Germain Nouveau est l'aîné des quatre enfants[2] de Félicien Nouveau (1826-1864) et de Marie Augustine Silvy (1832-1858). Il perd sa mère alors qu'il n'a que sept ans et est élevé par son grand-père.
Après une enfance passée à Aix-en-Provence et des études qu'il effectue au petit séminaire, pensant même à embrasser la prêtrise, et après une année d'enseignement au lycée Thiers de Marseille en 1871-1872, Nouveau s'installe à Paris à l'automne 1872. Il publie son premier poème, Sonnet d'été, dans La Renaissance littéraire et artistique, revue d'Émile Blémont et fait connaissance de Mallarmé, de Jean Richepin et les « Vivants » (Ponchon…) qui se réunissent au café Tabourey.
Fin 1873, il rencontre Arthur Rimbaud au café Tabourey et, en , tous deux partent ensemble en Angleterre pour s'installer à Londres, au 178 Stamford Street. Germain Nouveau aide Rimbaud à la copie des Illuminations (et peut-être davantage) mais revient seul à Paris en juin de la même année. La relation entre Rimbaud et Germain Nouveau a pu être de nature homosexuelle, comme le suggèrent plusieurs biographes[3],[4],[5]. Il ne fait pas de doute en effet que Germain Nouveau était homosexuel.
Nouveau voyage également en Belgique : en 1875, à Bruxelles, il reçoit de Verlaine le manuscrit des Illuminations que Rimbaud, croisé à Stuttgart, a adressé à Nouveau afin de le faire publier. Nouveau retourne à Londres où il fait la connaissance de Paul Verlaine avec lequel il restera longtemps ami.
Enseignement et dégradation de son état mental
En 1878, il entre au ministère de l'Instruction publique, collabore au Gaulois, où il se lie d'amitié avec Camille de Sainte-Croix, et au Figaro, sous le pseudonyme de Jean de Noves, avant de reprendre en 1883 des voyages qui le mèneront notamment à Beyrouth. Entre 1883 et 1884, il enseigne le français et le dessin au collège de la Charité fraternelle à Aramoun (dans la montagne libanaise), fondé par le père Chbat ; ayant séduit la mère d'un collégien, il est renvoyé par la direction ; il rentre alors au pays, rapatrié à sa demande par le consulat de France, et publie ses Sonnets du Liban dans le Chat noir et le Monde moderne[7].
Qui est mort dans la misère Lui, de la pléiade des rois Le plus grand poète varois Germain Nouveau de Pourrières
Postérité
Ses poésies seront essentiellement publiées après sa mort, Nouveau s'y étant opposé de son vivant, allant jusqu'à faire un procès lors de la publication de son recueil Savoir aimer, la première version de Doctrine de l'Amour.
Il eut une grande influence sur les surréalistes et Louis Aragon le considérait « non un poète mineur mais un grand poète. Non un épigone de Rimbaud : son égal[9]. »
Dans le roman de Léonce de Larmandie, Floréal[10] (1900), Germain Nouveau apparaît sous les traits d'un peintre-poète du nom de Jean Germain, répétiteur dans une famille de banquiers juifs fortunés de Paris, qui s'éprend d'un amour impossible pour Aimée de Chantenay. C'est ce même Léonce de Larmandie qui fera publier, contre la volonté de l'auteur, deux éditions de poèmes sous le pseudonyme d'Humilis : Savoir aimer en 1904 (sous les auspices de la Société des poètes français) et, en 1910[11], Les Poèmes d'Humilis (avec des reproductions de dessins d'Auguste Rodin[12]).
Question de la paternité partagée des Illuminations
Il a pu être avancé que Nouveau aurait contribué à certaines des Illuminations, ou que l'œuvre serait collective[14],[15], mais cette thèse a été contestée par la plupart des spécialistes de Rimbaud[16]. La découverte future de certains manuscrits aidera sans doute un jour à éclaircir la véritable contribution de Germain Nouveau aux Illuminations.
