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Plan Daleth

Zones contrôlées par le Yichouv en décembre 1947 (zones bleu foncé) et mai 1948, après la mise en œuvre du Plan Daleth (zones bleu clair)

Le plan Daleth ou plan D, (en hébreu, daleth ד est la quatrième lettre de l'alphabet hébraïque, similaire au « D » français) est le plan opérationnel établi par la Haganah en visant à la destruction des villages palestiniens, et indiquant qu'« en cas de résistance, les forces armées doivent être détruites et la population expulsée en dehors des frontières de l'État hébreu ».

Il est rédigé par Israël Ber et Moshe Pasternak, sous la supervision de Yigaël Yadin, chef des opérations de la Haganah. Son interprétation est sujette à discussion : certains des nouveaux historiens israéliens tels que Ilan Pappé, ou les historiens palestiniens comme Walid Khalidi le voient comme un programme généralisé d'expulsion des Arabes palestiniens, tandis que d'autres historiens israéliens, comme Benny Morris ou Yoav Gelber n'y voient qu'un plan d'opérations militaires restreint à un contexte militaire particulier.

Le plan comprenait des directives telles que l'encerclement et la fouille des villages palestiniens, l'expulsion de la population palestinienne et leur destruction.

Le Plan Daleth reste un sujet sensible dans l'historiographie du conflit israélo-palestinien. Certains le défendent comme une sécurisation de territoires en le replaçant dans le contexte d'une guerre imminente[source insuffisante] tandis que d’autres y voient les racines de la Nakba (catastrophe) palestinienne, marquant l'exil de centaines de milliers de Palestiniens.

Contexte

Le contexte dans lequel se place le plan Daleth est important car les analyses en controverse en mettent en avant des aspects différents.

Contexte démographique

Plans antérieurs

Le premier plan d'opérations général des Juifs en Palestine pour s’assurer le contrôle exclusif d’une zone et une prédominance démographique date de 1937, quand la grande révolte arabe (1936-1939) pousse le colon britannique à envisager le premier plan de partage de la Palestine, le plan Peel. Deux évolutions sont rédigées en 1946, les plans B puis C, lorsque le Royaume-Uni annonce son futur départ de Palestine. Enfin, le plan D ou Daleth est achevé le 10 mars 1948[1].

Sa rédaction s’appuie sur les dossiers Villages, qui rassemblent toute l’information utile militairement sur chaque village de Palestine : cartes, population, clans en présence, militants ; ces dossiers sont compilés par des membres de l’université hébraïque et des membres des services de renseignement juifs à partir de 1940. De fréquentes réunions de son conseil dirigeant, avec Ben Gourion à sa tête, mettent au point les détails du plan de transfert des Arabes hors de Palestine dans l’éventualité d’une guerre, afin d’obtenir un État juif nettoyé de ses Arabes[1]. Dans un premier temps, il avait été envisagé de demander au fonds national juif ces dossiers ; finalement, l’université hébraïque fournit quelques cadres enthousiastes : un topographe, des orientalistes, des photographes. Les informations relevées sont très nombreuses : topographie, routes d’accès, la qualité terres, les sources, les revenus du village, sa composition socio-politique, les religions, les noms des mouhktars, les relations avec les autres villages, la liste hommes entre 16 et 50 ans, celle de ceux qui sont hostiles au sionisme, et encore celle des Arabes impliqués dans grande révolte arabe, les familles qui ont perdu un membre dans le combat contre les Britanniques ; et enfin, ceux qui ont tué des Juifs. Des envoyés collectent toutes ces données, parfois en profitant de l’hospitalité arabe. Après 1943, les dossiers s’enrichissent de nouvelles données : élevage, terres cultivées, nombre d’arbres plantés, qualité de chaque plantation d’arbres fruitiers (et même parfois de chaque arbre), démographie, clans et affiliations politiques ; après 1945, les dossiers s’enrichissent encore de données sur le nombre de pièces des maisons des notables des villages, le nombre de gardes (souvent nul) et de l’armement des villages (souvent inexistant ou antique). Enfin, en 1947, des listes de personnes à rechercher sont dressées village par village (souvent des membres du mouvement national palestinien)[2].

