Éduqué par ses grands-parents à la suite de la séparation de ses parents, l'enfance roubaisienne d'Arthur Van Hecke se situe successivement cour Van-Welden, dans la rue Daubenton, puis au « Pile », quartier des ouvriers, des liens familiaux dans la ville de Bruges l'y amenant également fréquemment : il s'y passionne pour la ville et pour ses peintres, copie les œuvres de James Ensor, Paul Permeke, Albert Saverys, Rik Wouters[1].
À 13 ans Arthur Van Hecke est ouvrier en usine textile à Roubaix. Le journaliste Bruno Vouters évoque un destin naturellement tracé : « né dans un quartier pauvre de Roubaix, cet enfant d’une famille modeste était fait pour l’usine »[2]. Bruno Jaubert, auteur du livre Arthur Van Hecke - Œuvres 1946-1998 (en même temps catalogue édité par le Musée des Beaux-Arts de Dunkerque en 1998, à l'occasion de l'exposition présentée en novembre), cite pour sa part Arthur Van Hecke qui confirme ainsi ses réelles aspirations : « (à 12 ans) je commençais sérieusement à peindre. Bien sûr, ce n’était qu’une mauvaise barbouille mais la passion y était. Mon grand-père recevait de Belgique toutes les semaines une revue dans laquelle il y avait toujours une reproduction de toile d’un des maîtres belges de l’époque et c’est en les regardant que j’ai pris conscience de la peinture. Je les copiais tous : Servaes et son Christ aux pustules, Opsomer et ses portraits officiels mais si bien peints, Tytgat et son humour, Paul Permeke et sa toute-puissance, Paulus, Daeye, Van de Woestyne, toute l’équipe de Laethem-Saint-Martin. Quelle merveilleuse école du bien-peindre ! Ils m’ont marqué à jamais, même après avoir découvert la peinture moderne, Picasso, Braque, Matisse, Léger ».
Engagement dans les troupes de la France Libre
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Arthur Van Hecke, dont le mariage avec Fernande Lamarque, le 25 septembre 1943, donnera naissance à trois filles, Monique, Anita et Dominique[1], s'engage dans les troupes de la France Libre. Il participe à la libération de la poche de Dunkerque, aux côtés des troupes britanniques.
Le Groupe de Roubaix
Arthur Van Hecke est l'un des principaux protagonistes du Groupe de Roubaix avec, notamment, le peintre et sculpteur Robert Conte (né en 1925), le peintre et poète Michel Delporte (1927-2001), le sculpteur Eugène Dodeigne (1923-2016), le peintre Jacky Dodin (1929-1990), le peintre Paul Hémery (1921-2006), le peintre et pianiste de jazz Pierre Hennebelle (1926-2013), le peintre Pierre Leclercq (1928-2002), le peintre Eugène Leroy (1910-2000), le sculpteur Jean Roulland (né en 1931). Après s'être installé près de Dunkerque, il fondera avec Raymond Picque, Jean Bertaux et Jean Castanier, le Groupe de Gravelines en 1961.
Peintre autodidacte, il commence à peindre dès la fin de la guerre, à Roubaix, sa ville natale, où il expose ses toiles au Salon des Artistes Roubaisiens puis dans les galeries roubaisiennes, les galeries Dujardin, Parenthou, et l'enseigne Création de Léon Renar. Une rencontre décisive va rapidement accélérer le cours de sa carrière. Alors qu'il peint dans le parc du château de Jean Masurel, célèbre industriel et collectionneur du Nord - à l'origine du musée de Villeneuve d'Ascq -, il y croise Roger Dutilleul, oncle de Jean Masurel, et lui aussi collectionneur (Braque, Picasso, Modigliani), qui incite son neveu à aider le jeune artiste, en particulier en mettant à sa disposition un atelier à Roubaix. Dès lors, Roger Dutilleul et Jean Masurel suivent de près son travail, et exposent ses toiles aux côtés de Pablo Picasso, Fernand Léger, Georges Braque, André Lanskoy. Bruno Wouters restitue encore : « les contacts avec Jean Masurel donnent à sa carrière toute son envergure. Van Hecke rencontre Fernand Léger, Bernard Buffet, André Lanskoy, Eugène Leroy, Édouard Pignon, Eugène Dodeigne, Charles Gadenne »[2]. Il effectue deux voyages en Italie, en 1954 et 1957[3], rencontre Jean Cocteau et Pablo Picasso dans le Midi de la France en juillet 1957[1].
