Né dans une famille d’artisans prospères, fils de Jean-Pierre Houel et de Marie-Louise Chefdeville, Jean-Pierre Houël (pour lequel Madeleine Pinault préfère la graphie Hoüel) fit connaître de bonne heure son goût pour l'art du dessin, dont il commença l’étude en 1751 à l’École des beaux-arts de Rouen sous la direction de Jean-Baptiste Descamps. Il y acquit une familiarité avec les œuvres des peintres néerlandais et flamands qui fut déterminante sur le choix qu’il fit de se spécialiser dans la peinture de paysages.
Placé ensuite chez un habile architecte, il y étudia la perspective ; puis, toujours poussé vers son art de prédilection, il alla à Paris, où il entra dans l’atelier de l'aquafortisteLe Bas. Devenu l’un des meilleurs élèves de ce maître, Houël, encouragé par un amateur, M. Dazincourt, reçut des leçons de Francesco Casanova et pratiqua la peinture parallèlement à la gravure. Puis mettant à exécution le projet qu’il avait formé depuis longtemps d’aller se perfectionner en Italie, il obtint une pension du roi et partit pour Rome.
Juste avant de partir, il peignit en 1769 des dessus-de-porte pour le duc de Choiseul dans son château de Chanteloup[1]. En compagnie du marquis d’Havrincourt, il se mit en route pour l’Italie et la visita entre 1769 et 1772, muni des meilleures recommandations.
Dès son arrivée en Italie, Houël s'enthousiasma à la vue des monuments de l’Antiquité et des sites de cette contrée qu’il peignit à la gouache avec une grande facilité et beaucoup de talent. Il poussa sa curiosité jusqu’à Malte en 1770.
Revenu en France en 1773 après quatre années d’études, Houël séjourna quelque temps à Aix-en-Provence et y fit apprécier favorablement sa manière de peindre, surtout pour les paysages et les animaux et travailla dans ce genre pour plusieurs cabinets d’amateurs de Rouen et de Paris. Il exécuta ainsi en 1774 une commande de six panneaux représentant des paysages italiens[2] pour le nouvel hôtel parisien du fermier général d’origine rouennaise Philippe Charles Legendre de Villemorien (1717-1789) au 20[3], rue du Faubourg-Saint-Honoré. Il reçut probablement cette commande par l’intermédiaire de l’architecte du financier Guillaume-Martin Couture, né à Rouen comme Houël et élève d’Antoine Matthieu Le Carpentier, autre architecte rouennais qui avait travaillé pour le beau-père de Villemorien, le fermier général Étienne-Michel Bouret.
Souhaitant visiter l’Italie une seconde fois, il partit de nouveau et parcourut le royaume de Naples, la Sicile, les îles de Malte et de Lipari en 1776. Ce fut dans ce voyage qu’il amassa les matériaux de son grand ouvrage pittoresque, ouvrage dont, à son retour en France, il grava, d’après ses propres dessins, 164 planches à l’aquatinte et rédigea le texte explicatif, qu’il publia de 1782 à 1787 (quatre volumes in-folio). Certaines de ses planches furent achetées par Catherine II de Russie et sont conservées à Saint-Pétersbourg au musée de l'Ermitage[4]. Pendant son voyage, il a visité les villages au cœur de la Sicile, tels que Centuripe, Troina, Sperlinga et Nicosia.
Un partisan de la Révolution
Pendant la Révolution, Pierre Houël vit rue du Coq Saint-Honoré à Paris. La correspondance qu'il entretient avec sa famille affiche son parti pris pour les évènements révolutionnaires ; celle-ci démontre également son engagement actif tout au long de cette période mais aussi un enthousiasme décroissant. En 1789, il présente au Salon de l'Académie royale de peinture et de sculpture deux tableaux de paysages, aujourd'hui non identifiés.
Dans toute cette correspondance, Houël relate les croquis qu'il dessine de la Fête de la Fédération auquel il a assisté, en vue d'une gravure ; ou encore le retour de Varennes qu'il expose à son frère dans une lettre datée du . Ses échanges écrits avec sa famille s'arrête le 6 germinal an II ()[5].
En l'an II sous la direction de Fourcroy, il est chargé par le comité provisoire de réorganiser le Lycée des arts, qui deviendra par la suite le Lycée républicain[6]. Il vote également lors du scrutin épuratoire évinçant Lavoisier[7]. Il participe la même année au concours d'architecture organisé par le Comité de Salut Public et la Convention nationale ou il y expose plusieurs projets : un temple dédié à l'Égalité, un arc de triomphe avec la devise « Le bonheur d'être utile », des bains publics.