Contexte militaire

Le plan Daleth est rédigé pendant la première phase du conflit judéo-arabe de 1947-1949. À ce moment, la Haganah est toujours sur une position défensive par rapport aux forces de l'Armée de libération arabe de Fawzi al-Qawuqji et à celles de la Jihad al-Muqadas d'Abdel Kader al-Husseini. Elle n'ose pas intervenir ouvertement tant que les Britanniques sont toujours responsables de l'ordre en Palestine mandataire. C'est d'ailleurs le , 4 jours avant l'adoption du plan Daleth, qu'al-Qawugji passe avec le gros de sa troupe le pont Allenby en Jordanie et repasse le avec sa colonne motorisée sans que l'armée anglaise qui tient le pont ne réagisse[3].

Le moral des dirigeants du Yichouv n'est pas optimiste. Sur le terrain, bien que les forces de la Haganah soient en théorie mieux équipées et mieux préparées à la guerre que les forces adverses déjà engagées, elle a essuyé plusieurs revers importants : les cent mille Juifs de Jérusalem sont assiégés par les hommes d'Abdel Kader al-Husseini et il n'est plus possible de les ravitailler, tandis que la quasi-totalité du parc de véhicules blindés servant aux convois a été détruite. La situation d'isolement est la même pour les colonies de haute-Galilée, de la zone d'Hébron et du Néguev.

De plus, l'entrée en guerre annoncée des armées régulières des pays arabes voisins, plus redoutables que les forces arabes en Palestine, n'est pas de bon augure. Mais le problème crucial de fourniture en armements semble en passe d'être résolu.

Problématique de la minorité arabe du futur état juif

En , au moment du vote du plan de partage, la Palestine mandataire compte environ 600 000 Juifs pour 1 200 000 Arabes[source insuffisante]

À l'époque, au vu des antagonismes existant entre les communautés arabes et juives en Palestine, personne n'envisageait viable un État juif où ces derniers n'auraient pas été majoritaires et un transfert de population, comme celui qui s'est produit lors de l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, qui aurait été inévitable. Dans ce contexte, il existait avant la guerre un « état d'esprit » au sein des autorités sionistes et britanniques sur la « nécessité » de procéder à des « transferts de populations » si la Palestine sous mandat britannique devait être partagée entre un état arabe et un État juif viables[4].

Description

Le plan Daleth est un document de 75 pages qui a fait l'objet de plusieurs mois de travail et est finalisé le . D'un point de vue militaire, il organise les missions des différentes structures armées de la Haganah, et prépare l'offensive.

Initialement Yadin pense le mettre en œuvre aux alentours du 15 mai, avec le départ des Britanniques. Néanmoins, étant donné les réalités militaires sur le terrain, dont le blocus de Jérusalem et des implantations isolées, et au vu du retrait avancé des troupes britanniques et des attaques et des menaces arabes, la mise en œuvre du plan Daleth est avancée au mois d'avril[5].

Le plan comprend des directives telles que la destruction de villages palestiniens par le feu, les explosifs et les mines, l'encerclement et la fouille des villages, et dans de nombreux cas de résistance, l'expulsion de la population palestinienne. La destruction des maisons et le piégeage des ruines visaient à rendre impossible tout retour des Arabes[1].

La traduction de l'introduction générale du plan Daleth est reprise sur le site mideastweb. En voici une synthèse.

« L'objectif de ce plan est de prendre le contrôle des zones de l'État hébreu, et de défendre ses frontières. Il vise également à gagner le contrôle des zones d'implantation et de concentration juives qui sont situées en dehors des frontières [de l'État hébreu] contre les forces régulières, semi-régulières, et les petits groupes [arabes] opérant à partir des bases extérieures ou intérieures à l'État »[6].

Les forces ennemies que l'État juif doit ou risque de devoir affronter sont : « les forces semi-régulières de l'Armée de libération (...), les forces régulières des pays voisins (...), de petites forces locales »[7]. À cette date, les « forces régulières des pays voisins » ne sont pas encore entrées dans la guerre.