Fondation du Groupe de Gravelines
En octobre 1957 Arthur Van Hecke habite Petit-Fort-Philippe, en avril 1958 Bruxelles, en 1959, place de la Petite-Chapelle à Dunkerque, en octobre 1960 Grand-Fort-Philippe[1]. Il fonde le Groupe de Gravelines en 1961 avec Jean Bertaux, Jean Castanier, Raymond Picque. Ensemble, ils créent un fonds d'estampes en 1975, qui sera à l'origine du Musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines. Le Musée est inauguré en 1982 et le Groupe de Gravelines se dissout, la mission étant accomplie. Le Musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines est le seul musée français consacré aux œuvres imprimées. En 1964 Arthur Van Hecke habite sur la digue de Malo-les-Bains et vit avec Lucette à partir de 1971. Ils s'établissent définitivement à Hondschoote en 1982.
Œuvres
Contributions bibliophiliques
Emmanuel Looten (préface de Stéphane Lupasco), Timbres sériels, illustrations d'Arthur Van Hecke, cinq cents exemplaires numérotés, J. Grassin éditeur, Paris, 1959.
André Devynck, D'écume et de sang, illustrations d'Arthur Van Hecke, Les Paragraphes littéraires de Paris, 1961.
Emmanuel Looten, Terre des treize ciels, livre-objet, lithographies originales d'André Dourdin et Arthur Van Hecke, quarante exemplaires numérotés, maîtres-imprimeurs Dourdin, Lille, 1965.
Emmanuel Looten, En souvenir de l'œuvre 80, lithographies d'Arthur Van Hecke et André Dourdin, 1967.
Alain Bouchez, Palais du Louvre - Moments du poème, illustrations d'Arthur Van Hecke, Chambelland, Paris, 1976.
Jacques Yvart, Amers, amour et pollution, illustrations d'Arthur Van Hecke, cinq cents exemplaires numérotés, éditions Le Signe avec le vent, Dunkerque, 1982.
Contributions cinématographiques
Samson ou la désespérance, film d'Emmanuel Looten, décors et costumes d'Arthur Van Hecke, production FR3, 1973[1].
Que voyez-vous, Miss Ellis ?, film de Claude Mourthé, décors d'Arthur Van Hecke, production FR3, 1975[1].
Réception critique et témoignages
« Une peinture puissante et frémissante au lyrisme contrôlé, un dialogue furieux entre ciel et mer, entre brume et vent, toujours heureusement et subtilement éclairé de bleus sombres et de roses tendres. Explosives dans leur pâte généreuse, ces architectures violentes et méditées marquent la ferveur et la rage de vivre d'un grand expressionniste. » - Gérald Schurr[4]
« Le personnage d'Arthur Van Hecke est pour moi une espèce d'émanation du Nord. Il est le Nord. Il a sa chaleur humaine, sa drôlerie spirituelle, sa verve et son émotivité, sa tendresse et sa gravité. » - Édouard Pignon[5]
« C'est une poésie physique, charnelle. C'est la musique des résonances. » - Emmanuel Looten, poète, ami d'Arthur Van Hecke[6]
« Arthur Van Hecke, révélé en 1948 par l'originalité, le non-convenu, la ferveur intérieure d'une toile signée par lui, représentant son grand-père, un Hollandais qui lui avait légué la robustesse du pinceau, le goût de la vie, mais aussi l'inquiétude insatiable, accordée aux paysages d'eau, de vent et de nuages. » - Pierre Pierrard[7]
« Cette prépondérance accordée à la lumière et à l'expression de la vérité intérieure des êtres rattache Arthur Van Hecke à la tradition nordique, celle du XVIIe siècle hollandais et flamand, et surtout celle de l'exressionnisme d'Ensor, Permeke et Wouters, mais aussi de Van Gogh et Soutine. La générosité de l'instinct, la force des émotions, la vibration de la matière et de la couleur, l'emportent chez lui sur la réflexion purement formelle. Si son œuvre abondante se nourrit aussi de sa connaissance aiguë de Picasso, Matisse ou Modigliani, Arthur Van Hecke puise la plupart de ses sujets, portraits ou paysages, dans cette terre du Nord dont il est profondément épris. » - Aude Cordonnier[8]
« Il ne se soucie pas d'une voie rectiligne, sa peinture a fluctué entre figuration expressionniste et paysagisme abstrait. Entretenant quelques liens avec l'expressionnisme flamand, elle se distingue par une matière généreusement sensuelle et la justesse de sa lumière caractéristique des ciels du Nord. » - Dictionnaire Bénézit[9]
Prix et distinctions
Prix du Salon de la Société des artistes roubaisiens, 1949[1].
