Initialement intitulée Legenda sanctorum alias Lombardica hystoria, qui signifie littéralement « Ce qui doit être lu des saints ou histoire de la Lombardie », cette œuvre est rapidement appelée Legenda aurea car son contenu, d'une grande valeur, est dit aussi précieux que l'or. Outre les vies de saints, environ 40 % de la Légende dorée est consacré aux explications des fêtes religieuses principales, qui renvoient à la vie du Christ.
Le livre est divisé en 5 parties et 178 chapitres, organisés à la fois selon l'ordre du calendrier liturgique (de l'Avent à la fin novembre) et des âges de la grâce ou du salut : temps de la rénovation (5 chapitres), le temps de la réconciliation et de la pérégrination (25 chapitres), le temps de la déviation (21 chapitres), le temps de la réconciliation (20 chapitres), le temps de la pérégrination[2] (107 chapitres).
L'abrégé d'histoire de l'Europe qu'il donne, commençant au VIe siècle avec l'arrivée des Lombards, lui vaut également le nom d'Historia lombardica[3] (« Histoire lombarde »).
Hauts en couleur, ces récits avaient pour vocation d'exalter la foi. Le véritable sujet de La Légende dorée est le combat que mène Dieu contre les esprits du Mal, s'exprimant notamment dans le courage des martyrs qui démontre finalement l'impuissance des persécuteurs. La Légende dorée est ainsi conçue comme un instrument de travail destiné aux prédicateurs, servant à la préparation de sermons. Elle fournit ainsi une collection de modèles de vie exemplaires, utiles pour émailler les prédications. Jacques de Voragine utilise également très souvent des raisonnements en plusieurs parties numérotées, destinées à convaincre ses lecteurs de la véracité des événements qu'il raconte.
Les vies de saints, et notamment des martyrs, utilisent régulièrement des schémas similaires, mettant en avant l'étape de la conversion, la modestie des saints (beaucoup, comme Augustin ou Martin, cherchent à éviter de devenir évêques), les miracles accomplis, avant ou après leur mort et, pour les martyrs, les tortures subies et qui sont sans effet jusqu'à la mort des saints. Il arrive aussi qu'elles ne soient que des prétextes pour parler d'autres sujets : ainsi la vie de saint Pélage, qui ne parle quasiment pas de lui, traite surtout des Lombards, des débuts de l'islam puis des Carolingiens et de l'Empire à partir de Charlemagne.
Si Jacques de Voragine reprend le plus souvent sans esprit critique les hagiographies de ses prédécesseurs et les événements qu'ils racontent, il lui arrive cependant de remettre en doute certains événements lorsqu'il lui en a plusieurs versions (pour la vie de Mahomet, par exemple) ou quand il lui semble qu'ils ne peuvent s'être déroulés comme le racontent les légendes du fait d'impossibilités chronologiques, liées par exemple à la succession des empereurs romains.
Diffusion
L'ouvrage connaît dès sa création, vers 1261-1266, un succès considérable. Le plus ancien manuscrit conservé, datant de 1282, se trouve aujourd'hui à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich[4]. Très rapidement, la Légende dorée devient, avec la Bible et le psautier, une des œuvres les plus lues, les plus copiées mais peut-être aussi les plus augmentées : aux XIVe et XVe siècles, il n'est pas rare d'en trouver des copies contenant pas moins de 400 histoires. On estime qu'il en existe plus de 1 000 manuscrits, du plus simple au plus enluminé. L'invention de l'imprimerie accroît encore sa diffusion. La Légende dorée est notamment le premier ouvrage imprimé en langue française, en 1476, à Lyon[5].
La popularité de la Légende dorée se mesure aussi par le nombre élevé de traductions dont l'œuvre a été l'objet. En français seulement, on dénombre au moins sept traductions différentes pour la seule période médiévale[6], dont la plus largement diffusée, celle de Jean de Vignay réalisée pour la reine Jeanne de Bourgogne[7]. L'ouvrage fut aussi, dès le Moyen Âge, traduit en anglais, castillan, catalan, italien, néerlandais et en occitan[8].