Les objectifs du Yishouv et de la Haganah sont au nombre de 6[7] :

  1. « autodéfense contre l'invasion (...) protection de nos implantations, projets économiques vitaux et propriétés (...) lancer des contre-attaques pré-planifiées sur les bases et les lignes de ravitaillement ennemies au cœur de ses territoires, que ce soit à l'intérieur des frontières du pays ou dans les pays voisins »;
  2. « Assurer la liberté des activités militaires et économiques à l'intérieur des frontières de l'État [juif] et dans les implantations juives à l'extérieur de ses frontières, en occupant et en contrôlant d'importantes positions en altitude au-dessus d'un certain nombre d'artères de communication »;
  3. « Empêcher l'ennemi d'utiliser des positions à l'intérieur de son territoire qui pourraient aisément être utilisées pour lancer des attaques. Ce sera obtenu en les occupant et en les contrôlant »;
  4. « Appliquer une pression économique sur l'ennemi en assiégeant certaines de ses villes afin de le forcer à abandonner certaines de ses activités dans certains secteurs du pays »;
  5. « Restreindre les possibilités de l'ennemi en menant des opérations limitées : occupation et contrôle d'un certain nombre de ses bases rurales et urbaines à l'intérieur des frontières de l'État [juif] »;
  6. « Contrôler les Services et propriété du gouvernement dans les frontières de l'État et assurer la fourniture en services publics essentiels d'une façon efficace ».

Pour atteindre ces objectifs, le plan Daleth confie les missions suivantes aux « différents services armés » :

  1. « Renforcement du système défensif fixe conçu pour défendre les zones [juives] »;
  2. « Consolidation de l'appareil de défense »;
  3. « Déploiement dans les principales villes »;
  4. « Contrôle des principales artères de transport nationales »;
  5. « Encerclement des villes ennemies »;
  6. « Occupation et contrôle des positions ennemies »;
  7. « Contre-attaques à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du pays ».

Dans le chapitre détaillant ce que signifie « Consolidation de l'appareil de défense », il est indiqué qu'il faut « organiser des opérations contre les centres de population ennemie localisés à l'intérieur ou près de notre système de défense, afin d'empêcher qu'ils ne soient utilisés comme base par une force armée active. Ces opérations peuvent être réparties dans les catégories suivantes[8] :

  • Destruction des villages (en y mettant le feu, en les faisant sauter, et en plaçant des mines dans les débris), particulièrement ces centres de population qu'il est difficile de contrôler en permanence.
  • Organisation d'opérations de recherche et de contrôle suivant les directives suivantes : encerclement du village et recherche à l'intérieur de celui-ci. Dans l'éventualité d'une résistance, la force armée [ennemie] doit être détruite et la population doit être expulsée en dehors des frontières de l'État.

Les villages vidés de la façon décrite ci-dessus doivent être inclus dans le système défensif fixe et doivent être fortifiés si nécessaires. » Les villages qui ne résisteront pas seront occupés, et il n'est pas demandé l'expulsion de leur population.

Dans le chapitre détaillant ce que signifie « Déploiement dans les principales villes », il est indiqué que les mêmes principes seront appliqués uniquement dans les villages arabes, mais il est ajouté, sans qu'il soit fait mention d'une éventuelle résistance, qu'il faut procéder à l'« Encerclement du secteur municipal arabe central et à son isolement des voies d'accès, ainsi qu'à l'arrêt de ses services essentiels (l'eau, l'électricité, le carburant, etc.), aussi complètement que possible »[8].

Dans le chapitre détaillant ce que signifie « Occupation et contrôle des positions ennemies », il est indiqué : « d'un point de vue général, le but de ce plan n'est pas de mener une opération d'occupation en dehors des frontières de l'État hébreu. Cependant, au sujet des bases ennemies se trouvant près des frontières et qui peuvent être employées comme tremplins pour une infiltration dans le territoire de l'état, celles-ci doivent être temporairement occupées [...] et doivent donc être incorporées à notre système défensif jusqu'à ce que les opérations cessent. »

Répartition des rôles entre composantes de la Haganah

Un chapitre « missions des services armés » définit le rôle des différentes structures de la Haganah :

