Les Mouminides, ou Mu'minides ou Banou Abd al-Moumin[2](en arabe : بنو عبد المؤمن), sont une dynastie fondée par Abd al-Mumin, successeur et disciple d'Ibn Toumert qui est le fondateur du mouvement puis de l'État almohade. Abd al-Mumin fait de ce dernier un califat héréditaire au bénéfice de ses descendants.
Origine
Abd al-Mumin naît au sein de la tribu des Koumia, tribu berbère Zénète (de la confédération des Beni Faten) située en Oranie. C'est cette qualité d'étranger aux Masmoudas qui lui permet de servir d'arbitre parmi les Almohades[3].
Après la bataille de Sétif, soit à son initiative, à celle des cheikhs arabes hilaliens vaincus ou celle de personnalités almohades, Abd el-Mumin recentre le mouvement almohade autour de sa famille, bien que la majeure partie du ministère de l'empire Almohade reste présidée par les Masmoudas du Souss, qui lui prêtent allégeance. Sans résistance, Abd el-Mumin désigne son fils Abou-Abdallah Mohammed au lieu du cheikh Abou Hafs Omar qui avait été primitivement désigné[4]. Cette décision fut prise après un enchaînement d’événements dont la chronologie est confuse. On sait qu'un conflit opposa Abd al-Mumin aux frères d'Ibn Toumert, dont la maladresse à la tête du gouvernorat de Séville avait provoqué une révolte de la population locale.
Le conflit se dénoue au profit d'Abd el-Mumin qui établit le système dynastique au profit de sa lignée, les Mouminides, non sans opposition[5]. Au lendemain de la victoire de Sétif en 1153, Abd el-Mumin déjoue un complot émanant des frères (ou neveux) d'Ibn Toumert visant à le faire assassiner. À l'issue de l'expédition sur Bougie, Abd el-Mumin prend deux décisions qui heurtent les partisans d'une direction collégiale de l'Empire : son fils Mohammad est désigné comme héritier présomptif, et impose la mention du nom de son wali al-ahd dans les prêches (khutba) sous une forme d'une bay'a anticipée, accompagnée de la nomination de ses fils cadets comme gouverneurs des principales provinces aux dépens des hiérarques de l'Empire[5].
Un peu plus tard en 1156, il décide de partager le gouvernement des principales provinces de l'Empire entre ses autres fils, chacun d'eux est cependant secondé d'un cheikh almohade chargé de parfaire sa formation. Une distinction est faite entre les sayyid, descendants d'Abd el-Mumin et les cheikh, les descendants des autres grandes familles almohades[4]. Les Mouminides, califes ou gouverneurs provinciaux, bénéficient d'une certaine aura dans l'Empire.
Même lors des différends et des exécutions entre descendants d'Abd el-Mumin, un soin particulier est apporté à la sépulture et on n'expose pas les corps. Bab as-Sadat, la porte du palais réservée au Mouminides, ne porte jamais de têtes tranchées, et les autorités almohades forcent les homonymes à changer leur nom de Banou Abd el-Moumin, afin d'en préserver l'exclusivité pour la famille régnante. Le vizir Abd As Salam Gumi, membre par alliance de la famille d'Abd el-Mumin, voit sa dépouille respectée à la suite de son exécution, son fils est même promu amiral. Au contraire, les têtes des frères d'Ibn Toumert furent exposées après leur exécution. Ce traitement différent est probablement un élément probant de la supériorité des Mouminides sur les cheikhs almohades[2]. Les années 1220 marquent cependant un recul important : le prestige des Mouminides doit être questionné dans le contexte de recul territorial et de guerres intestines. Les chroniques rapportent alors des événements où tantôt le calife légitime, mais également un gouverneur de Cordoue, parent des souverains mouminides, peut être contesté, assassiné ou voir sa tête tranchée[2].
Historiographie
Al-Zarkashi décrit la dynastie dans le Tārīkh al-dawlatayn, consacre une partie entière à la première phase de l'almohadisme et décrit le règne des souverains mouminides. En cela il reprend le schéma de l'ouvrage Farisiyya d'Ibn Qunfud, alors qu'un autre ouvrage les Adilla de Ibn al - Šammā ne reprend pas cet exposé[6]. Une analyse comparative des notices sur les califes mouminides permet de constater que le schéma du Dawlatayn, est repris avec un exposé de type naissance/allégeance/destitution/décès/enterrement. Cette narration est régulière jusqu'à l'avant dernier calife al-Murtada pour lequel figure uniquement la date d'accession au trône. La mention de la victoire mérinide annonce implicitement la disparation de l'empire almohades. Un autre ouvrage, le Dayl, fait mention de la vie des deux derniers califes mouminides : al-Murtada et Abou al 'Ula[6].
↑ ab et cMehdi Ghouirgate, L’Ordre almohade (1120-1269): Une nouvelle lecture anthropologique, Presses universitaires du Midi, (ISBN978-2-8107-0867-3, lire en ligne), p. 299-300
↑ a et bCharles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord: des origines à 1830, Payot, (ISBN978-2-228-88789-2, lire en ligne), p. 452-453 Paragraphe : « Des Almohades aux Mouminides »
↑ a et bPascal Buresi et Hicham El Aallaoui, Gouverner l'empire: La nomination des fonctionnaires provinciaux dans l'empire almohade (Maghreb, 1224-1269), Casa de Velázquez, (ISBN978-84-96820-89-0, lire en ligne), p. 60
Roger Le Tourneau. « Du mouvement almohade à la dynastie mu'minide: la révolte des frères d'Ibn Tumart de 1153 à 1156 », in Mélanges d'histoire et d'archéologie de l'Occident musulman: Hommage à Georges Marçais, vol. 2, Impr. officielle du Gouvernement général de l'Algérie, 1957, p. 111-116
Merad A. «‘Abd al-Mu’min à la conquête de l’Afrique du Nord Contribution à l’histoire de la dynastie mu’minide». In Annales de l’Inst. d’Et. Orientales, t. XV, 1957, p. 109-163 et t. XX, 1962, p. 401-478.