Fille de notaire, orpheline de père à 16 ans, brillante élève, elle réussit deux baccalauréats — Lettres et Sciences — puis deux licences — droit et philosophie — et est reçue docteur en droit. Elle est la deuxième étudiante titulaire d'une licence de droit en 1890 et la première Française[a] à soutenir son doctorat en droit en 1892[5], qu'elle consacre à l’Étude historique des professions accessibles aux femmes[6] et où elle indique que, selon elle, c'est notamment sous l'influence de la Bible et du catholicisme qu'a été introduite et consolidée l'inégalité juridique entre les hommes et les femmes. Elle y revendique pour la femme l'égalité tant dans son éducation que dans l'accession à toutes les professions, aussi bien privées que publiques.
Mais ces idées ne font pas l'unanimité et sont même contestées : lorsqu'elle se présente devant le jury, des étudiants envahissent la salle, chantent La Marseillaise et déclenchent un vacarme tel qu'il faut ajourner la soutenance. Quelques jours plus tard, elle est reçue docteur en droit à l'unanimité des membres du jury.
Dès 1893, elle demande aux parlementaires d'accorder à la femme mariée le droit d'être témoin dans les actes publics ou privés ; d'admettre la capacité des femmes mariées à disposer des produits de leur travail ou de leur industrie personnels[8].
Le 24novembre 1897, pourvue de tous les diplômes requis — elle est titulaire d'un doctorat en droit et d'une licence ès lettres — elle se présente à la cour d'appel de Paris pour prêter le serment d'avocat. Elle essuie un refus qui lui est signifié le 30novembre 1897, au motif que la loi n'autorise pas les femmes à exercer la profession d'avocat, exercice viril par excellence[6].
Elle devra attendre trois ans pour que, à la suite de pressions féministes, les députés Raymond Poincaré et René Viviani fassent voter par la Chambre le 30 juin 1899 et par le Sénat le 13 novembre 1900 une loi, promulguée le 1erdécembre 1900 par Émile Loubet, président de la République, permettant enfin aux femmes d'accéder pleinement au barreau avec accès à la plaidoirie[9].
C'est ainsi qu'elle peut prêter serment comme avocate au barreau de Paris le 19décembre 1900, la deuxième après Olga Petit, qui a prêté serment le 5décembre 1900. Elle sera suivie de Marguerite Dilhan, qui prête serment au barreau de Toulouse le 13 juillet 1903. Jeanne Chauvin est cependant la première avocate de France à plaider en 1901[10],[3]. Sa première plaidoirie, le 21 janvier 1901, porte sur « l'accident de Choisy-le-Roi »[2]. Elle est aussi connue pour sa plaidoirie sur la contrefaçon de corsets, le 7 février 1902 (La Presse, 7 février 1902)[6],[11].
La loi de suscite une réaction misogyne importante aussi bien au Palais de Justice que dans le public[6]. Certains juristes, comme le juge Paul Magnaud, applaudissent cependant à cette entrée des femmes dans la profession, espérant même qu'elles pourraient bientôt devenir magistrates.
Publications
Étude historique sur les professions accessible aux femmes : influence du sémitisme sur l’évolution de la position économique de la femme dans la société, Paris, Giard et Brière, .
Cours de droit professé dans les lycées de jeunes filles de Paris, Paris, Édition V. Giard & E. Brière, .
Dans la série télévisée française Paris Police 1900, produite en 2021 par Canal+, le personnage de Jeanne Chauvin est interprété par Eugénie Derouand.
Depuis 2024, Orléoquence, association de débat et d'éloquence des étudiants d'Orléans, organise le prix Jeanne Chauvin[13].
Notes et références
Notes
↑La juriste roumaine Sarmiza Bilcescu, première doctoresse en droit, est aussi la première femme à suivre régulièrement les cours à la faculté de droit de Paris. Elle soutient sa thèse en 1890, ayant pour titre « De la condition légale de la mère », deux ans avant sa collègue française Jeanne Chauvin[4].
Références
↑Acte de décès (Musée de Provins) - Conservateur M. Luc Duchamp
↑ a et bHenri Varennes, « Gazette des tribunaux », Le Figaro, 22 janvier 1901, p. 4 lire en ligne sur Gallica
↑ a et bMarina Bellot, « Jeanne Chauvin, pionnière des femmes avocates », RetroNews, (lire en ligne, consulté le )
(en) Sara Lynn Kimble, Justice Redressed : Women, Citizenship, and the Social Uses of the Law in Modern France, 1890-1939 (thèse de doctorat), University of Iowa, .
(en) Mary Jane Mossman, The First Women Lawyers : A Comparative Study of Gender, Law and the Legal Professions, Portland, Hart, .