Dans le cadre de l'étude spectrale des astéroïdes, le complexe C (antérieurement groupe C ou, de manière courante mais ambigüe, classe C ou type C) et le type C sont deux notions distinctes utilisées par plusieurs classifications spectrales.
La notion de classe C (et son opposition à celle de classe S) est l'une des plus anciennes encore utilisées aujourd'hui. Elle a été introduite en 1975 dans l'article fondateur de Clark R. Chapman, David Morrison et Ben H. Zellner qui proposait une classification en trois classes C (carbonaceous, rapprochée des météorites carbonées), S (stony-metallic, rapprochée des météorites ferro-pierreuses) et U (unclassified, pour les objets sortant du cadre proposé)[1].
Cette notion large de classe ou type C est aujourd'hui généralement remplacée par celle de complexe C. Celle-ci est explicitement apparue dans la classifications de Bus (ou SMASS-II) en 1999, conjointement à celles de complexe S et de complexe X, et correspond à un ensemble de plusieurs types apparentés distingués au sein de la classe C originelle. Dans les classifications de Bus (1999) et de Bus-DeMeo (2009), on y retrouve un type C situé au cœur du complexe (dans l'espace des propriétés spectrales), le type B, et d'autres types (ou sous-types) notés par un système à deux lettres (Cg par exemple). La classification de Tholen (1984) avait de son côté généré une notion de groupe C rétrospectivement équivalente au complexe C, mais avec une subdivision très différente comprenant également des types C et B (qui ne se recouvrent que partiellement avec ceux de Bus ou Bus-DeMeo) ainsi que des types F et G.
À fin 2023, la base de données « Small-Body Database » du Jet Propulsion Laboratory compte 1666 astéroïdes pour lesquels le type SMASS-II (classification de Bus) est renseigné, dont 421 astéroïdes appartenant au complexe C (25 %)[2],[3].
le groupe C de Tholen est plus ou moins équivalent au complexe C de Bus ou Bus-DeMeo mais avec un découpage très différent
les types B, C, F et G y sont notamment distingués par un critère d'absorption plus ou moins fort dans l'ultraviolet et par le niveau du gradient dans le visible
les deux classifications ont le même découpage du complexe C, mais les définitions précises de chaque type diffèrent et par suite l'attribution de certains astéroïdes
le type C correspond au cœur du complexe (au sens de zone de forte concentration dans l'espace des données spectrales)
les types C, B et Cb sont distingués par le niveau et le profil du gradient spectral
les types C, Cg, Cgh et Ch sont distingués par d'éventuelles absorptions côté ultraviolet avant 0,55 μm (indice g) et/ou vers 0,7 μm (indice h)
Bus-DeMeo
Le type F de Tholen se retrouve essentiellement fusionné avec le type B dans la classification de Bus
Le type G de Tholen se retrouve redistribué parmi les types C, Cg, Cgh et Ch dans la classification de Bus
Propriétés
Description spectrale du complexe et des types associés
Une opposition fondamentale distingue :
d'un côté le complexe S et quelques types secondaires (types A, O, Q, R, V notamment), avec des spectres présentant un relief bien marqué, caractérisé par un gradient spectral plus ou moins rouge dans le visible et des absorptions plus ou moins marquées vers 1 et 2 μm ;
de l'autre le complexe C, le complexe X et quelques types secondaires (types T et D notamment), avec des spectres présentant un relief peu marqué.
Dans ce cadre, le complexe C se distingue du complexe X par un gradient tendanciellement moins rouge dans le visible, voire bleu, et par d'éventuelles spécificités plus fines propres à tel ou tel type et différentes suivant la classification (albédo et absorptions dans l'ultraviolet pour Tholen, petites marques d'absorption pour Bus ou Bus-DeMeo, évolutions dans l'infrarouge pour Bus-DeMeo).
Descriptions spectrales originales et prototypes associés
Le tableau ci-dessous regroupe les descriptions spectrales originales, telles que proposées par David J. Tholen, Schelte J. Bus et Francesca E. DeMeo dans les publications décrivant leurs classifications respectives. Il indique également les astéroïdes alors mentionnés comme archétypes.
Les différences de description découlent pour partie des groupements statistiques obtenus mais aussi et surtout des différences de bandes spectrales considérées :
0,34-1,04 μm pour Tholen, soit légèrement élargie côté proche ultraviolet et proche infrarouge ;
0,44-0,92 μm pour Bus, soit resserrée sur la zone visible ;
0,45-2,45 μm pour Bus-DeMeo, soit largement élargie côté infrarouge, permettant la mise en évidence des absorptions vers 1 et 2 μm.
En particulier, la notion de gradient spectral (ou de spectre rouge ou bleu) se réfère toujours à ces bandes spectrales respectives (ou à une partie de celles-ci).
Albédo moyennement faible. Variante de la classe C avec un albédo plus élevé et une tendance à une réflectance plus faible à l'extrémité rouge du spectre.
