Francine SaillantFrancine Saillant
Francine Saillant est une anthropologue et artiste québécoise. FormationFrancine Saillant obtient un diplôme d’études collégiales en Techniques infirmières en 1973. Elle amorce en 1975 un baccalauréat en anthropologie sociale à l’Université Laval où elle enchaîne en 1978 avec une maîtrise dans la même discipline portant sur l’étude des facteurs socioculturels dans l'épidémiologie des désordres psychiatriques chez les femmes de la région de Québec. Elle conclut en 1986 sa thèse doctorale en anthropologie à l’Université McGill portant sur les aspects culturels de l'expérience du cancer en contexte clinique moderne. Parcours professionnelProfesseure à l'Université Laval depuis 1982 à l'École des sciences infirmières et au département d'anthropologie de 1996 à 2015, elle est aujourd'hui professeure émérite. Elle est directrice de la revue Anthropologie et sociétés[1] de 1999 à 2008 et du Centre de recherche Cultures – Arts – Sociétés (CÉLAT) de 2009 à 2015. Elle est nommée en 2008 membre de la Société royale du Canada[2]. En 2013, elle est coprésidente du 81e congrès de l'ACFAS[3], tenu du 6 au 10 mai à l'Université Laval à Québec sur le thème "Savoirs sans frontières" réunissant plus de 6000 conférenciers et conférencières. En 2016, elle est nommée Membre du comité international de l’UNESCO[4] sur le rapprochement des cultures et membre émérite[5] de la Société canadienne d'anthropologie (CASCA). Elle reçoit en 2020[6] la Médaille d’or des prix Impacts du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et en 2021, le prix Weaver-Tremblay[7] décerné par la Société canadienne d'anthropologie. Durant toute sa carrière, Francine Saillant est ‘professeure invitée’ dans plusieurs universités, notamment au Centre de recherche du Museu Paraense Emilio Geoldi de l’Université fédérale du Para (Brésil 1999), à l’Université d’Aix Marseille (France 2000), à l’École doctorale d’Europe centrale à Bucarest (Roumanie 2001, 2004, 2005), à l’Université Paris-Nanterre (France 2003, 2006), à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris France 2005), à l’Université Lumières Lyon II (2008), à l’Université St-Louis du Sénégal (Sénégal 2008), à l’Université Toulouse le Mirail (France 2010), à l’Université de Fribourg (Suisse 2012), à l’Université de Victoria (Canada 2014), à la Maison des Sciences de l’Homme (France 2015), au Centre for International Research in Humanities and Social Sciences de la New York University (États-Unis 2016), à la Faculté d’ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (2016) et au Max Planck Institute (Allemagne 2019). Dès le début de sa carrière universitaire, Francine Saillant occupe des postes en enseignement, notamment de l’anthropologie médicale et de la méthodologie de la recherche à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval de 1982 à 1996. Son parcours de recherche la mène, au département d’anthropologie de l’Université Laval, de 1996 à 2015, à l’enseignement des théories contemporaines en anthropologie (1er cycle), des méthodologies de la recherche (2e, 3e cycles), des méthodes qualitatives (2e, 3e cycles), de l’anthropologie du corps et des droits humains (3e cycle), ainsi que du cours hybride Droits et cultures en mouvement (2e, 3e cycles). Champs de rechercheÀ travers sa carrière, Francine Saillant touche à de nombreux champs de recherche, soit l’anthropologie médicale et du care, les questions touchant le handicap, les droits de la personne, la pluralité, la justice sociale et la reconnaissance, tout en développant une réflexion et une pratique méthodologique ancrée dans la recherche-création par le biais de la vidéo, des arts visuels et de l’écriture. Anthropologie médicale et soins de santéDans le milieu des années 1980, les travaux de Francine Saillant sont consacrés à l’anthropologie médicale et à la recherche sur les soins entendus comme préoccupation pour l’autre. Elle développe alors des travaux sur l’ethno-histoire des soins, sur l’approche anthropologique du cancer (Cancer et culture[8]), de la grossesse (Qui consulte les sages-femmes au Québec ?