Cas du poème « Poison perdu »
En 1895, Léon Vanier publie les Poésies complètes d'Arthur Rimbaud[17] dans lesquelles il intègre le poème « Poison perdu », mais celui-ci est absent de l'édition du Mercure de France de 1898 car l'attribution à Rimbaud paraît douteuse à Armand Lods. S'il ne figure pas dans la Pléiade « Rimbaud », ni dans la plupart des éditions courantes[18] à la suite de polémiques engagée par André Breton dans les années 1920 et son attribution — entre autres — à Germain Nouveau, la critique du XXIe siècle penche désormais pour une paternité rimbaldienne, suivant notamment les témoignages d'Ernest Raynaud, Jean-Louis Forain ou encore Raoul Ponchon, ce dernier attribuant le poème — jugé médiocre — à Rimbaud et non à Germain Nouveau qu'il connaissait pourtant bien[19].
Œuvres
Œuvres poétiques
Sa production essentielle n'a été publiée qu'après sa mort. Les éditeurs la divisent en :
Premiers vers (1872-1878)
Dixains réalistes
Notes parisiennes
La Doctrine de l'amour
Sonnets du Liban
Valentines
Ave Maris Stella
Derniers vers (1885–1918)
Éditions
G.-N. Humilis, Savoir Aimer, publié par les amis de l'auteur, sous les auspices de la Société des poètes français, Paris, 1904
Les Poèmes d'Humilis, enrichis de quatre compositions inédites d'Auguste Rodin, coll. « La Poétique », Paris, 1910
Ave Maris Stella, Aix, Librairie des Quatre Dauphins, 1912
Valentines et autres vers, préface de Ernest Delahaye, Paris, Albert Messein, éditeur, 1922
Poésies d'Humilis et vers inédits, préface de Ernest Delahaye, Paris, Albert Messein, éditeur, 1924
Le Maron travesti ou la quatrième églogue de Virgile mise en vers burlesques par Monsieur La Guerrière, Paris, Messein, MCMIII (1935 ou 1936)
Le Calepin du mendiant précédé d'autres poèmes (vers inédits), introduction, biographie et notes par Jules Mouquet, beaux textes, textes rares, textes inédits, Genève, Pierre Cailler éditeur, 1949
Œuvres poétiques, édition de Jacques Brenner et Jules Mouquet, Gallimard, 2 vol., 1953-1955
Sonnets du Liban, Zurich, Handpresse am Predigerplatz, 1956
La Doctrine de l'amour, Paris, Les bibliophiles franco-suisses (pour la société Le Livre contemporain), 1966, eaux-fortes d'Henri Landier
G.-N. Humilis : utilisé par Larmandie pour la publication de Savoir aimer mais il n'est pas prouvé que Nouveau lui-même en ait fait usage.
Hommages
La commune de Pourrières lui rend hommage en baptisant une de ses rues « rue Germain-Nouveau » et une autre « rue Humilis » (angle de sa dernière demeure).
Angle de la maison de Germain Nouveau avec la rue Humilis (un de ses noms de plume).
Plaque commémorative.
5, rue Germain-Nouveau à Pourrières, maison que le poète habita pendant 9 ans et où il mourut en 1920.
↑Si Germain Nouveau a pu être « hétérosexuel », il a évoqué un hypothétique penchant pour les hommes dans un poème comme Le Refus. En outre, un rapport du colonel Godchot au procureur Coulon signale : « Nouveau, l'autre pédéraste ; quelle bande ! » (Jean-Jacques Lefrère, Arthur Rimbaud, op. cit., pp. 658-659). Ernest Delahaye, l'ami d'enfance de Rimbaud, laisse entendre également à une relation (voir Lefrère, op. cit, p. 658).
↑Le philosophe et historien de la littérature Hans Mayer insiste également sur la nature homosexuelle de la relation Rimbaud / Nouveau (Hans Mayer, Les Marginaux, Femmes, Juifs et homosexuels dans la littérature européenne, 1975, traduction chez Albin Michel, 1994, chapitre « Le scandale : Verlaine et Rimbaud en enfer », pp. 248-262).
↑Cyrille Lhermelier, « "Germain Nouveau à l'Ecole alsacienne ?" », Histoires littéraires, n°92, octobre-novembre-décembre 2022, p. 3-23
↑Eddie Breuil, Du Nouveau chez Rimbaud, Paris, Honoré Champion, , 196 p. (ISBN978-2-7453-2889-2)
↑Jacques Lovichi, Le cas Germain Nouveau, Marseille, Jean Charbonnier, , 292 p..
