Morte à l'âge de vingt ans des suites d'une grave aplasie médullaire[4], elle a rédigé dans les dernières années de sa vie plus d'une centaine de poèmes[5] traitant de sa relation à la mort, de la puissance de la vie et de l'amour, ainsi que du pouvoir salvateur de l'écriture[6].
Biographie
Jeunesse
Alicia Maria Claudine Gallienne naît le mardi à Boulogne-Billancourt. Fille de Pierre Gallienne et Silvita de Posch-Pastor[7], Alicia est issue d'une famille mondaine, et fait partie d'une fratrie de deux frères : Éric, son frère aîné, mort en juillet 1977[8], et Ian, futur époux de Ségolène Frère, fille du baron Albert Frère. Son cousin germain est le comédien Guillaume Gallienne[1]. Alicia et ses frères grandissent en passant leurs vacances à Saint-Brice, dans la « Maison Rose », où ils jouent et où Alicia écrit ses poèmes[8].
Diagnostic de la maladie et écriture
C'est à l'âge de quinze ans qu'on lui diagnostique sa maladie du sang[6], à la suite d'une appendicite aiguë dont elle est opérée à Angoulême en 1985[8]. Commence alors pour elle une succession d'examens médicaux entraînant fatigue et greffe de moelle osseuse. Malgré cela, Alicia continue de « vivre intensément » : elle participe à des soirées au Lido, au Palace et au Castel, connaît deux amours passionnés… Pendant ses insomnies, elle écrit[4].
De 1986 à 1990 — de ses dix-sept à ses vingt ans — elle rédige près d'une centaine de poèmes. Son premier recueil, intitulé Dominantes, est composé de mai 1986 à octobre 1987. Le second, Les Nocturnes, est écrit entre novembre 1987 et mars 1988. Entre avril 1988 et février 1989, elle rédige Le Livre noir, du nom du carnet que lui a offert son amie d'enfance Éléonore ; la seconde partie du recueil est alors dédié à son premier amour, Xavier Giannoli, ami de son frère Ian qu'elle a rencontré pendant l'été 1988 à Sotogrande[8].
L'épitaphe gravée sur sa sépulture reprend des vers tirés de son recueil Dominantes :
« … Comme une ondée aromatisée de menthe désirante Mon âme saura sublimer et défendre … Comme une pâmoison de fraîcheur délirante Mon âme saura s'évader et se rendre. »
En 2018, ses œuvres sont redécouvertes par sa mère, qui contacte par la suite son neveu Guillaume pour lui demander de les envoyer aux éditions Gallimard. C'est l'éditrice Sophie Nauleau qui se charge alors de composer un recueil : celui-ci est publié le sous le titre L'autre moitié du songe m'appartient, soit trente ans après la mort d'Alicia[6],[9].
Regards sur l'œuvre
Art poétique
La poésie d'Alicia Gallienne est marquée par l'absence de ponctuation (en-dehors du point d'interrogation) : d'elle-même, Gallienne reconnaît qu'elle a délibérément abandonné sa recherche de la ponctuation du fait de ne pas y porter d'intérêt et de ne pas avoir réussi à l'imposer. Ainsi, elle espère que la lecture attentive et artistique de ses poèmes puisse permettre de former « l'ordre et l'agencement » qu'il leur manque[10].
Sa poésie est aussi marquée par la récurrence de certains symboles et figures : les mains et les yeux — qui représentent son amour pour les hommes, mais aussi « l'absolu des sens » avec à la fois ce qu'ils dévoilent et ce qui leur est inaccessible —, l'eau — qui renvoie à la mer et donc à l'infini, au voyage, mais aussi à la forme adaptative et changeante de l'eau qui fait écho à l'esprit créateur —, les oiseaux — qui sont « l'ivresse et l'aptitude » de son imagination, mais qui renvoient aussi à la paix et à la condition de la servitude (oiseau en cage). Parmi toutes ces figures, la mort est probablement la plus présente, et accompagne toujours les réflexions sur la vie comme une sorte de dialogue vers l'autre monde[6]. De l'aveu même de Gallienne[10] :
« […] tout passe par la mort toujours et tout y appelle son visage. Moi-même, j'écris beaucoup sur la mort car elle n'arrête pas de m'appeler et que j'ai bien plus peur de la vie. Mourir à moitié, cela me paraît difficile […] mais, vivre à moitié, c'est une bien solide tentation. Vivre bien et fort, cela demande de se livrer corps et âme, cela exige du courage et de la ténacité. »
↑ a et b« « J’écris pour être lue » : trente ans après sa mort, la poétesse Alicia Gallienne enfin exaucée », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )