Son nom catalan signifie « tombeau de Roland » en francais. En effet, une légende locale affirme que le chevalier Roland a vécu dans le pays du Vallespir et que, après sa mort lors de la Bataille de Roncevaux (778), son corps y a été ramené par son cheval puis inhumé à cet endroit.
Les dolmens sont effectivement des sépultures, mais ils sont très antérieurs à l'époque carolingienne. Daté de la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C., ce dolmen est constitué de trois pierres verticales formant un H surmontées d'une dalle, l'ensemble délimitant une chambre de forme rectangulaire. De dimensions moyennes et de plan simple (sans couloir), orienté vers le sud-est, il présente des caractéristiques fréquentes dans les dolmens de ce département.
La Caixa de Rotllan est un des cent quarante-huit dolmens recensés dans les Pyrénées-Orientales (y compris ceux qui sont attestés par des sources anciennes mais ont disparu[1]). Ils sont tous situés dans des zones accidentées ou montagneuses, généralement sur un col, une ligne de crête ou une hauteur[2].
Deux chemins permettent d'y accéder à partir du village d'Arles : soit en suivant une piste carrossable serpentant le long de la rivière Bonabosc, qu'il faut quitter pour suivre sur une soixantaine de mètre un petit sentier à travers bois ; soit en empruntant, le long d'une ligne de crête surplombant les vallées du Bonabosc et du Riuferrer, le GR 10 qu'il faut aussi quitter pour un sentier de petite randonnée balisé[3]. Cette partie du GR10 est le début d'un ancien chemin jadis très fréquenté reliant Arles-sur-Tech aux mines de Batère. À pied, le trajet prend environ une heure et demie[4]. La piste parcourant la haute vallée du Bonabosc et qui passe à proximité de la Caixa est appelée « route forestière du dolmen »[3].
La carte IGN au 1⁄25000e le signale d'une étoile, ce qui indique une « curiosité »[3].
Répartition des principaux lieux cités dans cet article.
Description
La Caixa de Rotllan est, comme la plupart des dolmens du Roussillon[6], de plan simple, c'est-à-dire sans couloir[7], ce qui le rattache à d'autres dolmens de la période du chalcolithique et du début de l'âge du bronze, soit la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C.[8].
Malgré ses dimensions assez modestes, il a une allure imposant du fait de l'épaisseur des pierres qui le constituent. En très bon état, il est fait de trois dalles verticales surmontées d'une quatrième, formant une chambre grossièrement rectangulaire orientée nord-nord-ouest/sud-sud-est, dont l'ouverture se trouve dans la direction sud-sud-est[7], comme la majorité des dolmens du département[9]. Cette orientation suit celle de la ligne de crête sur laquelle il se trouve[10]. Le dolmen est entouré d'un tumulus d'environ dix mètres de diamètre[7], grossièrement circulaire[11],[7]. Le matériau utilisé est du granite trouvé sur place[7].
La chambre dolménique.
Le dolmen dans son environnement, depuis le sud.
Le dolmen depuis le nord, on aperçoit les roches constituant le tumulus au premier plan.
Les montants latéraux sont deux blocs d'épaisseur irrégulière (entre 20 et 57 cm) de 2,40 m de long et de 1,30 m de hauteur hors-sol. La dalle du fond (appelée « dalle de chevet ») mesure 1,20 m de haut, 1,25 m de large et 20 cm d'épaisseur moyenne. La dalle de couverture mesure 2,60 m de long pour 1,50 m de large et son épaisseur varie de 20 cm à 45 cm. L'irrégularité des dalles de soutien ne lui apporte que trois points d'appui. L'ensemble délimite une chambre rectangulaire de 2 m sur 1,30 m environ[7]. Cet ensemble aboutit à un plan en forme de H, la dalle de chevet étant encadrée par les dalles latérales. Ce plan, suivi par la plupart des dolmens du département, suggère que la dalle de chevet a été placée la première, les dalles latérales ensuite[6].
La dalle latérale du nord-est.
La dalle de chevet.
La dalle latérale du sud-ouest.
Toponymie et légende de Roland
Le nom catalan du dolmen, qui signifie « le tombeau de Roland », montre que son utilisation en tant que sépulture était connue des habitants de la région[7]. Les mégalithes des Pyrénées-Orientales portent souvent des noms de personnages mythiques comme Roland ou ses ennemis les « Maures »[12].
On trouve notamment, à 1 500 m au nord de la Caixa en suivant la ligne de crête, le Palet de Rotllan. Le jeu de palets est un ancien jeu de quilles consistant à faire tomber un objet (souvent un bâton) fiché dans le sol en lançant un palet. Selon la légende, Roland utilisait d'énormes rochers en guise de palets afin de détruire les châteaux du Vallespir[13].