Irmgard Micaela Burchard (1908-1964) a peint Arthur Van Hecke dans son atelier, rue de l'Espérance à Roubaix, toile déposée au MAC's du Grand-Hornu par le Musée d'art moderne Lille Métropole[12].
Paul Hémery (1921-2006) a peint L'atelier de Van Hecke, toile conservée depuis 2018 à La Piscine de Roubaix[13].
L'un des collèges de Dunkerque porte le nom d'Arthur Van Hecke[14].
Galerie Robert Tuffier, Les Andelys, cinq expositions de 1987 à 1998, dont : avril-mai 1989, catalogue préfacé par Jean-Marie Drot[29],[30], décembre 1993 - janvier 1994.
Arthur Van Hecke - Parcours, Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, septembre-octobre 1988[31],[32],[33].
Arthur Van Hecke - Portraits, fleurs, compositions inspirées du jardin de Claude Monet à Giverny, Galerie Expression, Saint-Tropez, juillet-août 1989[34].
Arthur Van Hecke - œuvres 1946-1998 : Musée des Beaux-Arts de Dunkerque, novembre 1998 - mars 1999.
Galerie Émeraude, Le Touquet, 2000, 2008.
Van Hecke intime : la ville de Marquette-lez-Lille rend un hommage à celui qui donna son nom à l'une des écoles de la ville. Du 19 novembre au 4 décembre 2011, l'église Notre-Dame de Lourdes, transformée en lieu d'exposition, est le théâtre de cet événement qui a pour fil conducteur l'intimité du peintre. Un catalogue est édité.
La Galerie Dujardin (1905-1980) - L'art au XXe siècle à Roubaix : La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie André Diligent de Roubaix organise, du 2 juillet au 4 septembre 2011, une exposition consacrée à l'histoire de cette institution roubaisienne fondée en 1905. Avec les grands noms de l'art moderne (Germaine Richier, André Lanskoy, Alexander Calder, Henri Laurens, Bernard Buffet, Pablo Picasso, etc.), les artistes du Groupe de Roubaix, dont la galerie a initié les accrochages collectifs, sont représentés, dont Arthur Van Hecke.
Arthur Van Hecke, ici chez lui : la ville de Gravelines, qui vient d'acquérir en salle des ventes une œuvre majeure de l'artiste, La Mort du Capitaine Simon, organise dans son Musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines, du 26 juin au 12 octobre 2011, une exposition qui réunit près de 100 œuvres, connues pour certaines, totalement inédites pour les autres[37],[38].
Expositions collectives
Salon des artistes roubaisiens, Roubaix, 1949, 1951, 1953, 1959, 1960.
Galerie Dujardin, Roubaix, 1950, 1954, novembre 1957 (Huit artistes sans étiquette), 1974, 1979.
Union pour la défense de l'art dans le Nord - L'art et les jeunes, Palais des Beaux-Arts, Lille, 1952.
P. Theunissen, sculptures - Arthur Van Hecke, peintures, Maison de la culture de Béthune, 1978.
Hommes des Flandres - Eugène Leroy, Arthur Van Hecke, Eugène Dodeigne, Jean Roulland, Paul Hémery, Michel Delporte, Jacques Dodin, Pierre Hennebelle, Marc Ronet, Robert Conte, Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, mai-juillet 1979.
Le Groupe de Roubaix, Musée d'art moderne et d'industrie de Roubaix, décembre 1997 - février 1998.
La Galerie Dujerdin (1905-1980) - L'art du XXe siècle à Roubaix (Germaine Richier, André Lanskoy, Alexander Calder, Henri Laurens, Bernard Buffet, Pablo Picasso, les artistes du Groupe de Roubaix dont Arthur Van Hecke), La Piscine, Musée d'art et d'industrie André-Diligent à Roubaix, 2 juillet - 4 septembre 2011.
Le Groupe de Roubaix, La Piscine, Roubaix, 2018[41].
Bibliographie
Van Hecke peintures 1953-1956, Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, 1956 (catalogue d'exposition).
Peintres contemporains, Mazenod, Paris, 1964.
Sabine Marchand, Van Hecke - Peintures, Galerie de Paris, 1968 (catalogue d'exposition).
Berthe Van Tighem, « Van Hecke, Arthur, au bout de la Flandre », revue Nord, no 3, mars 1970.
Gérald Schurr, Van Hecke, édité par Régis Dorval, Édition Galerie du Verger, 1978.
Blandine Roger, La vie et l'œuvre peint d'Arthur Van Hecke, peintre contemporain du Nord de la France, de 1945 à 1983, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art sous la direction de Bernard Dorival, Université Paris IV, juin 1983.