↑Aucun spécialiste de Rimbaud n'attribue aujourd'hui les textes des Illuminations à Germain Nouveau, même si celui-ci a pu les recopier ou les mettre au propre. André Guyaux, dans son édition des Œuvres complètes pour la Pléiade, est clair sur ce point (voir Pléiade, 2009, p. 939-943). Dans sa biographie de référence, Jean-Jacques Lefrère, va dans le même sens (Arthur Rimbaud, Fayard, 2001, pp. 655-679). Yves Bonnefoy dans son Rimbaud (Seuil, 1961, p. 144-148) attribue les Illuminations exclusivement à Rimbaud, même s'il confirme que Germain Nouveau les a recopiées, de même que, plus récemment, Pierre Brunel, dans son édition des Illuminations (Livre de poche, 1998, pp. 182-189). La thèse de Eddie Breuil dans ce sens en 2014 ne convainc guère davantage, voire est sévèrement critiqué ; cf. par exemple Cyrille Lhermelier et Yalla Seddiki, « Les Illuminations de Germain Nouveau : Retour sur une réattribution », Parade sauvage, no 33, , p. 151–192 (ISSN0764-471X, lire en ligne, consulté le )
↑En réalité le recueil est loin d'être complet, ne contenant que cinq poèmes de l'ensemble connu par la suite sous le nom de Derniers vers ou Vers nouveaux et chansons (d'autres ont pourtant déjà été publiés dans le volume Poésies publié en 1891 : « Âge d'or », « Éternité », « Michel et Christine »), et cinq poèmes en prose des Illuminations (alors qu'une grande partie, soit 35 des 42 textes, a été publiée en 1886). En outre, d'autres poèmes de 1870 / 1871 ont été retrouvés par la suite, comme « Les mains de Marie-Jeanne » ou « Les sœurs de charité ».
↑Poésies Gallimard ; Folio Gallimard ; Bouquins ; Livre de Poche ; GF Flammarion etc.
↑Pour une vue complète sur les attributions successives du sonnet et la polémique des années 1920, cf. Jacques Bienvenu, « Poison perdu », dans Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire Rimbaud, Groupe Robert Laffont, (ISBN9782221146620, lire en ligne)
↑En 2009, à l'occasion de la réédition du recueil consacré à Lautréamont, Germain Nouveau a été retiré de la Pléiade ; voir : « Peut-on critiquer la Pléiade ? »
↑Extrait de Lautréamont – Germain Nouveau (documents, p. 1039).
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Alexandre Amprimoz, La Poésie érotique de Germain Nouveau : une lecture des Valentines, Saratoga, California, Anma Libri, Stanford French and Italian Studies 28, 1983 (ISBN0-915838-09-5)
Alexandre Amprimoz, À l'ombre de Rimbaud : le Germain Nouveau d'avant La Doctrine de l'amour, Saratoga, California, Anma Libri, Stanford French and Italian studies 43, 1986 (ISBN0-915838-58-3)
Maïté Dabadie, L'Écharde dans la chair ou la vie du poète Germain Nouveau, Humilis, Marseille, P. Tacussel, 1986 (ISBN2-903-963-21-5)
Alexandre Amprimoz, L'Inspiration religieuse des Symbolistes : le cas de la Doctrine de l'amour de Germain Nouveau, Saratoga, California, Anma Libri, 1989 (ISBN0-915838-76-1)
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Cahiers Germain Nouveau no 1 (2008), no 2 (2009), no 3 (2011), no 4 (2018) et n° 5 (2020) (ISSN1964-9908)
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Catalogue de l'exposition Germain Nouveau, l'ami de Verlaine et de Rimbaud, Aix-en-Provence, 2 octobre-31 décembre 2021, Silvana Editoriale (2020)
Cyrille Lhermelier et Yalla Seddiki, "Les Illuminations de Germain Nouveau. Retour sur une réattribution", in Parade sauvage, n° 33, éditions Classiques Garnier, 2023, p. 151-191.