En 2012 à l'occasion d'une entrevue avec Télérama, Élise Lucet indique « L'idée de départ, c'était de court-circuiter les campagnes de communication des multinationales. Aujourd'hui, ces groupes sont trop bien armés. On ne peut plus approcher un dirigeant d'entreprise sans être escorté par quatre attachés de presse. La machine est trop bien huilée. Les entreprises passent leur temps à polir leur image, allumant un contre-feu à la moindre polémique, faisant fuiter les infos qu'elles veulent, retenant les autres. Il faut redoubler d'ingéniosité pour enrayer ce système de communication et découvrir la vérité qui se cache derrière le discours publicitaire. »[2]
Elle déclare d'ailleurs au sujet de l'émission :
« après 2008 et Lehman Brother [sic], des murailles se sont effondrées. Ça a éveillé des consciences, y compris les nôtres. On n'aurait pas fait Cash dans les années 90, c'est vrai. Mais pour une autre raison également : il y avait très peu d'investigation dans les médias. Aujourd'hui, à notre direction, ils ne sont pas idiots : ils voient bien que l'investigation ça marche, Médiapart ça marche, etc. Les téléspectateurs nous réclament ça : on veut un journalisme pugnace, impertinent. Le journalisme à la pépère, c'est fini. [...] j'ai toujours refusé de dîner avec un politique, un industriel. Je leur réponds : « Je n'ai pas le temps », ou : « Je n'ai plus faim… » Pas par militantisme, mais chacun à sa place : il faut zéro connivence avec ces gens-là. À cause de ces connivences, le journalisme souffre d'une grave défiance[3]. »
Lors de la saison 2 (2013), l'émission s'est dotée d'un site web (un blog) animé par sa rédaction[4]. Il expose les documents exclusifs révélés par l'émission et prolonge les enquêtes. Sa mise à jour a cessé fin 2013.
Le 1er avril 2016, Cash Investigation annonce dans une vidéo qu'une émission tournée dans le plus grand secret sera diffusée le mardi 5 avril. Le surlendemain, Élise Lucet annonce un premier indice pour cette enquête pour 20 heures. Selon elle, cette « enquête secrète va faire du bruit partout dans le monde ». Il s'agit des « Panama Papers », une enquête internationale à partir d'une fuite massive d'informations sur des sociétés-écrans hébergées au Panama[5],[6]. L'enquête est réalisée en collaboration avec des journalistes de l'ICIJ (consortium international des journalistes d'investigation) membres de 109 autres rédactions dans 76 pays, dont Le Monde pour la France.
Chaque émission de la saison 1 (année 2012) propose également, en seconde partie, le portrait d'un lanceur d'alerte.
La chaîne a doté la première saison de huit éditions, avant d'en tirer le bilan et de reconduire le programme en 2013.
Face aux menaces de déprogrammation de l'émission[7], des téléspectateurs ont mis en ligne une pétition pour réclamer la reconduite du programme[8]. L'émission est finalement de retour en juin 2013[9].
La saison 2 propose cinq numéros. Le reportage sur l'évasion fiscale, diffusé en prime time à la suite de l'affaire Cahuzac, est un succès d'audience et critique.
La saison 3 marque le passage régulier de l'émission en prime time le mardi soir[10] même si certains numéros continuent d'être programmés en deuxième partie de soirée le lundi.
En juillet 2015, Premières Lignes décide de mettre en ligne toutes les enquêtes de l'émission sur YouTube[11],[12].
À l'occasion de la saison 3, les équipes de l'émission réalisent pour la première fois une enquête spécialement pour Internet. Diffusé sur Francetvinfo.fr, ce reportage intitulé « Ces entreprises qui vendent des systèmes de sécurité aux pires dictatures de la planète » complète l'enquête sur le « business de la peur » diffusé le 21 septembre 2015.
Audiences
En 2013, cette émission, diffusée en deuxième partie de soirée, affichait en moyenne sur l'année, 10,6 % d'audience[13].
En 2018, le magazine a fédéré en audience veille 3,1 millions de téléspectateurs en moyenne, soit 14,1 % du public[14].
En 2012, l'émission a reçu des critiques positives dans la presse :
Le Monde évoque « des enquêtes sans concession, rondement menées et clairement exposées ; un travail patient et sérieux, qui évite de se prendre trop au sérieux » et indique que « Cash Investigation serait passé inaperçu dans un monde où l'information aurait les coudées franches. Autant dire qu'on l'a remarqué. »[23] ;
Télérama salue le « courage » d'Élise Lucet, estimant l'émission « redoutable et salutaire »[24] ;
Le Nouvel Observateur apprécie quant à lui le ton « direct et malicieux, les enquêtes fouillées, les révélations corrosives »[25] ;
Marianne indique « un fort didactique reportage »[26].