Thierry Tuffier, Arthur Van Hecke, Galerie Tuffier Éditions, 1991.
Blandine Roger, La vie et l'œuvre peint d'Arthur Van Hecke, peintre contemporain du Nord de la France, de 1945 à 1983, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art sous la direction de Bernard D
Michel Delporte et Bruno Gaudichon, Le Groupe de Roubaix, éditions du Musée d'art et d'industrie de Roubaix, 1997.
Bruno Jaubert (avant-propos d'Aude Cordonnier), Arthur Van Hecke - œuvres 1946-1998, Musée des Beaux-Arts de Dunkerque en 1998, à l'occasion de l'exposition présentée en novembre 1998.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999.
Jean-Pierre Delarge, Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, Gründ, 2001.
Bruno Gaudichon (avant-propos de René Vandierendonck, postface de Bruno Vouters, catalogue des œuvres conservées à La Piscine établi par Amandine Delcourt), Les Van Hecke de La Piscine, Éditions Invenit & La Piscine, 2009.
Van Hecke intime, Marquette-lez-Lille, Église Notre-Dame de Lourdes, 2011 (catalogue d'exposition).
↑Pierre Verbraeken, « A la Galerie Création, Arthur Van Hecke lui-même et la lumière de la mer », Nord-Éclair, 14 juin 1960.
↑Pol Hardy, « Un ancien peintre en bâtiment roubaisien, Arthur Van Hecke, fait sensation dans une galerie de Bruxelles », La Voix du Nord, 18 décembre 1962.
↑Lucien Pluvinage, « Van Hecke accroche de lumineux ciels flamands aux cimaises parisiennes », La Voix du Nord, 20 février 1965.
↑« Van Hecke-Kollectiv im Kulturaustausch », Delmenhorster Kreisblatt, 14 décembre 1963.
↑Pol Hardy, « Le peintre Van Hecke s'impose à Paris »., La Voix du Nord, 5 décembre 1968.
↑René Barotte, « Van Hecke a repensé la mer », Provençal-Dimanche, 7 mai 1967.
↑Brigitte Malou, « Van Hecke : l'étonnant spectacle du ciel et de l'eau », Nord matin, 9 mai 1968.
↑« Van Hecke à la Galerie Musson », La République du Centre, 27 mai 1972.
↑« À la Société Générale, belle et sensible exposition du peintre Van Hecke », Bulletin de la Société Générale, no 80, juillet 1972.
↑Xavier Amoudru, « Arthur Van Hecke : la lumière, la matière, le signe », La Voix du Nord, 10 novembre 1976.
↑Xavier Amoudru, « À Gravelines, scènes de la vie d'Arthur Van Hecke », La Voix du Nord, 4 avril 1982.
↑J.-N. D., « L'enfant du pays est de retour : Arthur Van Hecke tel qu'en ses portraits », La Voix du Nord, 21 octobre 1984.
↑Gérald Schurr, « Les expositions », La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 38, 2 novembre 1984, page 47.
↑J. H., « Arthur Van Hecke à l'arsenal : la chaleur des retrouvailles », La Voix du Nord, 19 février 1987.
↑J.-C. L., « À la Galerie Tuffier : le jardin du roi Arthur », Eure Inter, 27 avril 1989.
↑Gérald Schurr, « Les expositions en province : Les Andelys », La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 17, 28 avril 1989, page 56.
↑Jean-Paul Detroy, « Van Hecke au musée de Villeneuve-d'Ascp : de l'Italie qui descendrait l'Escaut ? », La Voix du Nord, 12 octobre 1988.
↑Laure Dufresne, « Arthur Van Hecke au Musée d'art moderne : pieds dans la terre, tête au ciel », Nord Éclair, 12 octobre 1988.
↑Nadia Laribi, « Monsieur Van Hecke, raconte-moi la Flandre avec ses lumières et ses couleurs », Roubaix Informations, no 12, novembre 1988.
↑Bruno Jaubert, « L'art contemporain en province », La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 29, 21 juillet 1989, page 32.
↑Jean-Paul Giraud, « Paysagiste de l'âme au musée », Nice Matin, .
↑Piet de Groof, « Arthur Van Hecke à la Galerie Hutse », Ons Brussel, 1er novembre 1996.
↑« Vernissage au prieuré du Vivoin : Arthur Van Hecke et André Copin, des peintures qui ne ressemblent pas à leurs auteurs », Ouest-France, 16 octobre 1972.
↑ René Salmon (préface), Panorama de la peinture contemporaine, éditions de la ville de Sotteville-lès-Rouen, 1980.