Kep, sous la juridiction catholique du Vicariat apostolique de Phnom-Penh avec à sa tête MgrJean-Baptiste Chabalier des Missions étrangères de Paris[8], fut alors choisie pour être la troisième fondation bénédictine en Asie après celle de sur les hauts-plateaux de Dalat en 1936 supprimée en 1856, et celle de Thien An près de Hué en 1940[9]. Un père spiritain fit don de son terrain[10]. Mgr Jean-Baptiste Chabalier désirait une présence monastique chrétienne dans un pays profondément imprégné par le monachisme bouddhiste[1],[N 1] afin d' "accoutumer le monachiste chrétien en pays khmer"[12].
En 1967, face à l'évolution des évènements au Vietnam et au Cambodge, la retraite annuelle des frères de Kep est prêchée sur le thème du martyre dans la tradition monastique[15].
De 1970 à 1975
Au début de l’année 1970, la communauté comptait 19 moines et une dizaine de postulants(en), répartis en quatre nationalités : française (dont un prêtre des Missions étrangères de Paris[16]), vietnamienne, chinoise et khmère. Quatre moines et trois postulants étaient khmers[17]. Pour Dom Jean Leclercq, il s'agissait là d'une certaine "pentecôte cambodgienne"[18].
Durant la République khmère instaurée par Lon Nol le , de nombreuses persécutions anti-vietnamiennes traversèrent le pays[19], affectant considérablement l'Église catholique au Cambodge, essentiellement composée de Vietnamiens[N 2]. Tous les moines d’origine vietnamienne furent alors contraints de quitter le Cambodge. Il ne restait que onze moines, français et khmers, dans le monastère[20].
Le , lors de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, les moines furent emmenés à Prek Phneou, à quelques kilomètres au nord de Phnom Penh. Les Khmers Rouges séparèrent les moines français des moines khmers[22].
Tous les moines non khmers furent alors forcés de quitter le pays sous peine d’être tués[23] et partirent pour le Viêt Nam ou la France[24].
Depuis 1975
Il ne reste plus rien du monastère de Kep, celui-ci ayant été rasé par les Khmers rouges, si ce n’est une partie du porche de l’entrée de la chapelle. Un orphelinat d’Enfants d’Asie a été construit sur les ruines[25].
Les moines survivants ne sont jamais revenus au Cambodge[N 4],[N 5], à l'exception d'un frère, actuellement moine de l'Abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, venu y célébrer une messe en 2019 pour le 50e anniversaire de sa profession religieuse, qu'il avait faite en ce monastère de Kep. Il est actuellement (en 2020) le dernier survivant de la communauté de Kep.
Inculturation au Cambodge
Rapprochement du monastère avec le milieu khmer
Dans les années 1960, sous l'impulsion du Concile Vatican II et de MgrYves Ramousse, l’Église catholique présente au Cambodge, cherchait à mieux se faire connaître auprès des populations khmères par le biais de l'inculturation. Le monastère créa une série de chants religieux en Khmer, une première pour un pays habitué à avoir des chants vietnamiens ou français[26].
Le monastère comprenait, au cours de son existence, quatre religieux khmers : un prêtre et trois frères profès et chercha à mieux connaître le Bouddhisme notamment par le dialogue et la rencontre avec les moines bouddhistes[N 6],[27].
Le père Jean Badré fut moine au Monastère bénédictin de Kep. Dans les années 1960, avec l'accord de la communauté, il quitta le monastère pour tenter de fonder un monastère à Chomnom, village situé près de Battambang[27], afin d'expérimenter un type de vie monastique plus proche des populations cambodgiennes locales[29]. Étant le seul moine français choisissant de rester au Cambodge après la prise du pays par les Khmers rouges, il fut assassiné, en même temps que le Préfet apostolique de Battambang de l'époque, MgrPaul Tep Im Sotha, par les Khmers rouges le , près de la frontière thaïlandaise[30].
