Dans ses jeunes années Émile pratique la céramique, la peinture et la musique[2]. Plus tard, il dirigera une chorale, et composera des œuvres musicales, pour lesquelles il fera construire un orphéon à Neuville-sur-Saône, ville qui lui doit aussi son éclairage public, une école maternelle et une bibliothèque.
Industriel
En 1860, Émile prend sans enthousiasme la direction de l'entreprise paternelle, dont il hérite en 1871, à la mort de son père. Il développe l'usine, que celui-ci avait créée à Fleurieu-sur-Saône, dans la banlieue nord de Lyon, en réalisant l'extension des bâtiments, la construction de nouveaux fours, la création d'une halte sur la ligne de chemin de fer voisine et d'un ponton sur la Saône. En 1878, année de la 3e exposition universelle française, l'usine emploie 150 ouvriers et produit 1 000 tonnes d'outremer.
Émile préside également jusqu'à sa mort le directoire de la société Henry Merle et Compagnie, créée quelques années auparavant avec des capitaux familiaux, et qui deviendra Pechiney. L'entreprise florissante se transforme en société anonyme en 1895[3].
Collectionneur
Parallèlement à ses activités d'industriel, Émile Guimet entreprend des voyages. Le premier date de 1865-1866 en Égypte, destination à la mode des égyptomanes. La visite du musée de Boulaq et des temples antiques le pousse à entreprendre une collection. Il rapporte en France de nombreux objets comme des stèles, statues, sarcophages, figurines funéraires, papyrus, amulettes ou momies[4]. Cependant, pour lui, ceux-ci sont avant tout une incitation à comprendre les civilisations : « Je sentais que ces objets que je réunissais restaient muets et que pourtant ils avaient des choses à me dire, mais que je ne savais pas les interroger. Je me mis à lire Champollion, Chabas, de Rougé, les rares livres d'égyptologie qu'on avait publiés à cette époque. Alors se dressa devant moi cette formidable histoire de l'Égypte, avec ses croyances compliquées, sa religion intense, sa philosophie grandiose, ses superstitions mesquines, sa morale pure. Des comparaisons s'imposaient avec les autres civilisations archaïques. Il fallait tourner mes regards vers l'Inde, la Chaldée, la Chine. »[2].
En 1876-1877, il effectue le tour du monde en compagnie du peintre Félix Régamey, il complète sa collection sur les religions et les philosophies des peuples de l'Antiquité et de l'Orient lointain. Il visite l'exposition universelle à Philadelphie. Il passe quelque temps au Japon, qui le marque particulièrement, popularisant le japonisme avec des personnalités comme Félix Bracquemond ou les Goncourt[6] et aussi Léon Dury[7].
Guimet souhaite créer un lieu où exposer ses objets. Il doit s'agir, selon ses propres mots, d'une « usine scientifique »[8]. Le projet d'Émile Guimet est de proposer une histoire comparée de la pensée religieuse sous forme d'un musée des Religions. Il est d'autant plus audacieux et novateur que l'étude des religions n'en est qu'à ses débuts ; une chaire d'histoire des religions est d'ailleurs créée en 1880 au Collège de France. En cette fin du XIXème siècle, la société française est divisée et les querelles, qui, opposent cléricaux et anticléricaux, conduiront à la séparation de Église et de l'État en 1905[9]. Un musée d'histoire naturelle - Guimet ouvre donc à Lyon en 1879. Déçu par la fréquentation de son musée et par l'accueil que lui réserve la municipalité, il fait don de ses collections à l'État en 1884[10].
Un nouveau musée Guimet, créé à ses frais, ouvre alors à Paris en 1889 : c'est un grand succès public, et il en devient directeur à vie[4]. En 1913, la ville de Lyon ouvre un musée Guimet au sein du muséum d'histoire naturelle. Ce musée est fermé en juillet 2007, ses collections sont conservées au musée des Confluences.
Guimet, cofondateur du musée de Paris, est aussi le vice-président, dès 1900, avec Louis-Émile Bertin (1840-1924), qui en est le président, de la Société franco-japonaise de Paris, dont le siège est au pavillon de Marsan, au sein du palais du Louvre à Paris.