  • le Lehi et l'Irgoun ne sont pas cités ;
  • le Hir (force de garnison peu mobile de la Haganah) est chargé de la « défense des zones [juives], des postes isolés et fortifiés, et de la formation des réserves ». Soit un rôle essentiellement défensif, visant à libérer les forces mobiles qui mèneront les offensives ;
  • le Hish (force mobile de la Haganah) est chargé à l'intérieur du système de défense juif, des « opérations pour bloquer les voies de communications ennemies ». « Dans des circonstances spéciales et exceptionnelles », le Hish pourra renforcer le Him dans son rôle défensif. « Des efforts devront être faits pour diminuer le nombre de ces cas ». L'objectif du Hish est donc prioritairement offensif, du moins dans le périmètre défensif juif. Il devra ainsi « organiser des contre-attaques locales impliquant des unités non-inférieures à une compagnie (des unités plus importantes doivent être utilisées si possible) » ;
  • le Palmach « est responsable des contre-attaques à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du pays ». Il pourra être renforcé dans cette tâche par des unités du Hish.

En bref, le Palmach est chargé des contre-offensives de grande envergure, et le Him de la défense locale. Le Hish a un rôle charnière : il est surtout chargé des contre-offensives régionales, Mais il peut aussi renforcer localement le Him dans ses fonctions défensives, ou le Palmach dans ses grandes opérations nationales. Cette répartition des missions est surtout valable de mars à juin. Ensuite, la création de Tsahal modifie l’organisation du système de défense, et la répartition des unités militaires entre 3 forces (locales, régionales et nationales) devient caduque[9].

Commissaires politiques

Les troupes devant prendre le contrôle (et détruire) les villages arabes sont accompagnées de commissaires politiques, chargés de motiver les troupes et de diminuer leurs réticences à tuer en diabolisant et déshumanisant les Arabes. Les références à la Shoah sont aussi nombreuses[10].

Transfert de propriétés

Le plan prévoyait le transfert de force des biens arabes (terres, bâtiments et comptes en banque) en des mains israéliennes[2], ce qui est légalisé par la loi sur la propriété des absents.

Mise en œuvre

Le plan D est finalisé à la Red House, siège de la Haganah à Tel Aviv. Le soir du 10 mars 1948, le plan détaillé est envoyé aux unités devant l’appliquer, avec une description détaillée du mode opératoire, incluant le siège des localités concernées, le bombardement, les incendies, les expulsions, la démolition des maisons et le piégeage des ruines pour empêcher tout retour. Chaque unité a sa liste de villages[11].

L’exécution du plan commence deux mois avant la fin du mandat britannique (15 mai) pour assurer le contrôle terres et expulser le maximum d’indigènes. Les villes sont d’abord visées, qui abritent 250 000 Arabes[11].

Cette mise en œuvre aboutit à un total de 800 000 Arabes expulsés, 531 villages arabes détruits, et 11 quartiers urbains vidés en six mois[11].

Controverse

Il existe une controverse entre historiens autour de l'interprétation du plan Daleth. Les débats ne portent pas vraiment sur la dimension purement militaire du plan, mais plutôt sur son rôle dans l'exode des réfugiés arabes de la Palestine mandataire.

Dans la controverse[12], chaque partie souligne un contexte ainsi qu'un contenu différents pour mettre en avant son analyse.

Directive d'expulsion

Dans un article intitulé « Plan Daleth: Master Plan for the Conquest of Palestine »[13], l'historien palestinien Walid Khalidi présente le plan comme une ligne de conduite donnée à la Haganah pour l'expulsion des villages palestiniens. D'autres historiens palestiniens partagent ce point de vue, tels Sharif Kan'ana, Nur Masalha et Rashid Khalidi[14].

Walid Khalidi tire ses conclusions de plusieurs éléments du contexte liés au sionisme et à la guerre civile de 1947-1948 en Palestine mandataire et qui motivent le Plan Daleth tel qu'il le perçoit. Il considère ainsi que[15] :

