Les élections territoriales de 1979 eurent lieu le pour renouveler l'Assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie, dont le mandat de cinq ans, précédemment renouvelé le , a été écourté par la loi no 79-407 du « modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissent les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'État ».
Contexte
Alors que l'essentiel des années 1970 a été marqué par un fort éclatement du paysage politique (il y avait une vingtaine de formation en présence pour 35 sièges aux élections de 1977, onze avaient obtenu au moins un élu), celui-ci s'est profondément métamorphosé. Ce qui commençait à se faire sentir en 1977 s'est notamment confirmé, à savoir le passage d'un clivage « pro/anti-autonomie » à une opposition « pro/anti-indépendantisme ».
Après avoir perdu son statut de première force politique du Territoire en 1977, l'Union calédonienne, jusque-là chantre de l'autonomie et d'une forme de centrisme démocrate-chrétien, se repositionne à gauche et en faveur de l'indépendance sous la conduite d'une nouvelle génération de cadres. Le pas est franchi au congrès de Bourail en , où l'UC prend officiellement parti pour l'indépendance et Jean-Marie Tjibaou, qui en est élu vice-président, en devient le nouvel homme fort, le président (et député non inscrit) Rock Pidjot et le commissaire général Maurice Lenormand (ancien député de 1951 à 1964) ne gardant qu'une autorité morale de pure forme. Les autres membres de la nouvelle génération arrivent au poste clé : Pierre Declercq est secrétaire général, Éloi Machoro est son adjoint et François Burck entre également au bureau politique. L'Union progressiste multiraciale (scission en 1974 de l'Union multiraciale, lui-même créé par des mélanésiens dissidents de l'UC en 1971 et devenu en 1975 le Front uni de libération kanak après avoir opté à l'époque pour l'indépendance) fait de même avant la fin de l'année 1977 et change son nom en « Union progressiste en Mélanésie ». Enfin, le Parti socialiste calédonien (composé essentiellement d'Européens) connaît une scission importante sur cette question en 1978 : une majorité menée par Jacques Violette s'engage également pour l'indépendance, une minorité est emmenée par le chef historique du socialisme local Alain Bernut au sein du MSC qui se rapproche des anti-indépendantistes. Le , un Front indépendantiste, alliance électorale et politique, est formée par l'UC, le Parti de libération kanak (Palika, créé en par les militants des deux premiers mouvements pro-indépendantistes, d'inspiration marxiste-léniniste : les Foulards rouges de Nidoïsh Naisseline et le Groupe 1878 d'Élie Poigoune), le FULK, le PSC et l'UPM.
Les partisans du maintien dans la France se fédèrent de leur côté progressivement autour du Rassemblement pour la Calédonie (RPC, grand mouvement créé clairement pour faire barrage aux indépendantistes avant les élections de 1977, il est devenu lors de celles-ci le premier parti du Territoire) de Jacques Lafleur (élu député dans la nouvelle « circonscription Ouest » aux élections législatives de 1978) : ce dernier s'unit avec le Mouvement libéral calédonien (MLC, fondé en 1971 par des dissidents européens, ou « Caldoches », de l'UC, critiques de l'autorité de Maurice Lenormand et considérant que le « parti à la croix verte » allait alors trop loin dans sa revendication autonomiste), l'Union pour la renaissance de la Calédonie (URC, créé par Théophile Wakolo Pouyé, ancien membre de l'Union multiraciale qu'il a quitté après son choix pour l'indépendance et sa transformation en FULK), ETE (petit mouvement réunissant des représentants des différentes minorités hostiles à l'indépendance : Métropolitains, Polynésiens, Asiatiques) et la fédération locale du Rassemblement pour la République (RPR) métropolitain (fondé en 1978 par des dissidents momentanés du RPC emmenés par Dick Ukeiwé avec le soutien du maire de NouméaRoger Laroque). S'affiliant dans le même temps au RPR, il transforme son nom le en Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), nouveau grand mouvement de la droite anti-indépendantiste locale.
La loi du a modifié la loi du et ses précédents amendements des et [1]. Comme précédemment, ce scrutin a lieu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans à la proportionnelle de liste. Le nombre de sièges passe de 35 à 36, toujours répartis en quatre circonscriptions :
sud (Nouméa, Dumbéa, Mont-Dore, île des Pins, Yaté) : 17 sièges (au lieu de 16 depuis 1966, afin de répondre à la forte poussée démographique connue par le Grand Nouméa du fait de l'exode rural et de l'immigration en provenance de Métropole ou de Wallis-et-Futuna), 7 listes candidates (4 anti-indépendantistes, 2 indépendantistes, 1 neutre),
Pour être élu, il suffit d'être citoyen français, de jouir de ses droits civiques, d'être inscrit sur les listes électorales et d'avoir au moins 21 ans. La loi de 1977 fixe un seuil électoral de 7,5 % des inscrits d'une circonscription pour qu'une liste obtienne au moins un élu, tandis que celles qui récoltent moins de 5 % des suffrages exprimés n'ont droit ni à la restitution du cautionnement versé ni au remboursement des dépenses de propagande prévues. Ces mesures sont prises afin de limiter l'éclatement de l'offre politique et donc l'instabilité.
Sud : 12 084 voix (50,11 %), 10 élus (Roger Laroque, Jacques Lafleur, Jean Lèques, André Caillard, René de Saint-Quentin, Marie-Paule Serve, Petelo Manuofiua, Jacques Mouren, Max Frouin, Georges Faure)
Rassemblement populaire calédonien et métropolitain (centre droit, fondé autour de Willy Némia, dissident du RPCR) : 1 020 voix (2,04 %), aucun siège
Sud : 569 voix (2,36 %)
Ouest : 184 voix (2,03 %)
Est : 267 (2,95 %)
Union pour la démocratie française Calédonie (centre droit se réclamant du parti métropolitain, menée par Laura Boula, première femme mélanésienne à conduire une liste lors d'élections territoriales, épouse du grand-chef de Lösi à Lifou Henri Boula, fille de l'ancien grand-chef de Guahma à Maré et élu territorial gaulliste Henri Naisseline et sœur du meneur du PalikaNidoïsh Naisseline) : 294 voix (0,59 %), aucun siège
Union des Wallisiens et Futuniens de Calédonie (parti « ethnique » s'adressant aux Wallisiens et Futuniens, neutre sur la question de l'indépendance) : 560 voix (1,12 %), aucun siège
Sud : 464 voix (1,92 %)
Ouest : 99 voix (0,93 %)
Conséquences
La principale surprise de ce scrutin reste la percée importante de la FNSC avec près de 18 % des voix (dont 26,5 % dans le Sud et 23,9 % dans l'Ouest) et 7 élus. Cela permet aux anti-indépendantistes d'être largement majoritaires tout en privant le RPCR (40,2 %, 15 sièges) de la majorité absolue, le forçant à former une coalition. Le Front indépendantiste ne remporte finalement que 34,4 % des suffrages et 14 conseillers territoriaux. La FNSC réussit son pari de se constituer en parti pivot au sein de l'assemblée entre les deux grands blocs.