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Depuis le début des années 1970, Bertrand Lavier interroge les rapports de l'art et du quotidien ainsi que la nature de l'œuvre d'art en plaçant dans un environnement socialement identifié comme lieu d'exposition d'œuvres d'art, des objets empruntés à la vie courante, modifiés ou hybridés de façon que leur statut même s'en trouve mis en question. Pendant ces années-là, il réalise des travaux photographiques puis repeint des objets dans le cadre d'une réflexion sur la peinture: il recouvre un piano, une fenêtre, un réfrigérateur ou encore un miroir d'une épaisse couche de peinture tout en reprenant les couleurs d'origine des objets peints.
Ses premières œuvres exploitent l'ambiguïté résultant d'objets quotidiens (voitures, armoires en tôle, réfrigérateurs…) simplement recouverts d'une épaisse couche de peinture posée en larges aplats: ces objets sont à la fois l'objet lui-même (ils demeurent théoriquement utilisables) et l'image de l'objet, en raison de la peinture qui les recouvre. Dans le même esprit, Lavier recouvre de peinture à l'identique la moitié d'un tableau original d'André Lhote (Nature morte and Still Life 1936-1977)[1], sans se soucier de la violation du droit moral que son acte de vandalisme provoque, ni des conséquences judiciaires qui peuvent en découler, invitant à s'interroger sur le statut de l'œuvre.
L'artiste évolue ensuite vers des superpositions (réfrigérateur posé sur un coffre-fort, enclume posée sur un meuble à tiroirs) et des combinaisons d'objets dont la valeur d'ensemble dépasse la somme des valeurs de chaque composant pris isolément. La démarche de Lavier trouve ainsi des antécédents dans celles de Marcel Duchamp et des nouveaux réalistes (l'artiste indique d'ailleurs admirer passionnément l'œuvre de Raymond Hains).
Lavier se livre à une exploration des catégories artistiques et des codes de présentation et de représentation de l'art qui met en évidence la fonction du langage, le rôle du socle dans la définition de la sculpture. Il s'intéresse aux réalités ambivalentes comme lorsque, dans ses Walt Disney Productions, il met en évidence les tableaux modernes, qui passent habituellement inaperçus dans les décors où évolue le personnage de Mickey.
Si tout objet peut ainsi cumuler plusieurs identités, « le fait de rapprocher des images est aussi important que d'en créer » : le travail artistique peut ainsi consister à rapprocher des images ou des objets que la réalité quotidienne sépare.
Considérant que le ready-made est devenu une catégorie à part entière de l'art au même titre que la peinture ou la sculpture, Bertrand Lavier peut décider d'exposer une automobile accidentée (Giulietta, 1993), une montgolfière dégonflée (Dolly, 1993) ou un fragment de pylone électrique, prenant le contre-pied du principe d'indifférence qui faisait à l'origine la condition même de la possibilité du ready made.
↑« Le plasticien Bertrand Lavier à la Bourse du commerce : « Je ne sors pas indemne de cette expérience » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )