Ordnungspolizei
L'Ordnungspolizei en français : « Police de l’ordre (public) », abrégée en OrPo ou Polizei, était la police allemande du Troisième Reich, de 1936 à 1945, chargée du maintien de l'ordre public. HistoriquePar un décret du Führer du , Heinrich Himmler, Reichsführer-SS (RFSS), est nommé chef de la police allemande au sein du ministère de l'Intérieur du Reich. Cette décision place l'ensemble des forces de la police allemande du IIIe Reich sous l’autorité du chef de la Schutzstaffel (SS). Le premier décret publié par le RFSS et chef de la police allemande en date du précise la nouvelle organisation de la police qui distingue l’Ordnungspolizei (Orpo, police régulière) de la Sicherheitspolizei (Sipo ou police de sécurité). L’Orpo assure les missions de maintien de l’ordre de la police régulière en uniforme alors que la Sipo regroupe la Gestapo, police secrète d’État, et la Kripo, police criminelle d’investigation. La Gestapo est composée d’enquêteurs professionnels qui s’occupent des tâches relevant de la police politique ; la Kripo, quant à elle, poursuit une mission classique de lutte contre la criminalité. En , la Sipo est regroupée avec le service de renseignement et de sécurité de la SS, le Sicherheitsdienst, pour former le Reichssicherheitshauptamt ou RSHA, sous la direction de Reinhard Heydrich. Le RSHA symbolise l’interconnexion entre la SS, organisation du parti nazi, et les forces de police, relevant des compétences de l’État. OrganisationL’Orpo est placée sous le commandement de Kurt Daluege, nazi des premiers jours, SS-Oberst-Gruppenführer und Generaloberst der Polizei (équivalent en France à général d'armée ou, ailleurs, de « général quatre étoiles »), qui relève directement de l’autorité de Heinrich Himmler, non seulement Reichsführer-SS mais aussi Chef der Deutschen Polizei. En 1943, Daluege, malade, cède le commandement exécutif de l'Orpo au SS-Obergruppenführer und General der Polizei Alfred Wünnenberg ancien commandant de la 4e division SS « Polizei » ; toutefois Daluege reste le chef en titre de l'Orpo jusqu'à la fin de la guerre. En 1941, l’Orpo est répartie entre différents services couvrant tous les aspects du maintien de l’ordre en Allemagne[1]. Direction centraleLe Hauptamt Ordnungspolizei est la direction centrale de l’Ordnungspolizei au ministère de l'Intérieur du Reich. Il est placé sur le même plan hiérarchique que les autres directions centrales de la SS et de la police sous l'autorité de Himmler (Personlicher Stab Reichsführer-SS, SS-Hauptamt, SS-Führungshauptamt, Rasse- und Siedlungs-Hauptamt, Hauptamt SS-Gericht, SS-Personalhauptamt, Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt, Dienststelle SS-Obergruppenführer Heissmeyer, Hauptamt Volksdeutsche Mittelstelle, Hauptamt Reichskommissar für die Festigung Deutschen Volkstums et le Reichssicherheitshauptamt qui est la direction centrale de la Sipo et du SD au ministère de l'Intérieur du Reich). Maintien de l’ordreLa Schutzpolizei (police de protection) est la police chargée du maintien de l’ordre en secteur urbain. Elle comprend deux branches :
GendarmerieLa Gendarmerie ou police rurale est chargée du maintien de l’ordre dans les villages, les districts ruraux et les zones montagneuses. Ses membres sont surtout utilisés dans la lutte contre le braconnage et comme troupes de montagne pour la défense intérieure. Avec le développement du réseau d’autoroutes en Allemagne, des compagnies motorisées de gendarmerie sont créées en 1937 afin d’assurer la sécurité du trafic. Administration et police administrativeLa Verwaltungspolizei est la branche administrative de l’Orpo et dispose d’une autorité générale sur tous les bureaux de police de l’Orpo. La Verwaltungspolizei est également chargée de la centralisation des archives. Elle contrôle diverses polices administratives spécialisées comme la Gesundheitspolizei (police de la santé), la Gewerbepolizei (police du commerce), et la Baupolizei (police de la construction). Dans les villes grandes ou moyennes, la Verwaltungspolizei, la Schutzpolizei et la Kriminalpolizei sont regroupées au sein d'administrations de police (Polizeiverwaltungen) : « Polizeiprasidium » ou « Polizeidirektion » qui coordonnent l’ensemble des forces de police de leur district. Ces administrations de police sont dirigées par des préfets de police (Polizeiprasident) ou des directeurs de police (Polizeidirektor) qui sont de hauts fonctionnaires non professionnels majoritairement membres de la SS ou de la SA. Police de la routeLa Verkehrspolizei est chargée de la police de la route en milieu urbain et sur les grands axes à l’exception des autoroutes dont la sécurité relève des compagnies motorisées de gendarmerie. Elle assure également l’escorte des dirigeants nazis parcourant de longues distances par la route. Police fluviale et maritimeLa Wasserschutzpolizei est la garde côtière du troisième Reich. Elle est responsable de la sécurité des rivières et des fleuves, des ports et des voies d’eau intérieures. C’est de son autorité que relèvent les SS-Hafensicherungstruppen, unités de l’Allgemeine SS assignées à la sécurité des ports. Police ferroviaireLa Bahnschutzpolizei est composée d’officiers de police à temps partiel qui sont également employés par la Reichsbahn. Elle est chargée de maintenir la sûreté et la sécurité du réseau ferroviaire, mais aussi de lutter contre l’espionnage et le sabotage dans ce secteur. Police postaleLa Postschutz (police postale) composée de plus ou moins 4 500 hommes est responsable de la sécurité des bureaux de poste mais aussi de celle d’autres moyens de communication comme les lignes téléphoniques et télégraphiques. Lutte contre les incendiesDepuis un décret du , tous les pompiers professionnels sont incorporés au sein de l’Ordnungspolizei comme police technique sous l'appellation de « Feuerschutzpolizei ». La Feuerschutzpolizei (Police de protection contre les incendies) reprend en un seul corps toutes les brigades de pompiers professionnels, avec une structure de commandement au niveau national. L’Orpo Hauptamt a également autorité sur les Freiwillige Feuerwehren, les brigades de pompiers composées de civils volontaires et non professionnels. Pour lutter contre les incendies déclenchés par les bombardements alliés, la Feuerschutzpolizei et les Freiwillige Feuerwehren compteront jusqu’à deux millions de membres. Quasi quotidiens, ces bombardements stratégiques font des dizaines de milliers de victimes comme à Hambourg, fin juillet et début , ou à Dresde en . Défense passiveLe Sicherheits und Hilfsdienst (SHD), ou service de sécurité et d’assistance est créé en 1935 comme police de protection aérienne. Il s’agit de la protection civile chargée de la défense contre les raids aériens et des secours aux victimes des bombardements, en collaboration avec le Technische Nothilfe et la Feuerschutzpolizei. En , le SHD est rebaptisé Luftschutzpolizei (police de défense aérienne). Le réseau d’alerte en cas de raid aérien ( Luftschutzdienst) est épaulé par le Reichsluftschutzbund ou RLB, une organisation contrôlée depuis par le ministère de l’Air de Hermann Göring. Service technique d’urgenceConnu sous le nom TeNo, le Technische Nothilfe (service technique d’urgence) regroupe des ingénieurs, des techniciens et des spécialistes de la construction. Le TeNo avait été créé en 1919 pour maintenir en fonctionnement les services publics et les industries essentielles durant les grandes vagues de grèves. À partir des années 1930, il est renforcé afin de pouvoir faire face aux catastrophes naturelles, comme les inondations. Par un décret du , le TeNo devient un service technique auxiliaire de la police sous le contrôle de l'Orpo. Fin , il est intégré à l’Orpo Hauptamt comme Reichsamt Teno. Vers 1943, il compte 100 000 membres. Des commandos du Teno ont été mis sur pied dès la campagne de Pologne pour assurer le redémarrage des services publics (eau, gaz et électricité), la remise en état des ponts et des moyens de production dans les usines (machines-outils, générateurs électriques...) dans les territoires occupés par la Wehrmacht. Ces unités mobiles serviront sur tous les fronts à l'Est comme à l'Ouest comme unités du Génie de la Police. Police des ondesLa Funkschutz (garde de la radio) comporte du personnel de sécurité de la SS et de l’Orpo, qui doit assurer la protection des stations de radio allemandes contre des attaques ou des