Ses voyages le ramènent en Argentine, où il crée en 1928 l'Institut d'ethnologie de l’université nationale de Tucumán, qu'il dirige jusqu'en 1934. Il visite le Chaco et les hauts plateaux boliviens, se consacrant à l'étude de plusieurs groupes ethniques comme les Calchaquís, les Guaranis, les Chiriguano, les Toba et les Wichís, puis les Uros-Chipaya. Il collabore avec des anthropologues américains à la rédaction du Handbook of South American Indians, contribuant notamment sur les thèmes de la religion et la mythologie. Après quelques années marquées par des difficultés financières, il tente sans succès de rentrer en Europe.
Le docteur Paul Rivet lui confie la direction de la mission française à l'île de Pâques en 1934-1935, où il étudie la langue et les mythes locaux[3].
En 1941, il prend la nationalité américaine et participe en 1945 à une mission de bombardement allié en Allemagne. Il devient l'année suivante responsable de la recherche du département des affaires économiques et sociales de l'ONU à New York[4]. Chercheur à la Smithsonian Institution et membre permanent du département des sciences sociales de l'Unesco, il dirige entre 1948 et 1950 une enquête à Haïti, à laquelle participe Michel Leiris, qui fournit la matière de son livre Le Vaudou haïtien. À la fin de la décennie, il épouse Fernande Schulmann, jeune chercheuse de vingt ans sa cadette.
De 1959 à sa mort, il est directeur d'étude à la VIe section de l'École pratique des hautes études, à Paris, et dirige le séminaire « Ethnologie et sociologie des populations indigènes d'Amérique du Sud ». Il se suicide le , quelques heures après un rendez-vous avec Maurice Godelier[5].
Son corps n'est retrouvé que le . Il a succombé à l'absorption de barbituriques et a enregistré sur un carnet les étapes de son intoxication[3]. Sa mort fait écho à un article qu'il a rédigé et qui a été publié par le Courrier de l'UNESCO quelques jours avant son suicide. Intitulé La vie finit-elle a 60 ans ?, il y déplore le sort réservé aux personnes âgées en Occident, bien plus barbare selon lui que tout ce qu'il a pu voir dans d'autres sociétés considérées comme « primitives »[6].
Sa riche expérience et son érudition sur les populations autochtones d'Amérique du Sud expliquent sa forte contribution au monumental ouvrage Handbook of South American Indians publié par Julian Steward de 1946 à 1959.
Son passage à l'Unesco a été l'occasion pour lui de promouvoir de nombreux programmes d'anthropologie appliquée, particulièrement en Amazonie, dans les Andes et en Haïti. De plus, il a lutté activement contre le racisme en coordonnant le projet interdisciplinaire à l'origine de la publication de la revue Le Racisme devant la Science (publiée à partir de 1951).
Alfred Métraux reste aujourd'hui dans la mémoire des anthropologues un scientifique hors pair, d'une éthique d'autant plus exemplaire qu'il a mis ses travaux au service des droits de l'homme, et possédant une connaissance d'une rare finesse des cultures dont il s'est fait le spécialiste.
↑Alfred Métraux, « La vie finit-elle à 60 ans? », Le Courrier de l'UNESCO, (lire en ligne)
↑Alfred Métraux, « La comédie rituelle de la possession », Diogène, no 11, , p. 26-49 (ISSN0419-1633)
Voir aussi
Bibliographie
Michel Leiris, « Regard vers Alfred Métraux », dans L'Homme, t. IV, no 2, 1964, p. 11-14
Hubert Comte, Yucatán, éd. Volets verts, 1996 (ISBN978-2910090-08-1) La rencontre entre Alfred Métraux et les Indiens Lacandons au temple de Bonampak (Mexique) – À Paris, l'amitié entre l'auteur et l'ethnologue – La disparition de ce dernier.
Yves Chemla, « Il avait les yeux comme noyés de peine… », in Conjonction,
Guy Poitry, "Carrefour des poètes: Michel Leiris et Alfred Métraux", Bulletin du Centre genevois d'anthropologie, vol. 5, no. Ethnologies d'Alfred Métraux: actes des Journées d'études de la Société suisse des Américanistes, [Genève], 6-7 décembre 1996, p. 3-9; https://archive-ouverte.unige.ch/unige:100402
Christine Laurière, « Fictions d'une mission. Île de Pâques 1934-1935 », dans L'Homme, no 175-176, 2005, p. 321-344
Christine Laurière, L’Odyssée pascuane : mission Métraux-Lavachery, Île de Pâques, 1934-1935, Paris, Lahic/DPRPS-Direction des patrimoines, 2014, 198 p. ; en ligne
Étienne Barilier, Alfred Métraux ou la Terre sans Mal, coll. Savoir suisse, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2019, 168 p.
Filmographie
Sur la trace des Indiens disparus. Les Indiens d’Alfred Métraux, documentaire de Pierre-André Thiébaud, PCT Production, 2002