Procès de béatification
Le , MgrOlivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh depuis 2010, a ouvert le processus de béatification de trente-cinq personnes chrétiennes mortes sous le régime des Khmers rouges[31]. Parmi ces personnes figurent quatre moines bénédictins de Kep : le père Bernard Chhim Chunsar (ប៊ែណា ជីមជុនសា), deux frères profès, Dany Seng Nimith (ដានី សេងនិមិត្តរំដួល) et André Rath Rumchuor (អានតេរេ ស៊ុនស៊ូរ៉ាវី) et le père Jean Badré[32].
Bibliographie
Arnaud Dubus, Cambodge. La Longue Marche des chrétiens khmers, Chambray-lès-Tours, Éditions CLD, 2004
François Ponchaud, La Cathédrale de la Rizière - 450 ans d’histoire de l’Église au Cambodge, Paris, Le Sarment-Fayard, 1990 (réédité en 2006 aux éditions CLD)
François Ponchaud, L’Impertinent du Cambodge - Entretiens avec Dane Cuypers, Paris, Magellan & Cie, 2013
Notes et références
Notes
↑Encore de nos jours, le bouddhisme Theravada est pratiquée par plus de 95 % de la population[11].
↑60 000 catholiques quittèrent le Cambodge pour le Viêt Nam. Il ne restait, à la suite de ces persécutions, que 5 000 catholiques au Cambodge. (G. Vogin, octobre 2014). 1989-2014 : Renaissance de l’Église au Cambodge. Missions étrangères de Paris. Vol 498, p. 21-29)
↑Ce séminaire ouvert en 1964, achevé d'être construit en 1966, a fermé à partir de 1970 à la suite des violences anti-vietnamiennes sous Lon Nol. Un séminaire a été construit en 1998 à Phnom Penh mais sur un autre site. (V. Sénéchal, octobre 2015). Former des prêtres au Cambodge : un acte de foi malgré l'adversité. Missions étrangères de Paris. Vol 509, p. 45-59)
↑Les chrétiens au Cambodge obtiennent officiellement la liberté religieuse en 1990 (Ponchaud 1995) p. 207
↑En 2015, trois prêtres au Cambodge ont cherché à refonder un monastère bénédictin contemplatif en effectuant des séjours dans deux abbayes bénédictines en France. Le projet n'a finalement pas abouti. (B. Cosme, octobre 2016), Septembre 2015-septembre 2016. Un chemin de réflexion. Missions étrangères de Paris, Vol. 520, p. 64-66)
↑« Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l’insuffisance radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront acquérir l’état de libération parfaite, soit atteindre l’illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d’en haut ». Paul, Évêque, Serviteur des serviteurs de Dieu, avec les Pères du Saint Concile, pour que le souvenir s'en maintienne à jamais. (28 octobre 1965). Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Nostra Ætate (En ligne) [Consulté le 24 novembre 2016]
↑G. Ever, Zur Lage der Religionsfreiheit im Königreich Kambodscha (La liberté religieuse au royaume du Cambodge), 2004 (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
↑Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire, Connaître l'histoire de l'Abbaye (En ligne) [consulté le 16 novembre 2016]
↑Bulletin EDA no 342, 2001 : Dimanche 9 décembre 2001, les ordinations sacerdotales de quatre jeunes diacres seront les premières ordinations de candidats au sacerdoce formés au Cambodge depuis près de 30 ans. (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
↑Églises d'Asie, 2011 : Cambodge: Premières ordinations sacerdotales depuis trente ans. Dimanche 9 décembre, quatre nouveaux prêtres (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
↑Y. Ramousse, Missions étrangères de Paris. Pays de mission. Le Cambodge (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
↑Jean-Baptiste Chabalier, Archives des Missions étrangères de Paris (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
↑Patrice Cousin, Précis d'histoire monastique, Bloud & Gay, (lire en ligne), p. 510
↑Frère Ernest - Hugues Drouet, Nouvelles de la Pierre-qui-Vire, Vol 2, 2015, p. 20-24
↑K. Amel, Contemplation et dialogue : quelques exemples de dialogue entre spiritualités après le concile Vatican II, Swedish Institute of Mission Resaerch (En ligne) [consulté le 16 novembre 2016]