Au XVIe siècle, la Légende dorée est critiquée par des érudits qui remettent en cause les critères d'évaluation des sources hagiographiques. Parmi eux se trouvent deux disciples d'Érasme, Georg Witzel, dont l'opinion figure dans la préface de son Hagiologium, et Juan Luis Vives qui expose ses raisons dans son De disciplinis. Ces critiques sont minimisées au sein de l'Ordre dominicain qui voue à Jacques de Voragine une vénération croissante en tant que dominicain et archevêque, et qui culmine avec sa béatification en 1815. La réhabilitation de la Légende dorée au 20e siècle est en partie due à Téodor de Wyzewa, dont la retraduction en français de 1901 a souvent été rééditée[9].
Influence dans les arts visuels
La Légende dorée a influencé de manière très significative l'art depuis le Moyen Âge, et permit « bien souvent d'expliquer à elle seule la plupart des bas-reliefs d'une cathédrale » (Émile Mâle).
Iacopo da Varazze, Legenda aurea. Édition critique (du texte latin) par Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Sismel - Ed. del Galluzzo, 1998 [accompagnée d'un CD-ROM avec version électronique].
Quelques traductions en langues vulgaires
1476 (français) : Jacques de Voragine, La Légende dorée. Édition critique dans la révision de 1476 par Jean Batailler, d'après la traduction de Jean de Vignay (1333-1348), publiée par Brenda Dunn-Lardeau, Paris, Éditions Champion, 1997.
1843 (français) : La Légende dorée par Jacques de Voragine, traduction de Pierre-Gustave Brunet (1843). Classiques Garnier, 2014.
1902 (français) : La Légende dorée de Jacques de Voragine, J.-B. M. Roze, 3 vol., Paris, Édouard Rouveyre, 1902 [Texte intégral traduit en français et numérisé ; édition historiquement dépassée.]
1911 (français) : Jacques de Voragine (trad. Teodor de Wyzeva), La Légende Dorée, traduite du latin d'après les plus anciens manuscrits, avec une introduction, des notes et un index, Paris, Librairie académique Perrin, (lire en ligne) [peu fidèle au latin].
2000 (français) : Jacques de Voragine, La Légende dorée, édition en deux volumes chez Diane de Selliers. Paris, , 349 & 324 p. (ISBN978-2-903656-47-8) très abondamment illustrée (près de 400 œuvres - fresques, polyptyques, retables, peintures sur bois - peintes essentiellement en Italie entre la parution du manuscrit vers 1260 et les premières versions imprimées vers 1470. Traduction du latin et introduction de Teodor Wyzewa.
2004 (français) : Jacques de Voragine, La Légende dorée, édition sous la direction d'Alain Boureau, Paris, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », , 1664 p. (ISBN2 07 011417 1) [accompagnée de notes historiques explicatives et illustrée de gravures sur bois ; traduction établie à partir de l'édition critique du texte latin].
Notes et références
↑Philippe Walter, Mythologie chrétienne. Fêtes, rites et mythes du Moyen Âge, éd. Imago, 2003, page 9.
↑« De l'octave de la Pentecôte jusqu'à l'Avent », texte explicatif p. 411, édition de La Pléiade.
↑Laurent Brun et al., « Jean de Vignay », section : "La legende des sains", sur ARLIMA - Archives de littérature du Moyen Âge, (consulté le ) : au moins 42 manuscrits et 39 éditions avant 1600
↑Laurent Brun et Irène Fabry-Tehranchi, « Iacopo da Varazze O. P. », section Legenda aurea, sous-section "Traductions", sur ARLIMA - Archives de littérature du Moyen Âge, (consulté le ).
↑(en) Sherry L. Reames, The Legenda Aurea: A Reexamination of Its Paradoxical History, University of Wisconsin Press, , 321 p. (ISBN978-0-299-10150-3, lire en ligne), p. 18
Pierre Saintyves, En marge de la Légende dorée, Paris, Émile Nourry, 1931.
La Légende dorée de Jacques de Voragine illustrée par les peintres de la Renaissance italienne (400 peintures et fresques des XIVe et XVe siècles italiens), Paris, édition Diane de Selliers, 2000.
Barbara Fleith et Franco Morenzoni, De la sainteté à l'hagiographie. Genèse et usage de la "Légende dorée", Genève, éd. Droz, 2001.
Florent Coste, Gouverner par les livres : Les Légendes dorées et la formation de la société chrétienne (XIIIe – XVe siècles), 2021 (thèse 2013), Brepols, 2021