Le 3 pluviôse an II (), il devient membre du Comité des Salpêtres de la Section des Gardes-Françaises puis par la suite capitaine salpêtrier, et enfin trésorier. Le 30 pluviôse, il présente à la Convention 30 vases pleins de salpêtres cristallisés. Il occupe des fonctions au sein du comité jusqu'au 9 frimairean III ()[8].
Jean-Pierre Houël était agrégé à l’Académie royale de peinture, membre correspondant de l’Académie de Rouen, de la Société d’émulation de la même ville à partir de 1796, de la loge maçonnique des Neuf Sœurs et de plusieurs sociétés savantes. Outre son Voyage Pittoresque des Isles de Sicile, de Malthe et de Lipari[9], son principal ouvrage, Houël a encore publié : Histoire des Éléphants de ta ménagerie nationale… (1798), Histoire naturelle des deux Éléphants mâle et femelle du Muséum de Paris… (1798), Explication du monument public la Colonne Trajane, Exposé du concours du .
Les tableaux de Houël, qui figuraient dans les premiers catalogues du musée des beaux-arts de Rouen, sont : Vue de la Côte de Sainte-Catherine, prise du Pré aux Loups ; Vue de l’entrée de l’intérieur d’une Cave taillée dans le roc, servant d’entrepôt de sels, à Dieppedalle, près de Rouen ; Vue d’un lieu connu près de Duclair, vulgairement appelé la Chaise de Gargantua ; Vue de la Porte Cauchoise, en dedans de la Ville, avant sa démolition.
[1782-1787] Voyage pittoresque des isles de Sicile, de Malte et de Lipari : où l'on traite des antiquités qui s'y trouvent encore, des principaux phénomènes que la nature y offre, du costume des habitants, & de quelques usages (4 tomes : 1 (1782, 138 p.) ; 2 (1784, 148 p.) ; 3 (1785, 126 p.) ; 4 (1787, 124 p.)), Paris, imprimerie de Monsieur, sur gallica.
Histoire naturelle des deux éléphans, mâle et femelle, du Muséum de Paris, venus de Hollande en France en l'an VI, Paris, impr.-libr. Pougens, an vii - 1803, 122 p., sur gallica (lire en ligne).
Trois dessus de porte ovales, huile sur toile, 77 × 60 cm : Paysage pastoral[10] ; Paysage avec une bergère assise près d'un ruisseau[11] ; Paysage avec une bergère près d'une ruine[12]
Vue de Paradis, près de Chanteloup, huile sur toile, 85 × 161 cm[13]
Vue de la Loire entre Amboise et Lussault, huile sur toile, 84 × 161 cm[14]
Vue des jardins de Chanteloup prise du salon, huile sur toile, 91 × 115 cm[15]
Vue du château de Chanteloup prise de la cascade, huile sur toile, 91 × 115 cm[16]
↑Deux toiles d’un format presque carré qui furent placées au fond de la pièce, face aux fenêtres, et quatre autres plus étroites en hauteur de part et d’autre des trumeaux de glace, envoyées au musée du Louvre lors de la démolition de l’hôtel en 1854 (inv. MI265 à MI270)
↑Cela ne veut pas dire qu'il cesse de correspondre mais un grand cas de lettres relatives à cette époque ont disparu comme nombre de documents concernant l'époque de la Terreur.
↑Georges Kersaint, Lavoisier, Fourcroy et le scrutin épuratoire du lycée de la rue de Valois [Texte imprimé], Paris, Elsevier Masson, , p.259-260.
↑Béatrice Didier et Jacques Neefs, Chantiers révolutionnaires : science, musique, architecture : études, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, , 230 p. (ISBN2-903981-80-9, OCLC31707735, lire en ligne).
↑Le titre complet est Voyage Pittoresque des Isles de Sicile, de Malthe et de Lipari, où l’on traite des Antiquités qui s’y trouvent encore ; des principaux Phénomènes que la nature y offre ; du Costume des habitants, & de quelques usages, Imprimerie de Monsieur à Paris, 1782-1787.
Alain Blondy, « Les Temples de Malte et l’émergence de la notion de Préhistoire en France 1770-1840 », « Malte du Néolithique à la conquête normande », Archéologie, no 267, .