2 SULFIDES and SULFOSALTS (sulfides, selenides, tellurides; arsenides, antimonides, bismuthides; sulfarsenites, sulfantimonites, sulfbismuthites, etc.) 2.F Sulfides of Arsenic, Alkalies; Sulfides with Halide, Oxide, Hydroxide, H2O 2.FD With O, OH, H2O 2.FD.05 Kermesite Sb2S2O Space Group P1 Point Group 1
cristaux aciculaires rouges métalliques, aiguilles à formes rarement nettes, minces cristaux allongés selon l'ortho-diagonale ; cristaux prismatiques rares ; agrégats buissonnants, parfois en buisson d'aiguilles ou en houppe d'aiguilles ; agrégats radiés ou rayonnants, formes en étoiles parfois lumineuses; masses de fins cristaux, petites masses fibreuses, parfois à aspect chevelu (touffe de cheveux rougeâtres) ; croûtes fibreuses et revêtements ; en insertion dans les géodes de quartz.
La kermésite est une espèce minérale naturelle d'oxysulfure d'antimoine, de formule Sb2S2O[4]. Les cristaux rouge cerise ou rouge métallique, de maille triclinique, d'aspect pseudo-monocliniques, de densité avoisinant 4,6 forment souvent de fines lamelles flexibles. Ses minces aiguilles monocristallines peuvent mesurer jusqu'à 5 cm de long[5].
Ce minéral assez dense se trouve essentiellement dans les zones d'oxydation des gisements d'antimoine. La kermésite de formation dite secondaire par altération se forme en effet à partir de l'oxydation partielle de la stibine Sb2S3 gris métal, mais aussi de la valentinite ou accessoirement de la sénarmontite de même formule Sb2O3, ainsi que de la stibiconite Sb3O6(OH).
Historique de la description et appellations
Inventeur et étymologie
La kermésite a été dénommée par le minéralogiste Edward John Chapman (1821–1904) en 1843, mais la description minéralogique est déjà connue à partir d'échantillons d'une mine célèbre de Freiberg, effectuée par Johann Ernst Hebenstreit depuis 1737, dans les monts métalliques ou massif de l'Erzgebirge, dans le royaume de Saxe[6]. Si le nom kermesite apparaît vers 1832, le minéral est connu depuis l'Antiquité où il était utilisé comme pigments rouges et les chimistes européens dénommaient au XVIIe siècle et XVIIIe siècle les composés rouges d'antimoine du nom de (al)kermès minéral.
La racine du nom minéralogique vient du persan : qurmizq (قرمز), passé en arabe sous la forme al q'rmiz ou "al-qirmiz" signifiant "kermès, graine d'écarlate" (insecte hémiptère dont on extrait un colorant rouge), il s'agit du terme kermès que les teinturiers employaient pour qualifier le rouge, en particulier le "rouge foncé", ce qui fait référence à la couleur du minéral. Kermès était aussi le nom donné à l'oxysulfure d'antimoine brun, de composition très voisine[7]. Kermès est aussi un terme commun pour qualifier les corps chimiques artificiels rouges à base d'antimoine, notamment le mélange de trisulfures et de trioxydes d'antimoine, souvent amorphes.
Le chimiste et minéralogiste Balthazar Georges Sage (1740–1824) décrit à nouveau le minéral kermes mineral natif dans ses mémoires en 1779 comme une mine d'antimoine en plumes.
Pour les anciens mineurs allemands, rothspiessglanz qualifie cette brillance rouge kermès des aiguilles et cristaux aciculaires de kermésite[8]. Le chimiste Klaproth nomme roth-Spiessglanz ou Rotspießglanz les aiguilles et Roth-Spießglanzerzes ou Rotes Spießglaserz ce minéral/minerai[9]. Les chimistes allemands s'intéressent à la structure sulfoxyde assez singulière, le chimiste et minéralogiste Heinrich Rose détermine en 1825 par analyse la structure chimique[10].
François Sulpice Beudant décrit le même minéral en 1832 avec le nom elliptique de kermès qu'il préfère à antimoine rouge pour son usage chimique[11]. Il n'ignore pas les synonymes vagues blende d'antimoine ou Rotes Spiesglanzerz. Ces écrits incitent le minéralogiste anglo-saxon Chapman à formuler et à imposer un nouveau nom à la communauté savante des minéralogistes[12].
Topotype
Grube Neue Hoffnung Gottes, Bräunsdorf, Revier Freiberg, Erzgebirge, Saxe, Allemagne.