En 2013, le sérieux des enquêtes est à nouveau souligné par la critique :
Pascal Riché, le cofondateur de Rue89, indique que « l'émission Cash investigation, lancée il y a quelques mois, continue de tenir ses promesses, donnant un coup de vieux aux autres magazines journalistiques », en ajoutant que « le travail réalisé par cette équipe de journalistes, autour d'Élise Lucet, est impressionnant »[27] ;
le magazine Challenges souligne que « la qualité journalistique des investigations, le ton malicieux du montage et du commentaire qui les accompagnent et la scénarisation des films n'y sont pas pour rien »[13].
Guidée par l'objectif supérieur d'« enrayer ce système de communication et découvrir la vérité qui se cache derrière le discours publicitaire » (des entreprises), l'émission a été accusée dans La Tribune de recherche de sensationnel et de « mise en scène de la recherche de la vérité »[28].
Pour le magazine Challenges, la proposition centrale de l'émission est que « l'entreprise trompe les gens », ce qui selon ce journal peut, parfois, revêtir un aspect caricatural et réducteur[29]. L'Express parle pour sa part de « la mise en scène de l'information »[30].
Quelques sujets d'enquêtes ont suscité des critiques ou des procédures judiciaires, perdues par les détracteurs de l'émission :
En juin 2012, le WWF (Fonds mondial pour la nature) a poursuivi France 2 en justice, afin d'interdire la diffusion d'une interview de la direction de l'ONG. La justice a tranché en la faveur de France 2[31].
Le , l'émission révèle que l'État français a sanctionné, en septembre 2012, le centre de formation de la société Jardiland à hauteur de 3,2 millions d'euros pour une manœuvre frauduleuse concernant des centaines de fausses formations entre 2007 et 2011, en vue de percevoir en toute illégalité des subventions des organismes collecteurs de la formation professionnelle[32],[27]. La société Jardiland a annoncé qu'elle allait porter plainte en diffamation contre France Télévisions[33], accusant publiquement l'enquête de Cash Investigation d'être « fantaisiste ». En avril 2015, plus d'un an après la diffusion, à la suite du dépôt de preuves des équipes de Cash Investigation en justice, Jardiland s'est désisté mettant fin aux poursuites[34].
En 2015, Rachida Dati critique l'émission à cause des questions posées sur un lien éventuel entre Rachida Dati et la société Engie (ex GDF-Suez)[35].
En septembre 2015, Élise Lucet fait le buzz en avançant de manière affirmative que les villes dotées de vidéosurveillance seraient moins sûres que celles qui en seraient dépourvues. Elle met ainsi en cause les conclusions d'un rapport et les déclarations d'un ministre. Libération met en évidence la sélection, par l'émission, de statistiques inexactes et, par voie de conséquence, l'exactitude de la déclaration du Ministre[38].
« Opposer des faits aux affirmations des politiques est assurément un des grands défis dans l'interview politique. À condition que les journalistes n'empruntent pas aux politiques leur rouerie et leur vilaine manie de piocher dans un rapport le seul chiffre qui les arrange. »
Après la diffusion le 2 février 2016 du numéro « Produits chimiques, nos enfants en danger », l'Association française pour l'information scientifique publie un communiqué dans lequel elle souligne que le documentaire induit en erreur le téléspectateur en proférant des contrevérités factuelles comme la transformation du titre de la synthèse de l'EFSA de « Plus de 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides dans les limites légales dont 54,6 % ne contiennent aucun résidu détectable », soit 3% dépassent les limites, en « Plus de 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides »[39]. Le 29 février 2016, Le Monde met en cause le rapport de l'EFSA en affirmant notamment que « la communication de l'EFSA relève donc au mieux de l'erreur, au pire de la supercherie. (...) L'EFSA précisait aussi que « 54,6 % des échantillons » ne contiennent « aucun résidu détectable ». Il faut le dire sans barguigner : cette affirmation de l'EFSA est fausse. Le terme qui aurait dû être utilisé est « quantifiable » et non « détectable »[40] car cela correspond à deux notions de chimie différentes. L'AFIS revient quelques semaines plus tard sur le sujet en publiant un article plus détaillé intitulé « Comment les téléspectateurs ont été abusés par Cash Investigation »[41]. Le reportage fait pourtant référence[42] à une page de l'EFSA indiquant comme titre « Plus de 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides dans les limites légales », mais les journalistes n'ont pas tenu compte du résumé précisant « dont presque 55 % sans aucune trace détectable de ces produits chimiques »[43], cette partie étant d'ailleurs masquée dans le reportage[42].
