déjà fait chevalier de la Légion d'honneur à vingt-quatre ans pour avoir capturé une compagnie italienne sur le front des Alpes en juin 1940. Instructeur à Saint-Cyr en novembre 1942, a aiguillé ses élèves vers la Résistance, s'est lancé lui-même corps et âme dans la lutte contre l'envahisseur, agissant tour à tour comme camoufleur de matériel, agent de renseignements, propagandiste. Démasqué par l'ennemi, s'est jeté avec une immense foi dans le maquis savoyard. Sans armes, a attaqué en combat singulier un officier allemand qu'il a réduit à l'impuissance. Devenu chef du bataillon des Glières, a été l'âme de la Résistance du Plateau, son chef et son organisateur. Le 9 mars 1944, après avoir enlevé d'assaut le village d'Entremont, a été assassiné lâchement au cours d'une entrevue qu'il avait demandée à ses vaincus pour épargner une effusion inutile de sang français. Restera dans l'épopée de la Résistance une incarnation du patriotisme français et l'un des plus prestigieux martyrs de la Savoie […]. »
Voici, pour tenter de caractériser en quelques mots la personnalité de Tom, une citation de Pierre Golliet tirée de Glières - Haute-Savoie - Première bataille de la Résistance - - de Golliet, Pierre, Helfgott, Julien et Jourdan, Louis (1946) :
« D'où lui venait cette force ? Sans doute de son énergie naturelle, qui était impressionnante, de son caractère intrépide et fougueux. Mais elle tenait aussi à un idéal de générosité et de sacrifice, qui était le fruit conscient et voulu de sa foi : « Priez, écrivait-il un jour au prêtre qui était son confident, pour que je garde jusqu'au bout, au milieu des difficultés comme au centre du bonheur et des joies de la famille, cette âme qui répugne à la médiocrité et qui voudrait s'élever toujours dans la noblesse. »
D'un bout à l'autre de sa vie de soldat, Tom aura été porté par ce vœu, qui est le vœu du véritable héroïsme. »
Le nouveau quartier du 27e BCA (de Cran-Gevrier, puis d'Annecy avec la réunification des communes en 2017) porte le nom de Tom Morel. Et depuis 2022, le lycée d'enseignement professionnel « LEP Carillon » qui fait face au Quartier militaire a été rebaptisé, à la suite d'importante transformation des bâtiments, en lycée professionnel Tom-Morel.
Au campus universitaire d'Annecy, la résidence universitaire porte son nom[10].
Pierre Schoendoerffer fait référence à Tom Morel dans son film L'Honneur d'un capitaine (1982).
Des images des Glières, tournées sur place, y sont insérées, notamment celles de la tombe du lieutenant Morel.
Au travers de l'évocation du héros de fiction du film, le capitaine Caron (Jacques Perrin) alias « le petit Bara », qui fut un jeune résistant au plateau des Glières, Schoendoerffer évoque deux figures bien réelles et marquantes de sa jeunesse :
« J’étais en Alsace en 1939, réfugié tout de suite parce qu’on était sur la ligne de Reichofen. Réfugiés en Auvergne, à Clermont-Ferrand. Ensuite j’étais à Annecy pendant trois ans et demi. Et à Annecy il y avait le plateau des Glières. C’était une aventure extraordinaire qui a fait rêver les petits écoliers que nous étions. Il y a eu une légende : il y a Tom Morel et puis le capitaine Anjot. À mon avis il faut deux hommes pour faire un Christ. Il y a celui de la prédication joyeuse, c’est Tom Morel. Et l’autre qui monte au Golgotha parce qu’il sait qu’il va mourir et qu’il ne peut pas laisser tous ces gens-là sans commandement, c’est Anjot. Tout ça, ça laisse des traces. Ça n’est pas quelque chose qui s’éloigne comme un nuage qui se dissout[11]. »
↑Grégoire Lefèbvre, né le 19 novembre 1892 à Felce en Corse, est le fils de Léon Théodore Lefebvre, gendarme à pied à Valle-d'Alesani en Corse, et de Marie Xavière Felce. Il participe à la Grande Guerre dans l'artillerie lourde. Il est cité à l'ordre de l'armée en décembre 1918 et décoré de la croix de guerre 1914-1918 avec palme. Promu capitaine en 1938, il participe à la bataille de France en juin 1940. Il est cité à l'ordre de la 14e division d'infanterie par le général de Lattre de Tassigny le 25 juin 1940 et décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile d'argent. Après l'armistice, il poursuit sa carrière dans la police et intègre les GMR en juillet 1941 avec le grade de « commandant des gardiens de la paix ». Il est affecté au commandement du Groupe Aquitaine le 1er décembre 1943. Le groupe quitte Toulouse pour la Haute-Savoie le 12 février 1944 et reçoit la mission de contrôler le haut de la vallée de Thônes. Il installe son poste de commandement à La Clusaz. Le 10 mars 1944, lors de l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'état-major des GMR, par les maquisards des Glières, Lefèbvre tue Tom Morel avant d'être lui-même abattu à son tour. Source : (en ligne), (en ligne)
↑Claude Barbier, Le Maquis de Glières, Perrin, 2014, p.216
↑L'Essor Savoyard, « Annecy: le colonel Ivan Morel en route vers l'Etat-major des armées », Hebdomadaire régional, (lire en ligne)
Patrick de Gmeline, Tom Morel, héros des Glières, Paris, Presses de la Cité, .
André Ravier (père), Lieutenant Morel, être de lumière et entraîneur d'hommes, Paris, Sarment/Éditions du Jubilé, .
Jean-François Vivier et Pierre-Emmanuel Dequest, Tom Morel, vivre libre ou mourir, Perpignan, Artège,
Bande dessinée
Laurence Thibault (dir.), Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), La Résistance en Haute-Savoie, Fondation de la Résistance, (ISBN2-915742-14-6, EAN9782915742145), « Morel Théodose, dit "Tom" (lieutenant) ».