Le château de Montrottier[mɔ̃tʁɔtje] est une ancienne maison forte, du XIIIe siècle, remaniée plusieurs fois et restaurée au XIXe siècle, qui se dresse sur la commune de Lovagny dans le département de la Haute-Savoie en région Auvergne-Rhône-Alpes, à une douzaine de kilomètres à l'ouest d'Annecy, près des gorges du Fier.
Situation
Le château de Montrottier est situé dans le département français de la Haute-Savoie sur la commune de Lovagny, dans l'avant-pays savoyard. Il se dresse à 1 kilomètre au sud-est du bourg sur une colline de 445 mètres d'altitude qui domine toute la contrée. Du chemin de ronde, la vue embrasse la campagne vallonnée et s'étend au-delà des montagnes qui dominent le lac d'Annecy jusqu'au mont Blanc.
Élevé sur un piton rocheux, qu'encercle l'ancien lit du Fier ; « la Grande-Fosse », il surveillait le passage de la rivière Le Fier sur la route reliant Chambéry à Genève.
Histoire
Le site aurait été occupé probablement à l'époque romaine ou sarrasine avec un poste de défense.
Les bâtiments du château furent édifiés entre les XIIIe et XVe siècles, avec des ajouts aux XIXe et XXe siècles.
En 1263[3], la famille de Montrottier est citée dans un acte signé à Lovagny. Cette famille le tenait soit des mains des comtes de Genève ou des sires de Pontverre. En 1266[3], le château échoit à la famille de Grésy. Le dernier du nom le donne en 1425[4],[3] à Amédée VIII de Savoie, qui le vend deux ans plus tard, le 19 mars 1427, à Pierre de Menthon, Bailli du Genevois, conseiller et ambassadeur de Savoie à Paris en 1417, à Rome en 1432 et à Gênes en 1441[3], du duc de Savoie Amédée VIII ; à l'origine de la branche des Menthon-Montrottier, contre une somme de 9 000 florins. Ce dernier va faire effectuer beaucoup de travaux de construction et de rénovation. C'est au château qu'il meurt, le 31 mars 1455[3], d'une blessure occasionnée à Chambéry à la suite d'un duel avec Jean de Compey.
La famille de Menthon-Montrottier conservera le château jusqu'à la Révolution et verra ses terres érigées en baronnie en 1596[3] et le 1er juin 1632[3] le duc Victor-Amédée, l'érige en comté.
En 1796[3], il sera vendu comme bien national à un consortium genevois puis à Bénédict Dufour, qui le laisse en héritage à son fils Guillaume-Henri Dufour. La famille Dufour le vend en 1839[4] au baron Jules de Rochette, dont l'épouse fera aussi d'importants travaux, en remaniant le « Logis des Comtes » et en remplaçant l'escalier du « Logis des Chevaliers » par un escalier d'honneur.
En 1906, par le décès de Marie-Louise Marès, veuve de Georges Frèrejean, le château devint la propriété de Léon Marès qui fut un grand collectionneur d'objets d'art. À sa mort, le 14 août 1916[3], il le lègue, avec ses collections, à l'Académie florimontane, fondée en 1606 par François de Sales et le juriste Antoine Favre. Celle-ci en est encore aujourd'hui propriétaire.
L'Académie florimontane soutient et publie, dès 1949, les recherches et travaux de Joseph Serand sur l'histoire du château et des propriétaires et, depuis 2007, celles de Julien Coppier, membre du comité chargé des collections entre 2012 et 2022, sur Léon Marès, les autres propriétaires et les collections[5]. Sous l'impulsion de J. Coppier, l'Académie renoue non seulement avec une politique de restauration d'oeuvres, notamment autour de la statuaire ancienne, mais aussi avec des prêts à d'autres institutions culturelles (Musées de l'Ain, Musées d'Annecy, Musée de Rumilly, Archives de la Haute-Savoie). J. Coppier anime aussi la recherche avec une série d'articles parus dans La Revue savoisienne, rédigés par des spécialistes qui étudient des parties de collections.
Description
Le château de Montrottier se présente sous la forme d'une enceinte pentagonale construite au XIIIe siècle, qui épouse la forme du terrain, protégée au nord par les gorges du Fier, autour d'un donjon cylindrique isolé dans une cour, d'une tour carrée, la « Tour des religieuses », des logis grands et petits ainsi qu'un bâtiment pour le corps des gardes. Cet ensemble constitue un bel exemple de l'architecture médiévale savoyarde ; les logis et la tour datant du XVe siècle[6] et réemploient des éléments des XIIIe et XIVe siècles[6].