Mariage et descendance
De retour de son voyage en Orient, il épouse, le , Lucie Sanlaville, qui meurt après seulement trois mois de mariage. Ils n'ont aucune descendance. Le 4 juin 1877, il se marie avec sa belle-sœur, Marthe Sanlaville, qui lui donne un fils unique, Jean Guimet (1880 - 1920). Celui-ci développe l'entreprise familiale et crée des usines à l'étranger ; en 1940, le bleu Guimet dispose de 140 agents dans le monde. Lui-même est père d'un fils unique, Jacques Émile Guimet (27 avril 1908 - 23 octobre 1989), qui reprend l'entreprise après la Seconde Guerre mondiale, mais il doit la céder à un concurrent anglais en 1967. Sur l'emplacement de l'usine de Fleurieu, il crée une zone d'activités artisanales.
Promenades japonaises. Tokio-Nikko (ill. Félix Régamey), t. 2, Paris, G. Charpentier, , 288 p. (BNF30560306, lire en ligne sur Gallica).
Promenades japonaises (préf. Hervé Beaumont, ill. Félix Régamey), Garches, À propos, , 288 p. (ISBN978-2-915398-16-8) — Édition en fac-similé en un volume du récit de voyage paru en 2 tomes chez G. Charpentier, Paris, 1878 et 1880. 176 illustrations & 52 lettrines.
Huit jours aux Indes, Hachette, 1889 (dessins d'après nature par Félix Régamey), Editions Libretto, Coll. Libretto, 2016.
Le Jubilé du musée Guimet : 25e anniversaire de sa fondation, 1879–1904, Paris, 1904.
Cinquantenaire du musée Guimet : 1er janvier 1860 – 1er janvier 1910, Paris, 1910.
Œuvres musicales
L'Œuf blanc et l'œuf rouge, ballet, créé à Lyon le 27 novembre 1867.
Tai-Tsoung, opéra en cinq actes, 1894, inspiré de la vie de Tai-Tsoung.
Notes et références
↑Jean-Paul Chabaud, Peintres autour du Ventoux, Connaissance des pays du Ventoux, , p. 15.
↑Émile Guimet, « Voyage au nord », dans Promenades japonaises, G. Charpentier, (lire en ligne), Vol.2 p.195–206
↑Florence Calament, La révélation d'Antinoé par Albert Gayet : histoire, archéologie, muséographie, Institut français d'archéologie orientale, 2005, p. 66. Il l'appelle aussi son « laboratoire d'idées ».
↑Hubert Guimet, Jean-Baptiste et Emile GUIMET, La confluence de l'Art, de la Science et de l'Industrie, Barcelone, éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, , 192 p. (ISBN978-2-84147-335-9), p. 122
↑Jeannine Auboyer, "Guimet, Émile", Grove Art Online.
(en) Elen P. Conant, « The French Connexion: Emile Guimet's Mission to Japan, A Cultural Context for Japonism », dans Hilary Conroy, Sandra T.W. Davis & Wayne Patterson (Eds.), Japan in Transition: Thought and Action in the Meiji Era, 1868-1912, London and Toronto, Associated University Presses, , 318 p. (ISBN978-0-838-63169-0), p. 113-146
Louis David, « GUIMET Émile (1836-1918) », dans Dominique Saint-Pierre (dir.), Dictionnaire historique des académiciens de Lyon 1700-2016, Lyon, Éditions de l'Académie, , 1370 p. (ISBN978-2-955-94330-4), p. 652-654 et passim
Francis Macouin et Keiko Omoto, Quand le Japon s'ouvrit au monde : Émile Guimet et les arts d'Asie, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », , 192 p. (ISBN978-2-07-076084-8)
Nouvelle édition augmentée et mise à jour de Quand le Japon s'ouvrit au monde, 1990, 176 p. (ISBN978-2-070-53118-9)
Articles
Jérôme Ducor, « La cigale laborieuse et la fourmi dépensière: portraits croisés de Félix Régamey et Émile Guimet », Journal Asiatique, vol. 304, no 2, , p. 265-302 (DOI10.2143/JA.304.2.3186093)
Frédéric Girard, « Émile Guimet, le Japon (1876) et l’Histoire des religions », Journal of International Philosophy,, International Center for Philosophy, Toyo University, no 5, , p. 287-318 (HALhal-02542136, lire en ligne)
Jean-François Jarrige, « Émile Guimet (1836-1917) : un novateur et un visionnaire », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, no 4, , p. 1361-1368 (DOI10.3406/crai.2000.16217)