Les lames minces le plus souvent transparentes sont flexibles. Le matériau à cohésion malléable est sectile.
Chauffé en tube fermé, la kermésite noircit, fond et donne un sublimé blanc d'acide antimonique. Si on chauffe à plus grande température, la sublimation est complète.
Critères de détermination
La couleur, le comportement au feu ou à la chaleur, la présence de minéraux associés type de l'antimoine permet au minéralogiste averti de lever toute ambiguïté.
Les encroûtements et les revêtements peuvent être confondus avec la metastibnite.
Cristallochimie
L'oxygène est logé dans la structure entre deux atomes de soufre et deux atomes d'antimoine. Il s'agit d'une structure sulfoxyde d'antimoine.
Il s'agit d'un minéral rare, de la catégorie des sulfures et sulfosels.
Selon la classification de Dana, la kermésite est le seul minéral de son groupe.
Gîtes et gisements
La kermésite apparaît à l'affleurement des gisements de stibine, en formations de surface plus ou moins abondantes. Ses enduits terreux rouges sont caractéristiques, mais elle est souvent associée à la stibiconite et à la valentinite. En ce sens, toutes les anciennes mines d'antimoine sont susceptibles de livrer des échantillons au moins modestes de kermésite, ainsi en France les districts de Brioude-Massiac entre Haute-Loire et Cantal, Ergué-Gabéric dans le Finistère et Martigné-Ferchaud en Ille-et-Vilaine en Bretagne, la mine de la Pierre brune ou Peyrebrune dans le Tarn...
En France, le site minier corrézien de Chanac a livré des échantillons de kermésite en houppes soyeuses d'un beau rouge cerise. Les échantillons extraits de la montagne des Chalanches ne sont souvent que des petites houppes à éclat vif, accompagnant l'antimoine natif parfois associé à l'allemontite.
Dans le Constantinois algérien, à la Belle Époque, la mine d'antimoine du djebel Hamimat a livré aux collectionneurs des géodes de fines aiguilles de stibine, tapissées de croûtes fibreuses de kermésite, mais aussi parfois avec des sphérolites à structure hachée ou de houppes d'aiguilles de kermésite. L'ensemble est associé à de la sénarmontite, en forts beaux cristaux octaédriques incolores et limpides qui appartiennent à une formation postérieure.
Gîtologie et minéraux associés
Gîtologie
Minéral secondaire rare formée par l'oxydation des gisements d'antimoine. Le minéral est souvent associé à un socle de stibine minéral d'aspect métallique dense et de couleur gris. Stibine et kermésite ont une paragenèse commune.
belles géodes contenant de fines aiguilles de stibine tapissées de kermésite avec la sénarmontite dans l'ancienne mine de stibine d'Hamimat ou djebel Hamimat, Teleghma, Tebessa
Pezinok ou mine Pernek, Malé, Monts Carpathes, région de Brastislava
Vietnam
anciennes mines de stibine, environs de Tinh-tuc, ancien cercle de Nguyen-Binh, Tonkin
Zimbabwe
mines Globe et Phoenix du district minier de Que Que ou Kwe Kwe
Exploitation des gisements
Utilisations
Il s'agit d'un minéral de collection.
La kermésite était utilisée comme expectorant dans la médecine médiévale.
On en retrouve des traces dans de nombreux cosmétiques anciens.
Le minéral pur a été utilisé comme colorant à lèvre en Égypte antique, en particulier dès le règne de la sixième dynastie. La reine Hatchepsout, de la dix-huitième dynastie, négocie avec le Pays de Pount l'accès pour ses marchands aux dépôts d'antimoine coloré. L'usage cosmétique ou comme produit de beauté semble avéré pour les femmes égyptiennes, ainsi que l'analyse de la teneur en Sb des os des squelettes montrerait une concentration très supérieure pour le genre féminin[24].
Le colorant rouge minéral était recherché. Mais l'antimoine et ses composés interviennent aussi dans les nombreuses préparations chimiques de la kemia ou chimie égyptienne qui, en grande partie, sont passées dans l'art pharmaceutique et galénique européen. N'oublions pas aussi les alliages.
La prise de conscience de la toxicité de l'antimoine et de ses dérivés a réduit puis souvent supprimé les usages cosmétiques et médicaux[25].
