Les armoiries imaginaires sont les armes attribuées à des personnes, morales ou physiques, dont l'existence est antérieure à la naissance de l'héraldique ou à des personnages de fiction, voire à des symboles personnalisés[1]. L'héraldique étant un langage symbolique, elle peut servir à représenter des êtres ou de concepts antérieurs à sa création. Le fait que des artistes ont représenté symboliquement des personnages par des armes imaginaires ne signifie pas qu'ils aient cru que ces personnages les ont réellement portées.
Selon l'historien français Michel Pastoureau, l'étude de ces armes imaginaires est le terrain d'enquête héraldique le plus riche ouvert depuis la seconde moitié du XXe siècle[1].
Ce type de création né avec l'héraldique est toujours actif de nos jours.
Les différents types d'armoiries imaginaires au Moyen Âge
Il existe différents types d'armoiries imaginaires. Michel Pastoureau en a proposé une catégorisation, en ce qui concerne celle produites pendant le Moyen Âge. Son analyse ne concerne pas les productions postérieures.
Figures historiques véritables de l'Antiquité et du Haut Moyen Âge : rois de Rome, grandes figures grecques et romaines, papes, empereurs et rois du Haut Moyen Âge. Parmi les armoiries les plus souvent représentées, celles d'Alexandre[2], de Jules César[3], de Charlemagne[4], des Neuf Preux[5], des royaumes de l'Heptarchie anglo-saxonne.
Personnages de la mythologie gréco-romaine, en particulier les personnages liés à la Guerre de Troie[6] comme Hector ou Ulysse.
Personnages des mythologies germaniques et scandinaves : les exemples sont moins nombreux que ceux issus de la mythologie gréco-romaine : Odin, Thor, Siegfried et les héros des Nibelungen[7].
Personnages véritables ou supposés tels ayant vécu ou vivant hors de la Chrétienté : émirs et sultans, Attila, l'empereur de Chine et les princes de son entourage[8].
Figures du christianisme : la Sainte Trinité (écu chargé d'un pairle) et les personnes divines, Marie et les apôtres, saints historiques et légendaires, Satan et ses créatures[11].
Personnages, royaumes et lieux créés par l'imagination médiévale, par exemple : le Prêtre Jean, les Neuf Preuses[12], les Meilleurs Trois[13].
Personnifications diverses : vices et vertus, personnifications allégoriques (comme dans le Roman de la Rose), figures animales à caractère humain (comme dans le Roman de Renart), fleuves, vents et parties du monde.
Un autre domaine où fleurit la création d'armes imaginaires concerne le monde musulman. Fanny Caroff produit une analyse[16] d'où il ressort la volonté de discréditer l'adversaire - l'infidèle - par des éléments à connotation péjorative :
« L'emploi et l'association de certaines couleurs, qui peuvent être partagés par toutes les catégories de personnages déconsidérés, permettent également de souligner des différences entre les protagonistes. L'or, le sable (noir) et le gueules (rouge) sont les couleurs les plus employées dans les armoiries imaginaires des musulmans : le sable est généralement l'émail retenu pour les meubles, le gueules pour le champ, tandis que l'or sert aux deux. L'association d'un meuble de sable sur fond or est la plus usitée : viennent ensuite les unions sable/gueules et or/gueules. Ce sont, de façon générale, les trois couleurs qui expriment le plus fréquemment le péjoratif dans les armoiries imaginaires. L'imagier peut aussi transgresser la règle du blason relative à la juxtaposition des émaux et des métaux : l'infraction la plus répandue consiste alors à associer le sable et le gueules. Il peut encore utiliser deux émaux semblables distingués seulement par une légère différence de gamme chromatique. Ces combinaisons, impossibles dans les armoiries véritables dont les couleurs sont abstraites et absolues, se rencontrent principalement dans les figures géométriques du XIIIe siècle. Une autre formule consiste à appliquer des couleurs n'appartenant pas aux émaux et métaux du blason : c'est ainsi que le rose et le beige (du blanc cassé au marron) apparaissent dans les sources étudiées. De façon générale, près de la moitié des combinaisons retenues par les imagiers constitue des infractions. »
Ce type d'infraction volontaire dévalorisante se retrouve également dans les armes de Satan. Le non-respect des règles de l'héraldique ne procède pas seulement de la volonté de dévaloriser, d'autres causes sont possibles, comme la méconnaissance de ces règles.
