Les puits artésiens de Paris sont des puits artésiens dont la réalisation a été rendue possible par la présence de la nappe aquifère de l'Albien dans le sous-sol de Paris, et par les progrès des techniques de forage à partir des années . La volonté de produire une eau saine à bon marché[1] fit apparaître des puits artésiens tout au long du XIXe siècle et au début du XXe siècle.
La seconde moitié du XXe siècle vit l'expansion d'une nouvelle génération de puits artésiens, à des fins de chauffage géothermique.
Eau de Paris
Depuis , il y a trois fontaines d'eau de source ouvertes au public dans Paris, où particuliers et professionnels (boulangers) peuvent remplir gratuitement leurs bidons :
Pour atteindre la nappe aquifère, à environ 600 m de profondeur, il faut traverser toutes les couches de l'éocène et du crétacé supérieur, jusqu'aux argiles imperméables du Gault qui retiennent l'eau renfermée dans la couche sableuse de l'Albien[1]. Les eaux des différents puits artésiens de Paris sont très similaires entre elles dans leur composition : moins calcaires et moins magnésiennes que les eaux de distribution habituelles, elles sont en revanche un peu plus ferrugineuses[1].
Les qualités gustatives et chimiques de cette eau jaillissant à 28 °C sont conformes à ce que l'on attend d'une eau de source, c'est-à-dire très pure, très pauvre en minéraux[1], mais avantageusement sans aucun chlore ni résidu plastique issu du récipient.
Traces de bactéries, contre 0 pour l'eau potable à Paris, désinfectée au chlore ;
Légèrement ferrugineuse : moins de 10 μg/l, contre 0,6 μg/l en moyenne pour l'eau potable à Paris (traitement d'extraction du fer, mais tuyaux de distribution pouvant parfois perdre du fer) ;
Légèrement manganéseuse : 14 μg/l, contre 0 pour l'eau potable à Paris (traitement d'extraction du manganèse, qui pourrait présenter un risque pour les femmes enceintes) ;
Légèrement ammoniaque : moins de 0,05 mg/L, contre 0 pour l'eau potable à Paris (traitement d'extraction de l’ammonium) ;
Réputée sans calcium, ni bicarbonates, ni fluor, ni potassium, ni sodium (non contrôlé), contre 91,4 mg/l, 247 mg/l, 0,1 mg/l, 2,2 mg/l et 9,0 mg/l pour l'eau potable à Paris (taux régulés par enrichissement, par injection dans l'eau potable jusqu'à ce que le taux soit atteint) ;
Réputée sans sulfates (non contrôlé), contre 21,3 mg/l en moyenne pour l'eau potable à Paris (soit 8,5 % du maximum conseillé 250 mg/l) ;
Pauvre en nitrates ; 1 mg/l (soit 2 % du maximum légal de 50 mg/l), contre 30,7 mg/l en moyenne pour l'eau potable à Paris (soit 61,4 % du maximum légal de 50 mg/l).
L'entrepreneur Louis-Georges Mulot (–)[3] fora ce premier puits artésien entre et , sous l'impulsion de François Arago. Au bout de sept années d'efforts[4], enfin, le , l'eau jaillit au-dessus de la tour de bois qui abritait la foreuse. C'est alors que l'entrepreneur envoya, à ce qu'on rapporte, son billet resté fameux : « Arago, nous avons l'eau. Mulot ». Le puits est profond de 548 m, et le diamètre de la conduite n'est que de 0,17 m. Son débouché était marqué au centre de l'avenue de Breteuil, de à , par une tour régulatrice en fonte à trois étages haute de 43 m[5], conçue en par Delaperche et remplacée en par une statue de Louis Pasteur, œuvre d'Alexandre Falguière[6]. Un monument, la fontaine du puits de Grenelle, surmonte depuis le véritable emplacement des installations, sur la petite place Georges-Mulot, au croisement des rues Valentin-Haüy et Bouchut, dans le 15e arrondissement. Au début du XXe siècle, le débit s'était stabilisé à environ 430 m3 par jour, soit 5 litres par seconde, en baisse de moitié par rapport à ce qu'il était un demi-siècle auparavant[1]. De nos jours, l'écoulement de l'eau semble avoir été coupé depuis quelques années.
Si l'eau était forée au niveau de l'actuelle place Georges-Mulot, elle jaillissait non loin, place de Breteuil, d'une tour depuis détruite, où se trouve de nos jours le monument à Pasteur[7].
Le forage de ce second puits artésien de Paris fut entrepris en par l'entrepreneur saxon Kind, à l'initiative de l'ingénieur Adolphe Alphand. Cette fois, on choisit de réaliser un tubage d'1,10 m de diamètre, mais en tôle de 5 mm d'épaisseur seulement. Tout alla bien jusqu'à la moitié du forage, puis les incidents se succédèrent : la tôle du tube se déchira et l'on dut se contenter d'un nouveau tube plus étroit et plus épais, de 0,70 m de diamètre. La nappe aquifère de l'Albien fut enfin atteinte à 586 m, en . Le débit se stabilisa à environ 5 000 m3 par jour, et l'eau servit essentiellement à alimenter les rivières et les lacs du bois de Boulogne nouvellement aménagé[1].