[9]; Accoucher autrement[10]), des médecines douces (Les thérapies douces au Québec[11]). Cancer et culture. Produire le sens de la maladie (1988) est la première étude d’anthropologie clinique à être faite au Québec. Dans les années 1990 elle réalise un ensemble de recherches sur les pratiques soignantes, conçues comme formes d’entretien de la vie. Elle se penche d’abord sur les soins domestiques, sur les soins profanes et aussi les soins infirmiers, dont elle cherche à comprendre la valeur et l’importance, malgré leur invisibilité et leur faible reconnaissance[12]. Elle entreprend une vaste recherche d’ethnohistoire sur les pratiques domestiques de soins au Québec et en France, notamment les recettes de médecine populaire, en mettant en évidence les savoirs et les symboles derrière les pratiques et les rituels[13]. Elle s’intéresse également aux soins à domicile, au travail des proches aidant.es et des soignant.es professionnel.les, en prêtant attention aux conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles s’inscrivent les relations de soin[14]. Dans tous ces travaux, une attention particulière est accordée aux pratiques soignantes négligées ou ignorées, à l’expérience morale de la vulnérabilité et de la responsabilité, ainsi qu’à la manière dont le lien se fabrique à travers le soin. Comme dans les théories éthiques du care, les individus sont conçus d’abord depuis la réalité de leur fragilité et de leur interdépendance[15]. HandicapÀ partir des années 2000, elle développe une série de travaux sur la question de l’humanitaire et du handicap (Identités et handicaps). À travers l’ouvrage Identités et handicaps. Circuits humanitaires et posthumanitaires[16], Francine Saillant propose une lecture neuve, mais surtout dynamique et plurielle de la notion de l’humanitaire. Elle délaisse les approches homogènes et uniformisantes mobilisées pour traiter d’un objet perçu principalement à travers les enjeux politiques, économiques, juridiques pour mettre de l’avant la pluralité et la diversité de ses formes et de ses pratiques. À travers une étude couvrant deux ans de recherche entre la France et le Brésil par l’entremise du travail de collaboration avec l’ONG sans-frontière et transnationale ‘Handicap International’ ainsi que l’ONG brésilienne Vida Brasil, elle soulève les représentations locales que revendiquent les acteurs pour lesquels l’humanitaire n’est plus centré sur l’assistantialisme. Saillant fait ressortir du vécu des acteurs rencontrés la question de la dignité qui ne peut faire objet de don sans être discréditée par la même occasion. Les recherches de Francine Saillant transitent donc par le posthumanitaire afin de rendre compte des conditions essentielles de reconnaissance des « humanités » dans toute leur complexité et diversité. Droits de la personne, justice sociale et reconnaissanceDans la même décennie, Francine Saillant travaillera également sur les droits de la personne et la justice sociale. Elle mène d’abord plusieurs projets de recherche internationaux autour des questions afro-descendantes au Brésil qui résulteront dans la publication de plusieurs ouvrages (Images, sons et récits des Afro-Amériques; Réparations, droits et citoyenneté: Le mouvement noir au Brésil (2000-2010)[17]; Afrodescendances, cultures et citoyenneté[18]), articles ainsi que dans la réalisation de quatre films (Resistência. Quatre films sur le mouvement noir brésilien) largement diffusés au sein de festivals en France, au Brésil et au Canada, entre autres. À travers ces travaux, Francine Saillant fait émerger et rend visible le mouvement noir au sein de l’anthropologie francophone en le donnant à voir dans les différentes institutions et dimensions de la vie sociale brésilienne: religion, arts et culture populaire (cultura popular), patrimoine, politique…alors que le phénomène était jusqu’alors principalement assimilé aux dimensions les plus apparentes de l’affirmation afro-descendante au Brésil (candomblé, quilombos, blocs de carnaval). L’ouvrage Réparations, droits et citoyennetés et les films ethnographiques réalisés depuis cette même recherche sont illustratifs de la contribution de Francine Saillant à la visibilisation du mouvement noir brésilien. L’anthropologue cherche aussi à resituer la question afro-descendante et le mouvement noir au Brésil à une échelle plus globale. Elle montre comment la participation du mouvement noir à des évènements