L'héraldique imaginaire après le Moyen Âge
La création d'armoiries imaginaires n'a pas cessé avec le Moyen Âge mais la forme et le fond évoluent selon les idéaux des époques concernées.
Au XVIe siècle, Jérôme de Bara, auteur et artiste parisien fit imprimer plusieurs éditions de son maître-livre : Blason des armoiries, « auquel est montrée la manière de laquelle les Anciens & Modernes ont usé en icelles. » Il s'agit d'un ouvrage largement consacré à l'héraldique imaginaire. Il est dédié dans l’édition de 1579, à monsieur de Langes, conseiller du roi et sénéchal de Lyon. Deux odes en latin, l'une de François Béroalde et l'autre de Nicolas le Digne et trois sonnets (dont un de Le Digne) lui sont dédiés au début de son livre. Ils témoignent qu’il fut un artiste très estimé et que l'héraldique imaginaire continua d'intéresser au-delà du Moyen Âge.
À l'époque contemporaine, un regain est constaté en particulier dans la fantasy, principalement dans des sous-genres comme le médiéval-fantastique ou la fantasy arthurienne, dans lesquels apparaissent de nouvelles armoiries imaginaires. Le plus souvent celles-ci sont fautives et imblasonnables. Ceci résulte non de la volonté de discréditer un porteur comme au Moyen Âge, mais le plus souvent de la méconnaissance des règles de l'héraldique.
Armorial des armes imaginaires
Le nombre d'armes imaginaires étant très important, certaines « familles » font l'objet d'un armorial spécifique :
De gueules au lion d'or assis sur un trône d'argent, tenant de sa senestre un fourreau de sable et de sa dextre une épée d'argent sortant de ce fourreau[20].
Tiercé en fasce d'azur, de gueules et de sable, au cheval élancé d'argent, ferré d'or[25]. Le terme correct pour le cheval est « courant », élancé se dit pour le cerf. le cheval doit être blasonné "brochant sur le tout", Tel que, il seait seulement meuble du 3, (de sable)
Armes fausses (sable sur gueules), peut-être à cause de la malignité des Haradrim, ou en raison du désintérêt et méconnaissance de ce peuple barbare concernant les règles du blason.
Différences entre dessin et blasonnement : le meuble figuré n'est pas un œil.
Cet écu (gueules sur sable) contrevient à la règle de contrariété des couleurs. Comme pour Satan, et pour la même raison, c'est sans doute intentionnel.
De sable au croissant d'argent enserrant une tête de mort du même.
Cet écu-ci obéit à la règle de contrariété des couleurs mais l'ajout d'une tête de mort au croissant de lune de Minas Ithil ne l'en rend pas moins effrayant.
Burelé ondulé de seize pièces de gueules et d'azur à la truite d'argent. * Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (gueules sur azur).
De sable au dragon tricéphale de gueules. * Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (gueules sur sable).
D'orangé au soleil de gueules traversé d'une lance d'or. * Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (gueules sur orangé).
D'argent à une vespasienne de sinople sommée d'une cloche de gueules, accostée de deux merles affrontés de sable becqués aussi de gueules, perchés sur les parois latérales de la vespasienne.
D'argent à six écusons posées 3-2-1, de gueules, d'or*, d'azur, de sable, de sinople et de pourpre[30].
* Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (Or sur argent. Pour symboliser l'héraldique, cette faute est surprenante.).
Godefroy Amaury de Malefète, comte de Montmirail, d'Apremont et de Papincourt, dit « le Hardi » Tiercé en chevron : en 1, d'azur à deux alérions de gueules ; au 2, de sinople à la tour de gueules, ouverte et ajourée de sable ; au 3 d'or. Personnage interprété par l'acteur Jean Reno dans les films : Les Visiteurs, Les Visiteurs 2 et Les Visiteurs 3. Ce sont des Armes à enquerre. * Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (Gueules sur azur, gueules sur sinople ).