C'est à Pierre de Menthon que l'on doit la construction du « Logis des chevaliers », du « Logis des Comtes », et du donjon cylindrique surmonté de mâchicoulis. Ce dernier est construit après 1425[6], en blocage de cailloux roulés, briques et gravier, et son appareil est constitué de moellons de tuf. Haut de 35,6 mètres, il a des murs épais de plus de 3 mètres à sa base qui est construite en gros appareil et talutée en forme de tronc de cône. Comptant cinq étages planchéiés, il est accessible par une passerelle de bois depuis le premier étage du « Logis des Comtes » située à 4 mètres du sol. Un escalier de 87 marches mène à son sommet, d’où l'on a une vue remarquable. Quant aux mâchicoulis, qui en compose le couronnement, ils reposent sur une rangée de corbeaux triples et dont les trois merlons qui dominent la route au sud-est sont percés de bouches à feu circulaires.
Pierre de Menthon fait aussi effectuer la réfection des courtines.
On accède à la cour du château par une porte de facture récente. À l'intérieur, outre le donjon, en face on voit le petit et grand logis. Ces deux bâtiments qu'éclairent des fenêtres à meneaux ont été restaurés en 1860 dans un style Renaissance. Une courtine les relies à la « Tour des Religieuses », qui est le bâtiment le plus ancien du château et dont le gros œuvre remonte au XIIIe ou XIVe siècle[6], dressé à l'angle sud-ouest. C'est un logis rectangulaire, dont l'un des angles est muni d'une échauguette, de 8,50 × 12,50 mètres de côté crénelée. Sa base percée d'archères a une épaisseur côté extérieur de 3 mètres et côté cour de 1 mètre. Ses poutres ne furent pas incrustées dans les murs mais seulement posées sur des corbeaux, afin d'évacuer l'humidité et permettre un changement plus facile. Il est à noter que les créneaux sont de dimensions inégales. Au XIVe siècle on a ajouté une tourelle d'angle à cette dernière ; elle abrite un escalier à limon suspendu. L’accès à la tour se fait par une porte ogivale et ouvre sur une pièce qui dut servir de corps de garde, et qui devait abriter des pièces d'artillerie, comme le laisse supposer les larges ouvertures dont est percée la muraille. Après avoir emprunté l'escalier on atteint une première salle dite « Salle des Armes » et au deuxième étage la salle dite « Salle Orientale ».
Bordant la cour au nord et à l'ouest, le « grand logis » est composé d'un corps de trois bâtiments. Le premier abrite la « Salle des Chevaliers » ; c'est l'ancienne salle de réception du château, bâti à la fin du XIVe siècle. Cette salle rectangulaire mesure 8,50 × 17,50 mètres et a des murs épais de 1,70 mètre. Elle s'éclaire par des fenêtres à croisillons Renaissance et voit sa porte d'accès surmontée des armoiries des Menthon-Montrottier. À l'intérieur on peut y voir un plafond boisé divisé en dix-huit caissons ; modèle en vogue aux XIVe et XVe siècles et que l'on retrouve au château de Chillon, ainsi qu'une cheminée placée en face de la porte. Au premier étage de cette salle le linteau de la porte portait autrefois la date de 1344[6]. Les autres bâtiments ont au XIXe siècle très restaurés. Le château bénéficia des innovations qui portèrent sur les enceintes et on dota la forteresse d'un mur-bouclier formant un angle de 140°[7].
Le château contient de vastes collections d'armes et d'armures, de faïences, porcelaines et verreries, de tapisseries (dont des tapisseries des Flandres), de meubles d'époque, de dentelles, ainsi qu'une collection d'objets rares d'Extrême-Orient et d'Afrique, réunis par Léon Marès, l'un des derniers grands collectionneurs de la fin du XIXe siècle.
Il comprend dans ses collections quatre bas-reliefs en bronze, datant de la Renaissance allemande, de Peter et Hans Vischer, célèbres fondeurs à Nuremberg, au XVIe siècle. Ils font l'objet d'un classement aux monuments historiques au titre d'objet depuis le 3 juin 1923[8].