Albédo faible. Spectre sans relief, plat à légèrement bleu à travers la plage globale 0,3 à 1,1 μm ; diffère de la classe C par la faiblesse de l'absorption dans l'ultraviolet.
Albédo faible. Absorption dans l'ultraviolet très forte avant 0,4 μm puis spectre plat après 0,4 μm ; diffère de la classe C par la force de l'absorption dans l'ultraviolet.
Profil linéaire, avec un gradient négatif, et souvent une légère bosse arrondie autour de 0,6 μm et/ou une légère courbure tournée vers le haut dans la région 1 à 2 μm.
Profil linéaire, avec un gradient neutre dans la zone visible, souvent une légère bosse arrondie autour de 0,6 μm, et un gradient faible mais positif après 1,3 μm. Peut présenter une légère absorption après 1 μm.
Petit gradient positif commençant vers 1 μm et bord tombant prononcé côté ultraviolet similaire au type Cg. Comporte également une large bande d'absorption peu profonde centrée vers 0,7 μm similaire au type Ch.
Petit gradient positif commençant vers 1,1 μm et bord tombant peu prononcé côté ultraviolet. Comporte également une large bande d'absorption peu profonde centrée vers 0,7 μm.
Une absorption autour de 3 μm indique la probable présence d'eau[réf. nécessaire].
Situation dans le Système solaire et hypothèses d'origine
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L'ensemble du complexe C représente environ 15 à 30% des astéroïdes dont le type est connu mais, compte-tenu des biais d'observation (ils sont tendanciellement plus éloignés de la Terre et plus sombres que les astéroïdes du complexe S), ils représenteraient en fait environ 75 % des astéroïdes[réf. nécessaire], constituant l'ensemble le plus important devant le complexe S.
Du fait de leur caractère très sombre, les astéroïdes de type C ne peuvent pas être vus avec des jumelles lors de leur opposition, contrairement à certains astéroïdes de type S.
Exploration et retour d'échantillon
À ce jour (2023), quatre astéroïdes appartenant au complexe C ont été visités par une sonde spatiale :
la planète naine(1) Cérès, de type G au sens de la classification de Tholen mais plus souvent considérée comme de type C au sens des classifications de Bus ou Bus-DeMeo, explorée entre 2015 et 2018 par la sonde américaine Dawn ; voir les articles correspondants ;
Le survol de (253) Mathilde a permis d'en préciser le caractère très sombre (albédo de 0,047[7]), commenté comme deux fois plus sombre qu'un morceau de charbon de bois par Joseph Veverka, le responsable de la mission NEAR Shoemaker. La densité de 1 300 kg/m3 estimée à la suite du survol[7], très faible, moitié de celle d'une chondrite carbonée typique, a été interprétée comme signe d'une structure en agglomérat lâche de débris[7], caractéristique semble-t-il partagée par plusieurs astéroïdes de type C. L'absence de différences de couleur ou d'albédo au niveau des cratères a de son côté été interprétée comme signe d'une structure homogène[7]. Des études ultérieures par spectroscopie dans l'infrarouge proche ont permis d'estimer une composition comparable à celle de chondrites carbonées de type CI1 ou CM2, avec une surface dominée par les phyllosilicates[8].
(162173) Ryugu
L'exploration de (162173) Ryugu par la sonde Hayabusa 2 a été riche en innovations, avec l'usage de deux petits rovers japonais de type MINERVA-II, d'un atterrisseur franco-allemand MASCOT, et d'un petit impacteur SCI. Les différentes études menées in situ ont entre autres révélé une densité de 1,2 correspondant à une porosité d'environ 50 %, un albédo particulièrement faible de 0,02 (environ moitié de celui attendu), la présence de nombreux gros rochers, l'absence de régolithe en surface[9],[10]. Tous ces résultat ont surpris les équipes de recherche. Les mesures spectrométriques montrent une petite quantité d'hydroxyde probablement présent dans un minéral argileux riche en magnésium, indiquant des interactions passées avec de l'eau[9]. Certaines roches présentent de nombreuses petites inclusions multicolores ressemblant à celles riches en aluminium et en calcium de certaines chondrites carbonées, type rare de météorite[10]. Tous ces indices induisent un scenario de formation complexe, impliquant un ou plusieurs corps parents de grande taille ayant eu une géologie complexe.
↑Indication à interpréter avec précaution au regard du faible nombre d'astéroïdes pour lesquels cette donnée est disponible et des différences notables suivant la classification utilisée.
↑(en) Michael S. Kelley, Michael J. Gaffey et Vishnu Reddy, « Near-IR Spectroscopy and Possible Meteorite Analogs for Asteroid (253) Mathilde », dans 38th Lunar and Planetary Science Conference, League City, Texas, Lunar & Planetary Institute, (Bibcode2007LPI....38.2366K).
↑(en) Tetsuya Yokoyama, Kazuhide Nagashima, Izumi Nakai et al., « Samples returned from the asteroid Ryugu are similar to Ivuna-type carbonaceous meteorites », Science, vol. 379, no 6634, (DOI10.1126/science.abn7850).