  • les Juifs étaient confrontés à un problème territorial en tant que mouvement nationaliste sans territoire sous son contrôle ;
  • le transfert de la population arabe hors de Palestine était dans leur esprit depuis Théodore Herzl et qu'il fut mis en avant par d'autres à plusieurs reprises bien que les mouvements sionistes, à l'exception des révisionnistes, restassent discrets sur ce point ;
  • les Juifs ne pouvaient accepter de ne posséder qu'une faible proportion des terres cultivables dans la partie accordée à l'État juif par le plan de partition (1 500 000 de dounams cultivables seulement sur les 7 500 000 cultivables et les 13 000 000 de la surface totale) ;
  • l'État juif tel que défini par le plan de partage était peuplé d'autant de Juifs que d'Arabes ;
  • les Juifs étaient conscients de leur puissance [militaire] et le soutien des Soviétiques et des Américains au plan de partition « enfla » encore leur « ego » à ce niveau ; il souligne par ailleurs leur puissance militaire en juste avant la mise en œuvre du plan Daleth (les forces israéliennes étaient deux fois plus nombreuses, mieux équipées et entraînées que les forces arabes, et bénéficiaient d’une unité de commandement[1]) ;
  • la défaite arabe palestinienne ne pouvait être effective que si les Arabes étaient « délogés », étant donné que malgré la « surpuissance » des Juifs, les Arabes étaient in situ ;
  • le plan sioniste devait être mis en œuvre avant le , date à laquelle on pouvait s'attendre à ce que les armées régulières arabes interviennent pour respecter le statu quo en Palestine.

Walid Khalidi attire l'attention des lecteurs sur la section Contremesures du plan C (Gimmel) et la section Objectifs opérationnels des Brigades du plan Daleth[16] ainsi que sur l'objectif du plan qui était le « contrôle de la zone donnée [aux Juifs] par les Nations unies et en addition, des zones occupées par [les Juifs] qui étaient en dehors de ses frontières[17] et l'établissement de forces pour contrer l'invasion possible des armées arabes après le  ».

Dans la section 3b du plan, on trouve parmi les « Objectifs opérationnels des Brigades » comment traiter les « centres de populations ennemis occupés » :

« destruction de villages (y bouter le feu, les faire exploser et planter des mines dans les débris), en particulier les centres de population dont le contrôle continu est difficile. (...) Réaliser des opérations de recherche et de contrôle en fonction des lignes de conduite suivantes : encerclement de village et fouille de ceux-ci. En cas de résistance, les forces armées doivent être détruites et la population expulsée en dehors des frontières de l'État hébreu »[18].

Le nouvel historien israélien Ilan Pappé considère également le plan Daleth comme un « plan global d'expulsion »[19], voire comme un plan de « nettoyage ethnique »[14],[20]. Il considère que « le plan est le reflet d'un état d'esprit des soldats juifs avant, pendant et après la guerre, parfaitement résumé par les propos d'Ezra Danin (...) : les Arabes sur la terre d'Israël, il ne leur reste qu'une chose à faire, partir en courant »[19].

Plan de préparation face à l'offensive arabe à venir

L'historien israélien Yoav Gelber place le plan dans le contexte de la guerre [réf. nécessaire] avec les Arabes palestiniens et y voit une réponse à la présence et aux incursions de l'Armée de libération arabe. À ce moment, suivant Yoav Gelber, Yigal Yadin n'envisage pas l'invasion des armées arabes mais des incidents équivalents à ceux qui se produisirent au cours de la Grande Révolte arabe de 1936-39. En se fondant sur son contenu, il y voit avant tout un plan de défense formulant les principes et les procédures d'actions ainsi que les missions et les objectifs à donner aux brigades de la Haganah[14].

Il critique l'interprétation du plan en tant que politique d'expulsion en soulignant que cette interprétation ne se base que sur un seul paragraphe tiré d'un document de 75 pages, pris hors de son contexte et ignorant les objectifs réels du plan : la défense face à l'ALA. De plus, il souligne que le plan a été rédigé par des militaires tandis que la politique vis-à-vis des populations arabes était décidée soit localement, par les commandants sur le terrain et leurs conseillers au sujet des affaires arabes, ou encore par les « arabistes » du cercle proche de Ben Gourion[14].

Le nouvel historien israélien Benny Morris partage globalement l'analyse de Yoav Gelber. Il décrit le plan Daleth comme « une directive pour sécuriser l'État Juif émergent et les blocs d'implantation en dehors du territoire de l'État en vue de l'invasion attendue pour ou après le 15 mai »[5]. Il précise que « le plan Daleth n'était pas une directive politique pour l'expulsion des Arabes de Palestine. Il était gouverné par des considérations militaires et dirigé vers la réalisation d'objectifs militaires »[5]. Devant les « fausses interprétations » que certains donnent à ses analyses, il a confirmé en son point de vue dans l’Irish Times[21].