Il semble que fassent également l'objet d'une protection les tableaux : place Notre-Dame d'Annecy[9], paysage avec paysans[10], ruines d'abbaye[11], Vénus Armant Enée[12], Vierge à l'Enfant[13], les statues de : saint Nicolas[14], saint Jean-Baptiste[15], Vierge à l'Enfant[16], Vierge de Pitié avec saint Jean et sainte Marie-Madeleine[17], Vierge de Pitié[18], une autre Vierge de Pitié[19], un ensemble de tapisseries (chasse au cerf, chasse au sanglier, chasse au lièvre, chasse au loup, chasse au renard)[20] et un coffre[21].
Quelques photos extérieures du Château de Montrottier
Vue du château depuis les collines.
La Tour du château.
Vue rapprochée du château.
Vue en contrebas du château.
Parc et jardins
Ils dateraient du XIVe siècle mais au XIXe siècle la baronne de Rochette les a fait reprendre par l'architecte Delimoges.
Le parc du château a fait l'objet d'un pré-inventaire au titre des monuments historiques le 5 janvier 1935[22].
Protection
Au titre des monuments historiques ; le donjon, le corps de logis des Chevaliers et la tour de la Religieuse font l’objet d’un classement par arrêté du ; les terrains entourant le château font l’objet d’un classement par arrêté du ; la ferme et les bâtiments composant le château à l’exception des parties classées font l’objet d’une inscription partielle par arrêté du [1].
Visite et animations
Le château se visite durant la période allant du mois d'avril à septembre. Le billet d’entrée comprend la visite libre du domaine et certaines salles du château. Des visites guidées, limitées à 30 personnes, sont également organisées, permettant de découvrir la salle des armes et la salle des collections orientales[23]. Celui-ci n'étant pas doté d'ascenseur, l'édifice n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite.
Le , une animation se présentant sous la forme d'un défilé de costumes médiévaux et une reconstitution de combats a été organisée par la troupe de spectacles d'armes des Lames du Dauphiné[24].
↑Matthieu de la Corbière (préf. Pierre Guichard), L'invention et la défense des frontières dans le diocèse de Genève : étude des principautés et de l'habitat fortifié, XIIe-XIVe siècle, Annecy, Académie salésienne, coll. « Mémoires et documents publiés par l'Académie salésienne » (no 107-108), , 646 p. (ISBN978-2-901-10218-2), p. 297.
Georges Chapier, Châteaux Savoyards : Faucigny, Chablais, Tarentaise, Maurienne, Savoie propre, Genevois, Éditions La Découvrance, coll. « L'amateur Averti », , 410 p. (ISBN978-2-8426-5326-2), p. 322-328.
Julien Coppier, attaché de conservation du patrimoine, chargé des collections du Domaine de Montrottier :
"Le domaine de Montrottier au temps de la famille Frèrejean (1876-1906), Revue savoisienne, 2013, p. 95-125.
Archives départementales de la Haute-Savoie. Coppier (Julien), Généreuse Haute-Savoie, histoire des dons et legs 1860-1940 : Léon Marès et son legs du château de Montrottier à l'Académie florimontane, in "des Philanthropes œuvrant pour les Beaux-arts et loisirs", Annecy, 2012, p. 58-61.
Julien Coppier, « Léon Marès (1854-1916) : éclairages sur un collectionneur à partir de documents inédits », Revue savoisienne, , p. 331-360.
Julien Coppier, « Léon Marès (1854-1916) : éclairages sur une personnalité à partir de documents inédits », Revue savoisienne, , p. 181-215.
Julien Coppier, « Le domaine de Montrottier (Lovagny–Haute-Savoie), de la demeure du collectionneur Léon Marès à la propriété de l’Académie florimontane (1916-1919) », Revue savoisienne, , p. 97-130.
Julien Coppier, Le château de Montrottier : la demeure d’un collectionneur (Lovagny–Haute-Savoie), Saint-Amand-Montrond, Édition Gaud, , 36 p..
Clément Gardet, « Le château de Montrottier », dans Congrès archéologique de France. 123e session. Savoie. 1965, Paris, Société française d'archéologie, (lire en ligne), p. 175-182
Christian Regat et François Aubert, Châteaux de Haute-Savoie : Chablais, Faucigny, Genevois, Éditions Cabédita, , 193 p. (ISBN978-2-8829-5117-5), p. 99-101.
J. Serand, Le château de Montrottier, étude historique et archéologique, Annecy, 1949, 159 pages (Réédition en ligne).