Plus au nord, l'abeurador del cavall de Rotllan (« abreuvoir du cheval de Roland ») est un bassin où le chevalier aurait fait boire son cheval Veillantif. La Cova d'en Rotllan (« grotte de Roland ») est un autre dolmen, situé sur la commune voisine de Corsavy[13], où Roland aurait eu l'habitude de se reposer[12].
Le dolmen de la Caixa de Rotllan a été construit au chalcolithique ou au début de l'âge du bronze, durant la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C.
Il est utilisé depuis le Moyen Âge comme borne marquant la séparation des territoires des paroisses d'Arles et de Montbolo[7]. La limite actuelle de ces deux communes passe tout près du dolmen[3].
La première publication sur ce dolmen date de 1837, un article intitulé « Monument druidique (entre Arles et Batère) », de Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo. Mais Renard de Saint-Malo confond la Caixa avec le palet de Roland[13]. dans son Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales (1861), Louis Companyo précise que le palet n'est pas un dolmen et met en garde le lecteur contre la confusion fréquente entre les dolmens et certains amas naturels de roches qui peuvent leur ressembler[16],[17].
La première description scientifique de la Caixa est due à Alexandre-Félix Ratheau en 1866, dans une « Note sur un monument celtique du département », parue dans le Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales. À cette époque, les dolmens sont attribuée aux Celtes[13] (de même pour Renard de Saint-Malo, qui le qualifie comme « druidique »). Dans cet ouvrage, Ratheau, officier du génie et auteur d'ouvrages sur l'architecture militaire, donne les dimensions du dolmen, son orientation et réalise un plan du site et trois plans de coupe[18]. Il signale que le palet est en fait constitué de meules de granite abandonnées et précise la correction de Companyo. En effet, le texte de Companyo pouvait laisser penser qu'il n'existait pas de dolmen nommé Caixa de Rotllan[17]. En 1887, une gravure du dolmen, réalisée d'après une photographie, est publiée dans La création de l'Homme et premiers âges, d'Henri Raison du Cleuziou[13].
Aucune fouille scientifique approfondie du dolmen n'a encore été menée[13].
Publications touristiques
Le dolmen est mentionné dès le XIXe siècle dans plusieurs guides touristiques de la France[19]
et en Angleterre[20].
Au XIXe siècle, il est nommé sous une forme francisée, Caxa de Roland[4],[19].
Notes et références
↑Abélanet 2011, p. 21 en recense 147, auxquels il faut ajouter le dolmen de Castelló découvert en 2011. Voir Oriol Lluis Gual, « Le dolmen de Castelló », Association de Sauvegarde du Patrimoine de Prats de Mollo Velles Pedres i Arrels pour ce dernier.
↑Valérie Porra-Kuteni, « Françoise CLAUSTRE : 30 ans d'Archéologie préhistorique en Roussillon », ARCHÉO 66,
Bulletin de l'Association archéologique des Pyrénées-Orientales, no 24, , p. 129-130 (lire en ligne)
↑Philippe Soulier, La France des dolmens et des sépultures collectives, 4500-2000 avant J.-C., Editions Errance, coll. « Archéologie aujourd'hui », , 335 p. (ISBN978-2-87772-157-8), p. 162.
↑Voir Ratheau 1866, p. 168 ou l'illustration ci-dessus.
↑ a et bPar exemple, dans le Guide national et catholique du voyageur en France : avec notices religieuses, historiques et biographiques, pèlerinages, stations balnéaires, renseignements divers, cartes, plans et gravures, tables alphabétiques, etc., t. 2, Paris, maison de la bonne presse, 1900-1901 (lire en ligne), p. 1006
↑Augustus Hare, South-western France, Londres, Georges Allen, (lire en ligne), p. 517
Jean Abélanet, Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, Canet, Trabucaire, coll. « Mémoires de pierres, souvenirs d'hommes », , 189 p. (ISBN978-2-84974-079-8)
Jean Abélanet, Itinéraires mégalithiques : dolmens et rites funéraires en Roussillon et Pyrénées nord-catalanes, Canet, Trabucaire, , 350 p. (ISBN9782849741245)
(ca) Enric Carreras Vigorós et Josep Tarrús Galter, « 181 anys de recerca megalítica a la Catalunya Nord (1832-2012) », Annals de l'Institut d'Estudis Gironins, no 54, , p. 31-184 (lire en ligne)
Ouvrages anciens
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo, « Monument druidique (entre Arles et Batère) », Le Publicateur des Pyrénées-Orientales, vol. 46,
Alexandre-Félix Ratheau, « Note sur un monument celtique du département », Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, vol. 14, , p. 168-173 (lire en ligne)
La version du 22 mars 2012 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.