globaux et transnationaux sur la question afro-descendante (telle la conférence de l’ONU à Durban en 2001) a permis de donner plus de poids aux revendications de réparation et l’accès à une pleine citoyenneté pour les afro-descendants brésiliens. L’impact des travaux de Francine Saillant sur les droits, la justice sociale et la reconnaissance, peut se mesurer à différents niveaux. Premièrement, elle contribue à renouveler l’anthropologie des droits, notamment à partir de l’introduction au sein de l’anthropologie francophone du concept de vie sociale des droits développé au sein de l’anthropologie américaine (voir entre autres Wilson 2006[19]). Décrite dès l’ouvrage Droits et cultures en mouvements (2012), cette approche de la vie sociale des droits vise à « aborder les droits humains au-delà de leurs aspects textuels et normatifs… » pour les considérer comme « un espace de pratiques et de discours »[20]. Cette approche va être progressivement développée, affinée et enrichie par l’auteure dans tous ses travaux consécutifs sur les enjeux de droits, de justice sociale et de reconnaissance. Deuxièmement, l’apport de Francine Saillant à l’anthropologie des droits ne peut bien se comprendre qu’au regard de l’innovation de son analyse des droits, notamment autour de la question de la « performativité des droits ». S’intéressant ainsi aux mises en scène les plus variées des droits et de la justice (espaces diversifiés, formels et institutionnalisés ou lieux publics telles les places, les parcs ou tout simplement la rue, ou encore sur l’internet et à travers d’autres formes d’exposition et de diffusion de l’écrit et de l’image, etc.), l’anthropologue interroge les apports du concept de performativité à l’anthropologie (des droits) et à la pratique ethnographique[21]. Enfin, le dernier point important à retenir est ce que ceux-ci représentent au sein des réflexions sur la question de la réparation en contexte post-esclavagiste, à partir du Brésil. Cette notion précédemment associée aux populations juives apparaît au Brésil comme une notion émique « reparação » mobilisée par le mouvement noir brésilien (comme la notion de réconciliation apparaît au Canada pour évoquer les torts du passé vis-à-vis des Premières Nations) pour dénoncer la situation des afro-descendants résultant des torts du passé. Au-delà du travail minutieux et extrêmement élaboré réalisé pour resituer la notion de réparation dans le discours du mouvement noir à travers son livre et ses films, Francine Saillant, interroge les liens conceptuels entre la question des réparations et le paradigme de la reconnaissance à travers plusieurs publications. Entre 2012 à 2018, Francine Saillant initie et pilote un vaste chantier de recherche scientifique au Québec intitulé InterReconnaissance. La mémoire des droits dans le mouvement communautaire au Québec. Le projet rend compte de la constitution des mouvements communautaires depuis les années 1960 au Québec, ainsi que des luttes et du développement des droits. Les mouvements des femmes, des personnes en situation de handicap, des personnes ayant des enjeux de santé mentale, des personnes immigrantes et réfugiées et des personnes LGBTQ+ sont au cœur de ce projet. Les actions artistiques contributoires sont aussi prises en compte. Une importante équipe participe à la recherche. Le projet se conclut en 2018 par la publication d’un ouvrage du même nom[22], ainsi que par de nombreuses communications[23]. Cette recherche permet notamment plus de 200 témoignages oraux et d’objets témoins formant les traces de ce qui peut être qualifié de patrimoine citoyen. L’exposition InterReconnaissance. Une mémoire citoyenne se raconte[24] réalisée en collaboration avec l’Écomusée du fier monde à Montréal est inaugurée en 2018 afin de mettre en valeur ces objets et témoignages. Elle est également présentée au Musée du Bas-Saint-Laurent, au Musée québécois de culture populaire de Trois-Rivières et au Musée de la mémoire vivante à Saint-Jean-Port-Joli[25] entre 2018 et 2020. À la suite d'une recherche-action de deux années menée avec l’Écomusée du fier monde, l’exposition InterReconnaissance est également adaptée afin que ses contenus soient accessibles au plus grand nombre, et en premier lieu aux groupes