Le nouvel historien israélo-britannique Avi Shlaïm partage également cette analyse. Selon lui également, le Plan Daleth n'était pas une politique d'expulsion mais un plan militaire dont l'objectif était de sécuriser les zones allouées à l'État juif[22].Lh

L'historien français Henry Laurens pense que « le plan Daleth a un but essentiellement militaire » et que « ce n'est pas un plan politique d'expulsion des populations arabes ». Toutefois, il ajoute qu'« en pratique, il l'implique, ce qui ne chagrine personne au niveau des autorités et des exécutants. » (...) Et de conclure : « pour cette période, on ne peut parler de politique d'expulsion préméditée et coordonnée par les principaux centres de décisions sionistes. »[23]. Il souligne également son importance militaire en comparant la situation militaire le long du littoral - où l'homogénéité ethnique a selon lui facilité la guerre contre les Égyptiens - avec celle de Jérusalem qui, entourée de faubourgs arabes, s'est retrouvée assiégée par la Légion arabe[24].

Annexes

Notes et références

  1. a b c et d Seif Da'Na, « The Ethnic Cleansing of Palestine », Arab Studies Quarterly, été-automne 2007, volume 29, no 3/4
  2. a et b John Docker, « Instrumentalising the Holocaust: Israel, Settler-Colonialism, Genocide (creating a Conversation between Raphaël Lemkin and Ilan Pappé) », Holy Land Studies, 2012 volume 11, no 1, p. 12. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « docker1 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  3. Jacques de Reynier : À Jérusalem un drapeau flottait sur la ligne de feu, 1950, p. 37
  4. Benny Morris (2003), p. 39-60; la comparaison à l'Inde et au Pakistan est faite p. 43.
  5. a b et c Benny Morris (2003), p. 163-164.
  6. Yehuda Slutsky (1972) - Introduction.
  7. a et b Yehuda Slutsky (1972) - Principes de base.
  8. a et b Yehuda Slutsky (1972) - Répartition des missions.
  9. Yehuda Slutsky (1972) - Missions des services armés.
  10. John Docker, « Instrumentalising the Holocaust: Israel, Settler-Colonialism, Genocide (creating a Conversation between Raphaël Lemkin and Ilan Pappé) », Holy Land Studies, 2012 volume 11, no 1, p. 16.
  11. a b et c Docker, op. cit., p. 12.
  12. Dans un appendice intitulé "History and invention : was Plan D a blue print for "ethnic cleansing" (Yoav Gelber (2006), p. 303-306) Yoav Gelber présente la controverse autour du Plan Daleth. Différents points de vue sur les objectifs du plan Daleth sont également présentés dans Benny Morris (2003) et (Ilan Pappé (2001)
  13. Walid Khalidi, « Plan Daleth: Master Plan for the conquest of Palestine, Middle East Forum, novembre 1961 », réédité dans le Journal of Palestine Studies, Beyrouth, vol. XVIII, no 69, 1988, p. 4-37
  14. a b c et d Yoav Gelber (2006), p. 302-306.
  15. Walid Khalidi (1988), p. 9-15.
  16. Whalid Khalidi (1988), p. 7
  17. C'est lui qui souligne.
  18. Destruction of village (setting fire to, blowing up, and planting mines in the debris), especially those population centers which are difficult to control continuously. ... Mounting search and control operations according to the following guidelines: encirclement of the village and conducting a search inside it. In the event of resistance, the armed force must be destroyed and the population expelled outside the borders of the state.
  19. a et b Ilan Pappé (2001), p. 139.
  20. Ilan Pappé, « The 1948 Ethnic Cleansing of Palestine », Journal of Palestine Studies, volume 36, no 1, automne 2006.
  21. Benny Morris, The Irish Times, 21 février 2008, rapporté par le Prof Jeff Weintraub
  22. Avi Shlaim, The Iron Wall, p. 31.
  23. Henry Laurens (2005)), p. 85.
  24. Henry Laurens (2005), p. 92.

Documentation

Articles connexes

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