Le Livre vert
Le Livre vert est devenu le programme du régime de la Jamahiriya arabe libyenne, nom donné à l'État national libyen. Son titre fait référence au Petit Livre rouge du président chinois Mao. La mention de la couleur verte n'est pas dénuée de portée symbolique : le vert est perçu comme la couleur de l'islam, et Mouammar Kadhafi entendait faire de son livre le remplaçant de la sunna comme fondement du droit en Libye[2]. Il devient le symbole représentatif du régime de Kadhafi pour ses détracteurs : en 2011, au début de la révolte contre Kadhafi, les exemplaires de l'ouvrage sont publiquement brûlés à Benghazi, principal fief des insurgés[3]. Si le livre est à présent banni de Libye[réf. nécessaire], il reste cependant facilement accessible dans de nombreux pays comme la France ou les États-Unis. PlanLe livre comporte trois parties, chacune comptant entre trois et onze sections.
Première partieLa première partie du Livre vert s'intitule La solution au problème de la démocratie. Mouammar Kadhafi y présente le problème de « l'appareil de gouvernement » comme « le plus important de ceux qui se posent aux sociétés humaines ». Le Livre vert débute par une critique de la démocratie représentative, dans laquelle l'auteur développe les idées suivantes :
À la suite de cette critique, Mouammar Kadhafi interroge : « Quelle est alors la voie que doivent suivre les sociétés humaines pour se délivrer définitivement des époques d'arbitraire et de dictature ? ». La solution ne peut se trouver selon lui que dans un pouvoir du peuple sans substitut ni représentation. Il élabore alors la « solution » suivante :
Deuxième partieDans la deuxième partie, intitulée La solution du problème économique, Mouammar Kadhafi reconnait que d'énormes progrès sociaux ont été accomplis depuis la Révolution industrielle. Cependant, la généralisation du salariat qui en a découlé s'assimile selon l'auteur à de l'esclavage. Une nationalisation de l'économie ne modifierait en rien l'asservissement du travailleur. La troisième théorie universelle propose alors une troisième voie après le capitalisme et le communisme : cette voie ne peut être qu'un retour à la « loi naturelle », référence unique pour les rapports humains. L'auteur développe successivement les points suivants :
Troisième partieLa troisième et dernière partie du Livre vert a pour titre Les fondements sociaux de la troisième théorie universelle. Mouammar Kadhafi insiste sur l'importance capitale du lien social dans l'Histoire en insistant sur le caractère polysegmentaire des sociétés organisées. Les liens familiaux, tribaux ou nationaux, sont constitutifs de la nature de l'homme et nécessaire à sa survie. Parmi eux, la famille est la structure la plus forte et la plus naturelle. La tribu est une sorte de famille élargie qui organise la transmission des valeurs et des traditions, tout en garantissant une protection sociale pour ses membres. La Nation est une famille encore plus vaste. Elle est une structure sociale vitale pour l'homme. Un État qui nierait ce facteur social, en rassemblant plusieurs nations sous une même autorité politique, serait voué à l'éclatement. L'auteur revient longuement sur le fait que la femme et l'homme sont égaux. Il écrit en introduction de la section : « La femme est un être humain, l’homme est un être humain ; il n’y a en ceci aucun doute ni divergence. Par conséquent il est tout aussi évident que la femme et l’homme sont égaux. De ce point de vue, la discrimination entre l’homme et la femme est un acte d’injustice flagrante et injustifiable ». Néanmoins, il défend l'idée conservative selon laquelle l'homme et la femme auraient, en raison de leur différence naturelle, des rôles différents attribués dans la société, « des rôles naturellement distincts ». L'auteur reprend l'argument classique des menstruations féminines, qu'il qualifie d'« affaiblissement mensuel », des grossesses, de l'allaitement, tandis que « l'homme au contraire ne conçoit ni n'allaite », pour justifier un rôle différent des hommes et femmes dans la famille. L'auteur, tout en louant la femme comme condition nécessaire à toute vie humaine, l'enferme néanmoins dans un rôle de reproduction, et s'oppose aussi bien à la contraception qu'à toute interruption de grossesse, comme « négation de la vie humaine ». De plus, le rejet de toute crèche ou du fait de confier son enfant à une tierce personne par la mère amène l'auteur à rejeter l'idée du travail des femmes comme contrainte qui l'empêcherait de remplir sa « fonction naturelle » à laquelle la femme doit être entièrement dévouée. En réalité, le Livre vert, qui comporte toute une section sur les devoirs des femmes liés à leur nature sexuée, mais non pas sur ceux des hommes, vise à confiner la femme dans la sphère familiale derrière des justifications naturelles, prônant le droit des femmes d'accomplir leur rôle naturel, mais faisant en réalité de la maternité la seule condition à laquelle elles auraient droit d'aspirer. Il nécessite donc de lire entre les lignes avec précaution. Le texte semble faire de la question de la répartition sexuée des rôles dans la société une question clé, largement développée, et ne s'arrête pas à la définition du rôle des femmes dans la société libyenne mais appelle à une révolution mondiale : « Il faut donc une révolution mondiale qui mettra fin à toutes les situations matérielles empêchant la femme d’accomplir son rôle naturel dans la vie et l’obligeant à effectuer les tâches de l’homme pour conquérir l’égalité des droits ». Cette troisième partie aborde en outre la question des minorités ; elles doivent être traitées comme les égales du reste de la population. L'enseignement doit quant à lui se libérer de sa forme obligatoire et standardisée : les écoles et les programmes officiels forment un instrument de domination et d'abrutissement visant « l'orientation autoritaire des goûts, du jugement et de l'intelligence de l'être humain ». La société doit, au contraire, fournir des écoles et des enseignants en quantité suffisante afin que chacun puisse avoir accès librement au savoir, en choisissant ses disciplines. Enfin, les pratiques sportives doivent cesser d'être privées et réservées à quelques joueurs tandis que des milliers de spectateurs assistent passivement au jeu. Le sport n'a de sens que si les foules envahissent les terrains et que chacun participe activement au jeu. Cet objectif ne sera atteint que lorsque les tribunes auront symboliquement disparu. Notes et références
AnnexesVoir aussiBibliographie
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