De gueules à la fasce d'or accompagné de trois crapauds de sinople[33] * Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (sinople sur gueules : la faute peut se comprendre comme volontairement dévalorisante.).
Galerie héraldique imaginaire
Les armes imaginaires ont été reproduites sur des tapisseries, des sculptures, des enluminures.
Le roi Arthur représenté comme l'un des Neuf Preux avec ses armes imaginaires : d'azur à trois couronnes d'or (détail d'une tapisserie datée des environs de 1385).
Des armoiries imaginaires attribuées à Jésus inspirées des instruments de la Passion, d'après l'armorial Hyghalmen (milieu du XVe siècle).
↑C. Raynaud, Images et pouvoirs au Moyen Âge, Paris, 1993, p. 101-114.
↑R.L. Wyss, Die Cäsarteppiche und ihr ikonographisches Verhältnis zur Illustration des Faits des Romains im 14. und 15 Jahrhundert, dans Jahrbuch des Bernischen Historischen Museums in Bern, t.35-36, 1955-1956, p. 103-232.
↑R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans l'Empire germanique médiéval, Paris, 1950.
↑N. Civel, Les Neuf Preux et leurs armoiries. Un cas d'héraldique imaginaire, mémoire de maîtrise, Nanterre, Université de Paris X, 1995, dactyl.
↑C. Van den Bergen-Pantens, « Guerre de Troie et héraldique imaginaire », dans Revue belge d'archéologie et d'histoire de l'art, t.52, 1983, p. 3-22.
↑O. Höfler, Zur Herkunft der Heraldik, dans Festschrift Hans Sedlmayr, Munich, 1962, p. 134-200 ; G. Scheibelreiter, Tiernamen und Wappenwesen, Vienne et Cologne, 1976.
↑Michel Mollat du Jourdin et J. Devisse, L'Image du Noir dans l'art occidental, t. II : Des premiers siècles chrétiens aux grandes découvertes, Fribourg, 1979.
↑A.Z. Keck, Observations on the Iconography of Joshua, dans The Art Bulletin, t.32, 1950, p. 267-274.
↑H. Hostmann, Die Wappen der Heiligen drei Könige, dans Kölner Domblatt. Jahrbuch des Zentral-Dombauvereins, t. 30, 1969, p. 49-66.
↑R. Dennys, The heraldic imagination, Londres, 1975, p. 96-102
↑A. MacMillan, Men's Weapons, Women's War : the Nine Female Worthies, 1400-1640, dans Mediaevalia, t. 5, 1979, p. 113-139.
↑W. Paravicini, Armoriaux et histoire culturelle : le Rôle d'armes des Meilleurs Trois, dans Cahiers du Léopard d'Or, vol. IV, 1998, p. 361-382.
↑R. Lejeune et R. Stiennon, La légende de Roland dans l'art du Moyen Âge, Bruxelles, 1966.
↑G.A. Seyler, Geschichte der Herldik, Nuremberg, 1890, p. 1-135.
↑Fanny Caroff, Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires attribuées au monde musulman, in : Médiévales, no 38, p. 139-140.
↑ Comme le souligne Pastoureau dans Figures de l'héraldique (ISBN2-07-053365-4) (page 105) où sont dessinées les armes imaginaires des Rastignacs et celles des Rubemprés
↑« Les neuf preux » du Chevalier errant 1394, BN, illustration reprise par Ottfried Neubecker, Roger Harmignies, dans Le grand livre de l'héraldique, éd. Bordas, 1988, p. 172. La source ne donne pas le blasonnement.
↑Nicolas Civel, Les insignes héraldiques des Troyens dans l'armorial Le Breton, dans : Une histoire pour un royaume, éd. Perrin, 2009, p. 426.
↑Il s'agit de l'interprétation la plus simple des armoiries fictives de Beauxbâtons, brièvement décrites par J. K. Rowling : « deux baguettes d'or croisées qui lançaient chacune trois étoiles »