représentés dans l’exposition. La recherche aboutit en 2021 à la publication d’un guide à usage professionnel, Médiation culturelle, musée, publics diversifiés. Guide pour une expérience inclusive[26], lequel s’appuie sur la recherche participative, collaborative et artistique. Pluralité et vivre ensembleÀ partir des années 2000, Francine Saillant poursuit ses travaux en incluant les préoccupations de l’épistémologie en anthropologie qui la mènent à co-écrire avec Mondher Kilani et Florence Graezer-Bideau, le Manifeste de Lausanne. Pour une anthropologie non hégémonique[27]. De ce manifeste s’amorce une concertation internationale qui est à la base de l’initiative du dictionnaire francophone en anthropologie, Anthropen. Au cours de la décennie 2010, apparaît la question de la pluralité et des modes de cohabitation entre communautés et groupes sociaux. Elle développe dès 2011 toute une réflexion collective et multidisciplinaire sur les modalités du vivre-ensemble à l’épreuve de la pluralisation croissante des sociétés contemporaines, à titre de directrice du Centre de recherche Cultures-Arts-Sociétés (CELAT). Par vivre-ensemble, elle entend les formes et enjeux de la vie collective découlant de la diversité et du pluralisme, formes marquant les relations entre les groupes majoritaires et minoritaires ou minorisés et les individus qui les composent, leurs interactions et formes de vie et d’expression, leurs appartenances à des territoires, leurs langages, leurs mémoires, et leurs expérimentations. Ses réflexions et analyses, publiées dans Pluralité et vivre ensemble, la mènent à saisir la diversité depuis les expériences réelles que des gens en font, par le politique, par la langue, et au cœur des expériences et des interactions, évitant ainsi les représentations réductionnistes de celle-ci[28]. Elle propose dès lors de parler plutôt de pluralité, pluralité de la vie sociale et de la vie en soi, qui s’exprime dans la culture, dans les formes du lien social, dans les formes de vie et dans les formes de pensée. L’UNESCO l’invite à titre d’experte consultante dès 2016 à intégrer le comité international qui travaille au rapprochement des cultures et publie en 2017 Diversity, Dialog and Sharing (UNESCO, Paris) qui présente une réflexion sur le dialogue interculturel et les ressources partagées par les organisations œuvrant à celui-ci[29]. Arts et recherche-créationDepuis les années 2000, Francine Saillant amorce un tournant vers l’usage de la vidéo dans le contexte de son travail ethnographique. Une première vidéo, Buscapé, Un espace pour tous[30], vient accompagner le livre Identités et handicaps. Cette vidéo fut une première exploration suivie de nombreuses autres sur le thème du mouvement noir brésilien. De manière participative elle réalise plusieurs vidéos dont Le navire négrier[31], traduit en quatre langues. La vidéo présente une pièce de théâtre élaborée dans un terreiro brésilien et qui propose un narratif de l’esclavage et de la liberté du point de vue du candomblé brésilien. D’autres vidéos font aussi partie du coffret Résistência (2014)[32] et favorisent le partage de nombreuses images du mouvement dans ses dimensions culturelles, religieuses, politiques et sociales. Plus récemment, elle amorce, aussi en collaboration, la réalisation de vidéos à caractère socio-artistique, et présente notamment l’expérience d’artistes migrants de la ville de Québec avec des groupes marginalisés à travers la série Créateurs de liens (2019)[33]. Aussi elle co-réalise le film Apparaître (2021)[34],[35] sur l'expérience de l'art chez des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. L’exploration artistique de Francine Saillant ne s’arrête pas à la vidéo mais rejoint aussi le domaine littéraire. Elle publie en 2018 le livre Oubliés, une collection de textes et de dessins autour du thème de la marginalité sociale. Elle publie en 2023 Petite, un récit poétique sur une enfant exploratrice des mondes[36]. Prix et honneurs
Publications académiques
Publications littéraires
Filmographie
Expositions à caractère social
Expositions à caractère artistique
Installations artistiques, performances poétiques, médiation culturelle
Notes et références
Liens externes
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