En 1990, ERE Informatique et son label Exxos deviennent Cryo Interactive. Le premier personnel de Cryo Interactive est en partie le même que celui d'ERE Informatique, avec des créateurs comme Philippe Ulrich, Rémi Herbulot, Patrick Dublanchet et Michel Rho[3]. La divinité guerrière que représentait Exxos laisse place à une entité apaisante, symbole pour la jeune société de son entrée dans une nouvelle ère.
Cryo est à cette époque symbolisée jusque dans les premiers logos de la société par l'image d'un visage de jeune femme endormie dans un container de cryogénisation. On découvre cette personnification dans leur premier jeu, Extase, sorti en 1990, dans lequel le joueur doit donner vie à un androïde dont les traits sont justement ceux de la mystérieuse entité endormie. Le jeu mélange action et réflexion, innove par son gameplay et par la musique composée par Stéphane Picq. Cependant, par la suite, l'entreprise se spécialise plutôt dans le jeu d'aventure[3].
Cryo conçoit pour Virgin Interactive le tout premier jeu vidéo adapté du roman Dune de Frank Herbert et en partie inspiré par la première adaptation de ce roman au cinéma par David Lynch en 1984. Le jeu, commandé avant la vente d'ERE Informatique à Sega et le départ de Philippe Ulrich pour fonder Cryo, connaît un développement mouvementé et migre vers un nouveau support : le CD-Rom, à la mémoire mille fois plus spacieuse que celle des disquettes utilisées jusqu'à lors, ce qui permet de stocker bien plus d'images, d'animations et de sons[4]. Ce jeu, Dune, combine aventure, gestion et stratégie ; il sort en 1992 et connaît le succès, en partie grâce à sa bande son composée par Stéphane Picq[3]. La même année, Cryo sort son premier pur jeu d'aventure en pointer et cliquer, KGB ; suit en 1993 un jeu de courses dans un univers de science-fiction, Megarace, qui reçoit un moins bon accueil[3].
En 1997, la société lance une filiale, Cryo Networks, destinée à travailler sur le multijoueur et sur le SCOL (langage de développement de sites internet)[6]. En 1999, Cryo entre en bourse avec succès en étant cotée sur le nouveau marché dédié aux PME française : le cours de ses actions est multiplié par vingt en quelques mois[7]. Fort de ce succès, la société introduit également en sa filiale Cryo Networks sur le nouveau marché : l'opération permet à l'entreprise de lever plus de 30 millions d'euros[6]. Toujours en 2000, Cryo devient actionnaire majoritaire de Dreamcatcher Games et publie un bénéfice net annuel de 10,6 millions d'euros[8].
Difficultés et disparition
À partir de l'année 2000, la bulle Internet éclate et le cours de bourse de Cryo s'effondre brutalement, passant de 60 à 4 euros en l'espace de deux ans[7],[8]. En , Cryo Interactive publie ses résultats 2001, faisant état d'une perte nette annuelle de 16,5 millions d'euros[8]. La société n'est plus en mesure de supporter ses 40 millions d'euros de dettes[7] et se déclare en cessation de paiement en juillet 2002[8]. Elle manque d'être liquidée mais est rachetée de justesse par Dreamcatcher Games, sa filiale nord-américaine. L'entreprise est contrainte de se séparer de la majorité de son personnel[3]. À la suite du licenciement de plus de 80 % des effectifs (la société comptait près de 230 salariés en 2002[8]), la société ne compte plus qu'une douzaine de personnes[réf. nécessaire]. La branche Cryo Networks est fermée, ses 87 salariés sont licenciés et les actions « Cryo Networks » sont radiées du nouveau marché d'Euronext[9].
Après ces plans de licenciements successifs, privant l'ancienne structure de Cryo de toute sa substance, Cryo dépose le bilan en octobre 2002[2] après l'échec d'un ultime jeu, Frank Herbert's Dune[3]. DreamCatcher Europe continue de commercialiser certaines franchises de feu Cryo. Début 2007, avec le rachat de DreamCatcher par Jowood, les derniers salariés de DreamCatcher Europe, anciennement Cryo, sont licenciés, mettant définitivement fin à ce qui restait de l'aventure.
Postérité
Jean-Martial Lefranc est depuis la fin de Cryo devenu réalisateur de films et propriétaire des éditions Fleurus presse ; il dirige également la revue L'Écran fantastique, tandis que Philippe Ulrich continue d'explorer de nombreux univers créatifs, avec notamment la sortie d'un livre en : Un Délicieux Carnage racontant les aventures d'Albert le Dingue. Philippe Ulrich lance plus tard un nouveau format de musique interactive, le MXP4, qu'il crée avec Sylvain Huet et Gilles Babinet. La société Mxp4 Interactive Music, créée en 2006, lève 6,5 millions de dollars en 2007 et embauche en 2008 une vingtaine de personnes[10],[11].
Le , Microïds annonce l'acquisition des droits de propriété intellectuelle du catalogue de Cryo ainsi que toutes les marques Cryo[12].
Moteurs de jeu
Omni3D est un moteur de jeu créé par Cryo, utilisé principalement pour des jeux d'aventures, similaire au QuickTime VR d'Apple. Il est complété par OmniSync, qui permet de simuler le mouvement des lèvres.
Ce moteur permet de simuler une vue panoramique à 360 degrés en vue interne, en utilisant six images placées en forme de cube autour du joueur et modifiées par un algorithme pour paraître courbes. Il a été créé pour Atlantis : Secrets d'un monde oublié, mais c'est finalement Versailles qui l'utilisera le premier, en 1997.
Le moteur Cryogen a ensuite été créé pour remplacer l'Omni3D, avant d'être lui-même remplacé par le Cryogen 2.
Chasse au trésor 2001 (jeu en ligne compétitif dans lequel le premier joueur à résoudre toutes les énigmes remportaient un masque égyptien et un diamant d'une valeur annoncée d'1 million de dollars)[14]
↑Ce logo est utilisé pour Atlantis : Secrets d'un monde oublié, mais au moment où sort Atlantis II en 1999 le logo est déjà différent (représentant le nom Cryo entouré de bandeaux bleu et jaune). Le changement de logo a donc lieu avant 1999.
« Interview d'Angel, designer de Cryo Interactive » (p81-85), Ekllipse, SEMIC, no 1, , p. 99.
Serge Dupuy-Fromy, Les jeux vidéo dans la société française : des années 1970 au début des années 2000, thèse de doctorat à l'université Paris Est Créteil sous la direction d'André Encrevé, soutenue le 17 décembre 2012.
Daniel Ichbiah, La Saga des jeux vidéo, Pix'n Love, 2010.
François Rouet, "La création dans l’industrie du jeu vidéo", dans La création dans l’industrie du jeu vidéo, Paris, Département des études, de la prospective et des statistiques, 2009. [lire en ligne] (ISBN9782111398887)
Retrogaming. Made in France, série de documentaires, Arte (en ligne), 28 octobre 2019.