tentatives de sabotage. La Funkschutz est aussi le premier organisme d’enquête pour poursuivre les écoutes illégales de radios étrangères. Protection des usinesLa Werkschutzpolizei (police de protection des usines) regroupe les gardes de sécurité et les gardiens de nuit des entreprises du Troisième Reich. Il s’agit d’employés civils placés sous l’autorité du bureau central de l’Orpo. Ses membres sont généralement vêtus d’uniformes paramilitaires, provenant des surplus de l’Allgemeine SS, des vestes grises ou noires arborant un insigne de l’Orpo. Les bataillons de policeDe 1939 à 1945, l’Ordnungspolizei dispose également d’unités militarisées, constituées à partir des effectifs de police non mobilisés pour le service actif au front. Les premières de ces unités sont les bataillons de police destinés au maintien de l’ordre dans les territoires occupés et à la lutte contre les partisans. Ils sont placés sous les ordres des Chefs supérieurs de la SS et de la Police Höheren SS und Polizeiführer (HSSPF) et assurent notamment le maintien de l’ordre en patrouillant dans les ghettos juifs de Pologne et de Russie. Les bataillons de police fournissent également une partie du personnel des Einsatzgruppen, en fonction des besoins. En 1942, ces bataillons sont regroupés au sein de 28 régiments de police dont beaucoup combattent sur le front de l’Est lors de la retraite de l’armée allemande. Dès l'invasion de l'Union soviétique en , les unités de l'Ordnungspolizei[a] participèrent activement aux côtés des Waffen-SS et des Einsatzgruppen au massacre généralisé de Juifs. Ils sont directement responsables aux côtés du Sonderkommando 4a du massacre de Babi Yar où 33 000 Juifs furent assassinés[2]. Christopher Browning a consacré le livre Des hommes ordinaires au comportement criminel du 101e bataillon de réserve en Pologne, à partir du massacre de Josefow le . À l'automne 1941, Kurt Daluege se voit investir d'une nouvelle mission dans le cadre de la Solution finale : la garde des trains de déportés en route vers l'est. D'emblée, Heydrich se met d'accord avec Kurt Daluege sur la division du travail : la police de celui-ci gardera les transports organisés par la police de celui-là. En règle générale, l'Ordnungspolizei fournira un officier et quinze hommes pour chaque transport[3]. L'Orpo en FranceSous les ordres de Karl Oberg, l'Orpo est dirigée par le Befehlshaber der Ordnungspolizei (BdO). Il y a eu en France deux BdO successifs : le SS-Standartenführer und Oberst der Schupo Bolko von Schweinichen (1896-?), de à , puis le SS-Brigadeführer und Generalmajor der Polizei Paul Scheer (1889-1946), de à . À Paris, l'état-major du BdO est logé aux 44 et 49, rue de la Faisanderie. Sous les ordres du BdO, se trouvent 11 Kommandeur der Orpo (KdO) en zone occupée (Paris, Saint-Quentin, Châlons-sur-Marne, Nancy, Dijon, Orléans, Poitiers, Bordeaux, Angers, Rennes, Rouen), et 6 KdO en zone Sud (Marseille, Lyon, Toulouse, Clermont-Ferrand, Montpellier, Limoges). La mission de l'Orpo est de surveiller la police française, la gendarmerie, les pompiers, la police routière, la Garde des communications (chemins de fer). Son rôle sera aussi de participer au maintien de l'ordre et notamment à la lutte contre la Résistance, les maquis et les « bandes de terroristes », ainsi qu'aux déportations des juifs de France. C'est également l'Orpo qui a fourni, à plusieurs reprises, du personnel pour les pelotons d'exécutions d'otages au Mont-Valérien en 1942. En 1942, l'Orpo totalise en France environ 2 400 hommes[4], et environ 3 000 hommes en 1943[5]. L'Orpo dispose en France de plusieurs Polizei-Regiment (qui seront rebaptisés SS-Polizei-Regiment en février 1943) :