Le 29 juillet 2016, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), saisi par des parlementaires, a publié une décision relative au dossier de Cash Investigation sur les pesticides. Le conseil « a regretté que les journalistes aient indiqué de manière erronée qu'une étude de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire avait révélé que 97 % des denrées alimentaires contenaient des résidus de pesticides » et a demandé à France Télévisions de « respecter, à l'avenir, leurs obligations en matière de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information[44]. »
Le 26 octobre 2016, l'EFSA publie son nouveau rapport annuel sur les résidus de pesticides dans les aliments[45]. À la suite de la polémique, l'EFSA a changé les termes techniques de son rapport : il n'est cette fois plus question de limite de détection (LOD) dans les résidus de pesticides mais bien de limite de quantification des résidus de pesticides (LOQ)[46].
En octobre 2016, le premier adjoint de la ville de Nice apporte, en direct, des éléments contradictoires aux affirmations de l'émission, relatives au coût et à l'utilisation d'un stade de la ville[47]. L'élu apporte des informations en sens contraire, diffusées publiquement via un site internet dédié[48], auxquelles les responsables de l'émission de France 2 apportent quelques précisions[49].
À l'occasion de la diffusion de l'émission du 21 mars 2017 sur les actes de pédophilie dans l'Église catholique, la Conférence des évêques de France souligne et dénonce les méthodes qu'elle juge accusatoires pratiquées par les journalistes de l'émission[50].
Le 2 février 2021, certains des salariés de Hoist Finance avaient lancé une procédure d'urgence en référé pour empêcher la diffusion de l'émission du 4 février 2021, le tribunal de grande instance de Paris donnera raison aux journalistes le matin du 4 février 2021 juste avant la diffusion de l'émission[51].
Cette saison voit l'arrivée de Cash Impact, qui vise à prendre le relais des enquêtes de Cash Investigation, et analyser les conséquences de l'enquête en France et dans le monde[91].
Les Infiltrés : émission diffusée sur France 2 aussi, durant la même période, abordant des sujets sensibles aussi, et réalisée en faisant usage de caméra cachée.
↑ a et bJérôme Lefilliâtre, « Qui se cache derrière le succès de "Cash Investigation" ? », Challenges, (lire en ligne).
↑« "Cash Investigation", "Envoyé Spécial" : Elise Lucet fait sa rentrée les 11 et 13 septembre sur France 2 », ozap.com, (lire en ligne, consulté le ).
↑Kévin Boucher, « Audiences : Record historique pour "Cash Investigation" devant "Plus belle la vie", "Quadras" en très forte baisse », ozap.com, (lire en ligne, consulté le ).
↑Morgan Leclerc, « Mis en cause par France 2, Jardiland conteste "une enquête fantaisiste" sur les dérives de la formation », LSA Conso, (lire en ligne).
↑(en) European Food Safety Authority, « The 2014 European Union Report on Pesticide Residues in Food », EFSA Journal, vol. 14, no 10, , n/a–n/a (ISSN1831-4732, DOI10.2903/j.efsa.2016.4611, lire en ligne, consulté le ).
↑Kevin Boucher, « Audiences : "Blindspot" démarre bien, record pour "Capitaine Marleau", "Crossing Lines" en baisse », PureMédias, (lire en ligne, consulté le ).
↑Kevin Boucher, « Audiences : "Blindspot" faible leader devant "Cash Investigation", Arte et TMC au-dessus du million », PureMédias, (lire en ligne, consulté le ).
↑Kevin Boucher, « Audiences : France 3 leader devant "Cash Investigation", "Chicago Med" passe sous les 3 millions », PureMédias, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Audiences 2e PS: Le film "The Green Hornet" attire 796.000 téléspectateurs à 23h30 sur TF1 », Le Blog de Jean-Marc Morandini, (lire en ligne, consulté le ).
↑Kevin Boucher, « Audiences : Enorme carton pour "Capitaine Marleau" sur France 3, TF1 faible avec "Colony" », PureMédias, (lire en ligne, consulté le ).
↑« DIRECT. "Travail, ton univers impitoyable" : regardez l'enquête de "Cash Investigation" sur France 2 », Franceinfo, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Audiences : "L'arme fatale" leader devant le bon retour de "Tandem", "The Island" et "Safe" en baisse », PureMédias, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Audiences : "Good Doctor" leader en hausse devant le final de "Noces Rouges" et "Cash Investigation", W9 en forme », ozap.com, (lire en ligne, consulté le )
↑« Audiences : "Good Doctor" leader en baisse, "Crimes parfaits" moins fort qu'en janvier devant "Cash Investigation" », ozap.com, (lire en ligne, consulté le )
↑Mohamed, « France 2 / «Cash Investigation» : le Prix Europa du meilleur Programme TV d'actualité et d'investigation décerné à l'enquête «Pédophilie dans l'Eglise : le poids du silence» », média+, (lire en ligne, consulté le ).