Les ségrégationnistes s'opposaient à l'inscription à cette université du militaire afro-américainJames Meredith.
Lors de la première nuit, deux civils ont été tués, dont un journaliste français, et près de 70 personnes ont été blessées. Jusqu'à la fin du conflit, environ 300 personnes seront blessées, dont près d'un tiers des marshal déployés sur le campus[2].
Des frictions ont perduré entre les forces étatiques et fédérales au cours des semaines suivant la fin des émeutes.
Cependant, Barnett affirme publiquement que la ségrégation se poursuivra à l'université : lors d'un discours à Ole Miss, il affirma aux étudiant qu'il "aime le Mississippi ! J'aime son peuple ! Nos coutumes. J'aime et je respecte nos traditions !"[trad 1][7].
Toute la classe politique de l'État, qui était alors entièrement favorable à la ségrégation, manifeste son opposition totale à toute intégration : la législature de l'État vota une résolution exprimant son "mépris complet, entier et total pour l'administration Kennedy et ses tribunaux fantoches[trad 2]" tandis qu'en novembre, le Sénat de l'État appela à l'impeachment du président sur quatre chefs d'accusation, entre autres d'incitation à l'émeute à Ole Miss[8],[9]. Le , le sénateur E. K. Collins fit même à la chambre haute un discours dans lequel il affirma que « nous devions gagner ce combat quel que soit le coût en temps, en efforts et en vies humaines[10] ».
Le général Edwin Walker, qui avait dû démissionner pour violation du Hatch Act, en raison de la propagande politique qu'il menait parmi les soldats sous son commandement, incita activement au combat contre la "tyrannie fédérale" : le , il appela les opposants à se regrouper dans un appel diffusé par plusieurs radios[Note 1] et, trois jours après, il réitéra ses appels dans une allocution télévisée[Note 2],[11],[12].
Procédures légales
Le , Meredith remporta un procès devant les tribunaux fédéraux en vue de son admission à l'Université du Mississippi ; à la suite de cela, l'État du Mississippi demanda plusieurs sursis, qui lui furent accordés par le juge Benjamin Franklin Cameron(en), ségrégationniste, jusqu'à ce que ces sursis soient définitivement rejetés en [13],[14],[15],[16].
Il tenta d'accéder au campus le , le et encore le , mais il fut repoussé à chaque fois par le gouverneur du MississippiRoss Barnett qui avait pris personnellement en charge les inscriptions universitaires et déclara le "aucune école ne sera intégrée au Mississippi tant que je serai votre gouverneur", ajoutant, dans le même discours, que "il n'y a pas d'exemple dans l'histoire où la race blanche ait survécu à l'intégration sociale. Nous ne boirons pas à la coupe du génocide"[trad 3][17],[18]
Les frères Kennedy étaient réticents à utiliser les forces fédérales pour plusieurs raisons. Robert Kennedy espérait que les moyens légaux, conjugués à la présence des marshals, suffirait à forcer le gouverneur à se conformer aux ordres des tribunaux fédéraux. Il craignait également une « mini guerre civile » entre l'armée et les manifestants à l'image de ce qui était arrivé à Little Rock[19].
Il faisait enfin confiance à un accord secret et tacite avec Barnett intervenu le selon lequel Barnett déploierait des agents de la police d’État sur place pour maintenir l'ordre et ferait semblant d'avoir été surpris par Kennedy, afin d'éviter toute effusion de sang tout en permettant à Barnett de sauver la face[20],[21]. Cependant, avec la montée de la violence (attaques par des snipers, cocktails Molotov), ils ont dû se résigner à faire intervenir les forces fédérales[22].
Des étudiants blancs ainsi que des manifestants venus des quatre coins de l'État voire des États voisins commencèrent une émeute sur le campus d'Oxford (Mississippi). La police d'État fut bientôt dépassée par les événements et le procureur général Robert Francis Kennedy ordonna à 500 marshals de se rendre sur les lieux. Il semblait régner parmi certains Blancs du Mississippi l'idée que c'était là leur bataille contre l'intervention du Nord dans les affaires du Sud.