Les divisions de police de la Waffen-SSLa première unité militaire de l’Ordnungspolizei est la 4e division de panzergrenadiers de la Waffen-SS, la division SS Polizei. Créée le , comme une division d'infanterie, elle participe à la campagne de France comme unité de réserve et connaît quelques brefs engagements en Argonne et dans le secteur de Langres. De 1941 à 1943, elle est engagée dans les combats sur le secteur Nord du front de l'Est, en particulier dans le cadre du siège de Léningrad : Louga, Leningrad, Lac Ladoga, Krasny Bor. En , elle participe à la prise de Louga et, en , elle contribue à l'encerclement et à l'anéantissement de la 2e armée soviétique du Général Vlassov et repousse les Russes lors de la bataille de Krasny Bor. Elle est retirée du front après de durs combats défensifs au sud du lac Ladoga. Reconstituée en division de Panzergrenadier, ses effectifs sont éclatés, un groupe de combat est engagé jusqu'en mai 1944 dans le secteur de Leningrad, cependant que l'essentiel de l'unité est transféré en Grèce où il participe à la lutte contre les partisans. Elle est notamment responsable de l'assassinat de 223 civils à Klissura et de 300 à Dístomo, entre les mois d'avril et [7]. À partir d', elle repart pour le front avec le Groupe d'Armée « Sud Ukraine », en Roumanie puis en Hongrie, et retraite vers la Slovaquie avec la 8e Armée Allemande en . Transférée en Poméranie en , elle y subit de lourdes pertes. Encerclée à Danzig, elle est évacuée par la mer vers l'ouest en où ses derniers éléments sont capturés par les troupes U.S. La Polizeidivision, en dépit de ses 18 chevaliers de la Croix de fer, n'a jamais été considérée comme une unité d'élite de la Waffen SS. Forte de trois régiments de police et d'un régiment d'artillerie, elle est utilisée pour permettre la rotation des membres de l’Ordnungspolizei entre fonctions de police et opérations militaires. En , une éphémère division de police est formée à partir du personnel du bataillon d'instruction de la Police de Dresde-Hellerau : la 35. SS-Grenadier-Division « Polizei II ». Engagés à l'est de Berlin, des éléments constitués en Kampfgruppe (groupe de combat) sont quasi anéantis dans les combats de la poche de Halbe. Le reste de l'unité est capturé par les Russes. Orpo et SSL’Ordnungspolizei ne fait pas à proprement parler partie de la SS et elle maintient son propre système d’insignes et de grades. Tout policier peut cependant aussi être membre de la SS, mais la structure ne l’impose pas. Les officiers supérieurs de police, également membres de la SS, sont durant la guerre systématiquement désignés par leurs deux grades : par exemple un Generalleutnant de police, également membre de la SS, est désigné par la formule « SS-Gruppenführer und Generalleutnant der Polizei ». De plus, les officiers supérieurs de l’Orpo qui accomplissent les tâches de Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) obtiennent un rang équivalent dans la Waffen-SS à partir d’, quand Heinrich Himmler est nommé Chef des Ersatzheeres[b] (chef de « l’armée de terre réserve », à la suite de Friedrich Fromm compromis dans le complot du 20 juillet 1944) ; en tant que HSSPf, ils ont alors autorité sur les divers camps de prisonniers situés dans leur territoire. L’objectif final de Himmler était de dissoudre l’Orpo pour la remplacer par un corps de protection de l’État, le Staatsschutzkorps, uniquement constitué d’unités de la SS. Pour Himmler, le maintien de l’ordre au niveau local devait à l’avenir être assuré par des unités de l’Allgemeine-SS, la Waffen-SS s’occupant de la sécurité du territoire et de la police politique. Connus des principaux officiers de l’Orpo, ces plans suscitèrent une forte opposition. L'héritage de l'OrpoÀ la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Ordnungspolizei cesse d’exister, mais nombre de ses membres poursuivent leurs tâches normalement, assurant notamment les services de police pour les troupes d’occupation alliées. Les traditions de l’Orpo se sont perpétuées en Allemagne de l’Est, qui avait conservé une force de police de l’État, la Volkspolizei, dont la structure était calquée sur celle de l’Orpo. En Allemagne de l'Ouest, la police a été décentralisée dans les États fédéraux (les Länder), qui disposent de leurs propres forces de police, les Landespolizei, structures qui sont toujours d’actualité dans l’Allemagne réunifiée. Dans de nombreuses Landespolizei, les règlements, les procédures, et même certains uniformes et insignes trouvent leur origine dans ceux de l’Ordnungspolizei et même dans ceux de la police de la république de Weimar. Articles connexes
Lien externeNotes et référencesNotes
Références
Bibliographie
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