Né le à Coni, Aurelio Gazzera est le quatrième d’une fratrie de cinq enfants. En juillet 1974, il entre au séminaire d'Arenzano, chez les carmes déchaux, pour y suivre son cursus secondaire[1].
À partir de septembre 1992, Aurelio Gazzera habite en permanence en Centrafrique. Les onze premières années, il est recteur du séminaire de la Yole. En août 2003, il est nommé curé de la paroisse Saint-Michel de Bozoum ainsi que directeur diocésain de Caritas[1].
il veille en particulier au développement local, avec la mise en place d'une agriculture vivrière et durable, la réintroduction de rizières, la création d'une foire agricole, d'un organisme de microcrédit et d'un cycle scolaire complet pour former les plus jeunes[2].
À partir de 2012, il anime également le blog « En direct depuis Bozoum » afin d'informer l'opinion publique de ce qui se passe dans cette région reculée de Centrafrique[3],[4].
Action durant la guerre civile
Lors de la troisième guerre civile centrafricaine, et particulier des affrontements entre anti-balaka et seleka, le missionnaire s'interpose en essayant systématiquement de promouvoir le dialogue entre belligérants[5]. Son action lui vaut d'être surnommé « l’uomo che ha piegato i fucili ai banditi » (« l'homme qui a plié les fusils des bandits ») en Italie[2].
Les autorités civiles et militaires de Bozoum ayant fui, c'est lui qui met en place un comité d'aide humanitaire, de maintien de l'ordre et de service à la population[6].
Action face aux orpailleurs illégaux
Après la fin de la guerre civile, Aurelio Gazzera est confronté à l'orpaillage illégal. Plus particulièrement, il s'agit de la mainmise de quatre entreprises chinoises d'extraction d'or sur la rivière Ouham, ainsi que la pollution et la corruption qui en découlent. Les entreprises concernées, toutes filiales d'un même groupe et dirigées par Zhao Baome, sont Tian Xiang (ou Tiang-Xiang), Tian Roun (ou Jianin), Meng et SMC Mao. Sur 19 sites d'extraction de l'or, seuls trois ont reçu une autorisation officielle. La rivière, détournée et draguée en profondeur, présente des taux de contamination au mercure de quatre à vingt-six fois supérieurs à la limite maximale admissible. Cette pollution est la source de nombreuses fausses couches et de décès prématurés en aval des sites d'exploitation. Outre le mercure, des hydrocarbures et des déchets mécaniques sont également déversés dans la rivière[7],[8],[9].
Lors de l'implantation des sites d'exploitation, la population locale n'a pas été consultée et l’étude d’impact sur l’environnement, obligatoire au regard de l’article 34 du Code de l’environnement, n'a pas été menée. Les expropriations nécessaires à la mise en chantier n'ont pas été indemnisées[10]. Enfin, la dépendance des populations à la rivière pour l'alimentation en eau potable contraint celles-ci à devoir chercher leur eau beaucoup plus loin[11].
Le missionnaire dénonce, outre la pollution, l'emploi de l'armée centrafricaine comme milice chargée de la garde des sites, le déboisement de la forêt sur de vastes surfaces, et l'absence systématique de remise en état naturel des sites en fin d'exploitation. Le , le ministre des mines et de la géologie alerté suspend les activités minières jusqu'à nouvel ordre. Mais la reprise a lieu moins d'un mois plus tard. Le de la même année, alors qu'il est en train de filmer les activités minières en bord de fleuve, Aurelio Gazzera est arrêté par la police et emmené. La vindicte de la population locale qui soutient le prêtre lui vaut d'être rapidement libéré ; mais deux jours plus tard, le premier ministre Firmin Ngrebada l'accuse ouvertement, devant l'Assemblée nationale, de pratiquer lui-même l’orpaillage clandestin. Certains députés, dont celui de Bozoum, Corneille Sérékoïsse, ainsi que l'archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, prennent fait et cause pour le père Gazzera[12],[13],[14].
↑Amnesty 2020, 2. Accusation d'atteintes aux droits humains — Allégation 2 : la présence de mercure compromet le droit à la santé, p. 10.
↑Cyril Bensimon, « Le combat du prêtre Aurelio Gazzera contre les mines d’or chinoises en Centrafrique », Le Monde, (ISSN0395-2037, lire en ligne).
↑Amnesty 2020, 1. La réponse du gouvernement — Février 2019 : Rapport N° 1 – Rapport régional, p. 6 & 7.
↑Amnesty 2020, 2. Accusation d'atteintes aux droits humains — Allégation 3 : la dépendance persistante des populations à la rivière comme source d’eau peut avoir des conséquences sur leurs moyens de subsistance et sur leur droit à l’eau en raison de sa pollution et de sa turbidité, p. 11.
↑Romuald Yangoubé, « Politique : Le premier ministre Firmin Ngrébada accuse le Père Aurelio de concurrence déloyale à Bozoum », Radio Ndeke Luka, (lire en ligne).
↑(it) Angelo Andrea Vegliante, « Aurelio Gazzera, il Bozoumgate e la Cina nel Centrafrica: l’intervista », Aref International, (lire en ligne).