Lors de la première nuit, deux personnes sont tuées : le journaliste français Paul Guihard[23],[24], envoyé par le journal londonienDaily Sketch et retrouvé derrière un édifice avec une blessure par balle derrière la tête, et Ray Gunter, un réparateur de juke-box de 23 ans qui visitait le campus. Les officiers de justice ont affirmé que les deux décès ressemblaient à une exécution sommaire[25]. La plupart des médias de l'État affirmèrent que Guihard avait été abattu par les agents fédéraux pour que l'Europe ne sache pas ce qui était vraiment arrivé à Ole Miss[14].
Grâce à la protection des marshalls, Meredith put finalement être admis et assister à son premier cours le . Après l'émeute, des unités d'une division de terre de la Garde nationale furent postées dans Oxford pour empêcher toute forme de violence similaire. Pour se concilier les sensibilités locales, aucun soldat noir ne fut affecté à Ole Miss[26].
Alors que la plupart des étudiants d'Ole Miss ne participèrent pas aux émeutes avant son admission à l'université, beaucoup le harcelèrent pendant ses deux premiers semestres sur le campus. Le procureur général de l'état Joseph Turner Patterson(en) demanda aux étudiants d'éviter toute fraternisation avec l'indésirable[27],[28].
Selon des témoignages de première main mentionnés par Nadine Cohodas dans son livre The Band Played Dixie, des étudiants vivant dans le dortoir de Meredith faisaient rebondir des ballons de basket sur le sol au-dessus de sa chambre tout au long de la nuit. Quand Meredith pénétrait dans la cafétéria pour les repas, les étudiants déjà assis pour manger lui tournaient le dos. Lorsque Meredith s'asseyait à une table avec d'autres étudiants, tous blancs, ceux-ci se levaient immédiatement pour rejoindre une autre table[29].
« Dans une victoire majeure contre la suprématie blanche, nous avons infligé un coup décisif à la résistance des Blancs contre le mouvement des droits civiques et amené le gouvernement fédéral à utiliser sa puissance pour soutenir le combat des Noirs pour la liberté[trad 4]. »
— Charles W. Eagles, The Fight for Men's Minds[32]
Le gouverneur Barnett a été condamné à verser une amende de 10 000 dollars américains ainsi qu'à une peine de prison pour outrage au tribunal. Les charges ont été par la suite annulées par la cour d'appel à la suite de l'intégration d'Ole Miss.
Le , le Civil Rights Monument, avec une statue à l'effigie de Meredith, est inauguré pour souligner le combat de ce dernier, et de plusieurs autres, pour l'accès de tous les citoyens du Sud à l'éducation[33],[34]. Une statue de Meredith est érigée sur le campus pour commémorer son rôle historique.
↑(en) « I love Mississippi! I love her people! Our customs. I love and I respect our heritage »
↑(en) « complete, entire and utter contempt for the Kennedy administration and its puppet courts »
↑(en) « There is no case in history where the Caucasian race has survived social integration. We will not drink from the cup of genocide. »
↑(en) « In a major victory against white supremacy, he had inflicted a devastating blow to white massive resistance to the civil rights movement and had goaded the national government into using its overpowering force in support of the black freedom struggle. »
« Mississippi: It is time to move. We have talked, listened and been pushed around far too much by the anti-Christ Supreme Court! Rise…to a stand beside Governor Ross Barnett at Jackson, Mississippi! Now is the time to be heard! Thousands strong from every State in the Union! Rally to the cause of freedom! The Battle Cry of the Republic! Barnett yes! Castro no! Bring your flag, your tent and your skillet. It's now or never! The time is when the President of the United States commits or uses any troops, Federal or State, in Mississippi! The last time in such a situation I was on the wrong side. That was in Little Rock, Arkansas in 1957-1958. This time -- out of uniform -- I am on the right side! I will be there! »