Notes et références
↑ a et bRupert Hochleitner, Jean Paul Poirot, 300 roches et minéraux, éditions Delachaux et Niestlé (1968)
↑La formule Sb2S2O peut être triplé : elle est alors écrite 2 (Sb2S3). Sb2O3 pour montrer l'association d'un sulfure et d'un oxyde. Pour les anciens chimistes, elle contenait 30 % en masse de Sb2O3 et 70 % de Sb2S3.
↑(en) John W. Anthony, Richard A. Bideaux, Kenneth W. Bladh et Monte C. Nichols, The Handbook of Mineralogy : Halides, Hydroxides, Oxides, vol. III, Mineral Data Publishing, .
↑Hebenstreit, J.E., De Antimonio rubro. Acta physico-medica Academiæ Cæsareæ Leopoldino-Carolinæ Naturæ Curiosum exhibentia Ephemerides sive Observationes Historias et Experimenta a Celeberrimis Germaniæ et Exterarum Regionum Viris Habita et Communicata Singulari Studio Collecta, Vol. 4, (1737) p. 557-561. Norimbergae, apud Hæredes W.M. Endteri et J.A. Engelbrechti Vuduam. Il s'agit de la description du rouge d'antimoine "antimonium rubrum" ou "stibium rubrum", extrait de la mine saxonne dénommée Gnade Gottes, qui sera englobé dans la Neue Hoffnung Gottes mine, à Bräunsdorf commune d'Oberschöna. Notez que J.E. Stephani (1759) décrit à nouveau le minéral de Bräunsdorf et sa paragenèse dans l'ouvrage Henckelius in Mineralogia Redivivus, paru à Dresde, chez Johann Nicolaus Gerlach, 344 p. (p. 121).
↑Il s'agit littéralement d'une "brillance de pointe(s) rouge(s)".
↑M.H. Klaproth "Chemische Untersuchung des faserigen Roth-Spießglanzerzes" in Beiträge zur chemischen Kenntniss der Mineralkörper, Dritter Band, Rottmann Berlin, 1802, 178-182
↑H. Rose, Über die Verbindungen des Antimons mit Chlor und Schwefel.- Poggendorffs Annalen der Chemie und Physik 3, 1825, 441-454.
↑Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle Volume 2 1816 p. 216
↑Catalogue méthodique et raissonné de la collection des fossiles de Mlle Eleonore de Raab Tome II - Viennes 1790 p. 152
↑Jacques C. Valmont de Bomare Minéralogie, Volume 2 p. 143 1774
↑Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle Volume 2 1816 p. 213
↑Bulletin de la Société française de minéralogie et de cristallographie, Paris - 1937 Vol 50-60 p. 173
↑Albert Auguste Cochon Lapparent - Précis de minéralogie 1965 p. 400
↑Balthasar Georges Sage - Mémoires de chimie 1784 p. 179
↑L. J. Sevrin - Dictionnaire des nomenclatures chimique et minéralogique anciennes 1807 p. 173
↑Koloman Bencze, article “Antimony” in Handbook on Metals in Clinical and Analytical Chemistry (ed.) Hans G Seiler (1994) (ISBN0-8247-9094-4) en particulier p. 227–235.
Alfred Lacroix, Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d'Outremer, description physique et chimique des minéraux, étude des conditions géologiques et de leurs gisements, 6 volumes, Librairie du Muséum, Paris, 1977, réédition de l'ouvrage initié à Paris en 1892 en un premier tome. En particulier, pour la kermésite décrite dans le second volume, p. 739 et note dans le quatrième p. 850
Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux, sous la coordination de Gérard Germain, Éditions Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN2-03-518201-8). entrée kermésite' p. 194.
Rupert Hochleitner, 300 roches et minéraux, Delachaux et Niestlé SA, Paris, 2010, traduction et adaptation française par Jean-Paul Poirot de l'ouvrage Welcher Stein ist das ? paru aux éditions Franckh-Kosmos Verlags-GmbH & Co, à Stuttgart en 2010, réédition 2014, 255 pages, (ISBN978-2-603-01698-5) en particulier présentation de la kermésite p. 25 haut de page.
P. Bonazzi, S. Menchetti , C. Sabelli, Structure refinement of kermesite: symmetry, twinning, and comparison with stibnite, in Neues Jahrbuch fur Mineralogie, Monatshefte, 1987, p. 557-567.
J. Hybler et S. Durovic "Kermesite, Sb2S2O: crystal structure revision and order-disorder interpretation" in Acta Crystallographica, B69, 2013, p. 570-583.