Dans les mathématiques et la physique, l'homogénéisation[1],[2] est un champ scientifique qui s'est développé à partir des années 1970 et qui a pour objet l'étude de systèmes multi-échelles. Plus précisément, l'homogénéisation s'attache à l'étude d'équations aux dérivées partielles dont un terme oscille fortement. Ces oscillations sont généralement liées à l'étude de milieux présentant des hétérogénéités à l'échelle microscopique (par exemple, des matériaux composites). L'objet de la théorie de l'homogénéisation est de proposer une équation « effective » (ou « homogénéisée ») généralement plus simple, qui décrive le comportement de la solution de l'équation considérée dans la limite où la petite échelle tend vers 0. Un des buts de cette théorie est de simplifier ainsi la simulation numérique de systèmes physiques complexes faisant intervenir plusieurs échelles.
Domaines d'applications
Initialement conceptualisée pour des équations elliptiques, la méthode d'homogénéisation par l'analyse asymptotique s'étend à divers types d'équations stationnaires ou non, à commencer par les équations de transport décrites par une équation de Boltzmann dont la diffusion constitue une approximation qui est retrouvée par cette approche. On trouve ainsi des exemples d'application dans des domaines aussi divers que la diffusion de masse ou de chaleur, la mécanique des fluides ou le transfert radiatif. Elle s'applique également à la mécanique des milieux continus[3],[4] ou l'électromagnétisme.
Exemple d'une équation elliptique
On traite ici de la méthode utilisant un développement asymptotique sur l'exemple d'une équation elliptique. L'utilisation de cette technique nécessite que le milieu considéré ait une structure spécifique: périodique (comme ci-dessous), presque-périodique, ou encore aléatoire avec des propriétés de stationnarité et d'ergodicité[5],[6].
On considère ici une équation elliptique pour la fonction inconnue u(x) dans le domaine
où est un terme source et est la donnée au bord imposée. On suppose que la matrice est définie positive (éventuellement symétrique).
Le problème est défini sur un milieu comportant une échelle de variation lente x et une échelle de variation rapide où ε mesure l'échelle microscopique
Lorsque ε tend vers 0, cette équation peut être efficacement approximée par une équation — dite équation homogénéisée — faisant intervenir une matrice qui s'écrit
dans le sens où
Dans le cas où est un coefficient périodique, la matrice homogénéisée est constante, d'où une simplification substantielle du problème.
Analyse asymptotique
Le milieu est supposé périodique de cellule . C'est-à-dire que, pour la base canonique de , on a
x et y sont considérées comme des variables indépendantes. On a donc
La solution est développée sous forme d'une série de Hilbert, où chaque terme est périodique par rapport à la seconde variable
On obtient ainsi
Le regroupement des termes du même ordre permet d'obtenir à l'ordre 0 l'équation homogénéisée
où est une matrice constante obtenu par la résolution d'un problème à l'échelle locale.
Démonstration
Ayant porté l'expression de la série ci-dessus dans l'équation satisfaite par on extrait les termes correspondant à chaque ordre du développement
à l'ordre ε−2
En testant l'équation contre et via une intégration par parties, on obtient
L'intégrande est non négatif par coercivité de . Cela implique que donc ne dépend que de .
à l'ordre ε−1 et en tenant compte de la relation précédente
Si la fonction , de moyenne nulle sur , est solution du problème local alors on peut écrire par linéarisation du problème
où est une fonction d'intégration arbitraire que l'on va choisir nulle.
à l'ordre ε0
En moyennant sur on en déduit
En reportant l'équation donnant u1 on obtient l'équation de diffusion homogénéisée
avec
Dans le cas monodimensionnel, on peut même obtenir une expression explicite de la matrice homogénéisée: il s'agit de la moyenne harmonique de la matrice :
Démonstration
En reprenant la démonstration ci-dessus, on observe que
où l'équation que satisfait le correcteur est
En intégrant cette équation différentielle ordinaire, on trouve naturellement que
où est une constante d'intégration. Pour que la fonction soit périodique, l'unique choix possible de est la moyenne harmonique
en injectant cette identité dans l'expression de , on trouve le résultat souhaité.