« Mississippi : Il est temps de bouger. Nous avons beaucoup trop parlé, écouté et été bousculés par la Cour Suprême de l'antéchrist ! Levez-vous… pour vous tenir aux côtés du gouverneur Ross Barnett à Jackson, au Mississippi ! C'est le moment d'être entendu ! Des milliers de personnes de tous les États de l'Union ! Ralliez-vous à la cause de la liberté ! Le cri de guerre de la République ! Barnet oui ! Castro non ! Apportez votre drapeau, votre tente et votre poêle. C'est maintenant ou jamais! Le temps est venu que le président des États-Unis engage ou utilise des troupes, fédérales ou étatiques, dans le Mississippi ! La dernière fois dans une telle situation, j'étais du mauvais côté. C'était à Little Rock, dans l'Arkansas, en 1957-1958. Cette fois, sans l'uniforme, je suis du bon côté ! Je serai là ! »
« This is Edwin A. Walker. I am in Mississippi beside Governor Ross Barnett. I call for a national protest against the conspiracy from within. Rally to the cause of freedom in righteous indignation, violent vocal protest, and bitter silence under the flag of Mississippi at the use of Federal troops. This today is a disgrace to the nation in 'dire peril,' a disgrace beyond the capacity of anyone except its enemies. This is the conspiracy of the crucifixion by anti-Christ conspirators of the Supreme Court in their denial of prayer and their betrayal of a nation. »
« C'est Edwin A. Walker. Je suis au Mississippi aux côtés du gouverneur Ross Barnett. J'appelle à une protestation nationale contre la conspiration de l'intérieur. Ralliez-vous à la cause de la liberté dans une juste indignation, un puissant cri de protestation et un silence amer sous le drapeau du Mississippi face à l'utilisation des troupes fédérales. C'est aujourd'hui une honte pour la nation en « grand péril », une honte au-delà de ce que chacun peut tolérer, sauf nos ennemis. C'est la conspiration de la crucifixion par les conspirateurs anti-Christ de la Cour suprême dans leur déni de prière et leur trahison d'une nation. »
Références
↑« L'AFFAIRE D'OXFORD POURRAIT GOUTER des sièges aux démocrates dans le Sud », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) William Doyle, An American Insurrection: The Battle of Oxford, Mississippi, 1962, Knopf Doubleday Publishing Group, (ISBN978-0-385-50487-4, lire en ligne)
« We must win this fight regardless of the cost in time, effort, money and in human lives. »
↑(en-US) « WALKER DEMANDS A 'VOCAL PROTEST'; Texan, in Mississippi, Hits Plan to Use U.S. Troops », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Chris Cravens, Edwin A. Walker and the Right Wing in Dallas, , p. 120.
↑(en-US) « Court Orders U. of Mississippi To Admit Negro Undergraduate », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Charles W. Eagles, The Price of Defiance: James Meredith and the Integration of Ole Miss, Univ of North Carolina Press, (ISBN978-0-8078-3273-8, lire en ligne), p. 268-271
↑(en) Congressional Record : Proceedings and Debates of the Congress, vol. 108, U.S. Government Printing Office, (lire en ligne), partie 15, p. 19737-19738.
↑« Un "petit Blanc" fanatique », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) David G. Sansing, The University of Mississippi: A Sesquicentennial History, Univ. Press of Mississippi, (ISBN978-1-57806-091-7, lire en ligne), p. 299
↑(en) Henry T. Gallagher, James Meredith and the Ole Miss Riot: A Soldier's Story, Univ. Press of Mississippi, (ISBN978-1-61703-654-5, lire en ligne), x.
↑« L'avocat général du Mississippi demande aux étudiants ne pas "fraterniser" avec l' "indésirable" James Meredith. », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Nadine Cohodas, The Band Played Dixie: Race and the Liberal Conscience at Ole Miss, Free Press, (ISBN978-0684827216), [Article].
↑(en) « 1962: Mississippi race riots over first black student », BBC News - On this day, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Leslie M. Alexander et Walter C. Rucker, Encyclopedia of African American History, Volume 1, ABC-CLIO, , p. 890.
↑(en) Charles W. Eagles, « 'The Fight for Men's Minds': The Aftermath of the Ole Miss Riot of 1962 », The Journal of Mississippi History, vol. 71, no 1, , p. 1–53 (lire en ligne)
↑(en) Yasuhiro Katagiri, The Mississippi State Sovereignty Commission: Civil Rights and States' Rights, Univ. Press of Mississippi, (ISBN978-1-4968-0125-8, lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(en) Nick Bryant, « Black Man Who Was Crazy Enough to Apply to Ole Miss », The Journal of Blacks in Higher Education, no 53, , p. 60–71 (lire en ligne [archive du ]).
(en) Arthur Jr. Schlesinger, Robert Kennedy and His Times, New York, First Mariner Books, (ISBN0-618-21928-5).