Une fontaine, dans le square Lamartine (16e arrondissement), met les eaux du puits artésien à la disposition du public. Elle est fréquentée par beaucoup d'habitants du quartier, qui la considèrent comme une excellente eau de source[8].
La fontaine du square Lamartine.
Puits artésien de la place Hébert
Ce troisième puits artésien, situé à proximité de la fontaine du square de la Madone, dans le 18e arrondissement[9], mit à profit l'évolution des moyens techniques : son diamètre était beaucoup plus important que celui de ses prédécesseurs, atteignant finalement 1,06 m[10]. Le forage commença en , mais ne fut achevé qu'en . On rencontra en effet d’énormes difficultés dues essentiellement à la structure géologique du lieu : il fallut percer jusqu'à une profondeur de 718 m pour trouver les sables aquifères de l'Albien. L'eau est de composition semblable à celle des puits précédents, mais sa température atteint 30 °C. Elle alimentait la piscine Hébert, ouverte en [1].
Les travaux commencèrent en et furent sur le point de s'achever en lorsque furent atteintes les argiles coulantes du Gault, juste au-dessus de la nappe aquifère. Mais, à la suite d'un désaccord entre l'entrepreneur et l'administration, et du manque d'argent[6], les travaux furent interrompus pendant près de vingt ans. Finalement, l'eau jaillit en d'une profondeur de 582 m. Le tube a un diamètre de 0,40 m à la base. Le débit se stabilisa à 67 litres par seconde (5 800 m3 par jour)[1].
La piscine de la Butte-aux-Cailles, ouverte en , place Paul-Verlaine, fut alimentée par les eaux du puits artésien. La fontaine récemment construite sur la place met gratuitement l'eau à la disposition du public.
La fontaine de la Butte aux cailles.
La place Paul-Verlaine et la fontaine.
Puits artésien de la raffinerie Say
Creusé en , un premier ouvrage[11], dont Émile Gérards dit qu'il fut « un puits sans histoire », tant les conditions géologiques et techniques furent favorables, apporta en abondance l'eau nécessaire à l'industrie de la raffinerie de sucre installée entre le boulevard de la Gare, la rue Nationale et la rue du Château-des-Rentiers, dans le 13e arrondissement. Ce puits, de 0,45 m de diamètre[12], atteignait les sables de l'Albien à 580 m ; son débit était, en , de 7 200 m3 par jour d'eau à 28 °C[1].
La baisse de débit conduit la société Say à faire forer un second ouvrage, à l'est du premier. Le forage commença le , pour s'achever en de la même année, à une profondeur de 621 mètres[13]. Le débit obtenu était de l'ordre de 2 000 m3 par jour.
Les ouvrages ont été abandonnés en , lors de la reconversion du site.
Situé dans le 15e arrondissement, profond de 587 m, ce puits a été foré[3] en lors de la construction de la piscine Blomet[14].
Puits de la Maison de Radio France
Le forage de puits artésiens pour la géothermie se développa à partir de la fin des années : dès son ouverture, en , la Maison de Radio France, dans le 16e arrondissement, fut chauffée grâce à un puits artésien fournissant une eau à 27 °C prélevée à une profondeur de 550 mètres dans les sables de l'Albien[15].
Le puits artésien de Carrières-sous-Poissy (Yvelines) situé place Saint-Blaise fut foré en par l'ingénieur Lippmann, pour alimenter la commune en eau potable. L'eau jaillit en d'une profondeur de 501 m. Comme les autres, elle était légèrement ferrugineuse et sa température à 26 °C fut reconnue tout à fait agréable, surtout par les lavandières des deux lavoirs communaux. Il fut relayé en par un autre puits artésien, situé non loin de là, à Migneaux[16].
Le puits artésien d'Orsay (Essonne) a été creusé en et se situe entre le lac du Mail et la voie de chemin de fer du RER B. L'eau jaillissante au départ doit désormais y être pompée. Ce puits n'est donc en théorie plus artésien.
En furent réalisées dans la région de Melun des installations géothermiques suffisantes pour le chauffage de 5 000 logements. Les eaux furent prélevées non dans les nappes de l'Albien, mais dans celles du Dogger, plus profondes et d'une plus grande teneur en sel, nécessitant des techniques spécifiques (technique du doublet). Les années virent la réalisation de 70 opérations de chauffage géothermique dans le Bassin parisien, tout comme dans le Bassin aquitain. D'autres réseaux se sont développés depuis, à Paris et dans sa région[15].
Depuis , Chevilly-Larue, L'Haÿ-les-Roses et Villejuif (Val-de-Marne) sont regroupés dans le plus grand réseau de chaleur géothermique d'Europe () qui dessert environ 45 000 habitants (19 200 équivalents-logements). Des visites sont organisées pour les particuliers et les groupes.[réf. nécessaire]
Postérité
Gustave Flaubert, dans sa « première » Éducation sentimentale (écrite entre et , mais publiée seulement après la mort du romancier) fait visiter à son jeune héros le puits de Grenelle. Cette référence tend à montrer la grande popularité de cette innovation technique à l'époque.
↑Gérards 1908, p. 195, donne un diamètre de 4,60 m, peu vraisemblable : en réalité, seul l'avant-puits mesurait 5 mètres de diamètre extérieur, pour 23 mètres de profondeur, le forage en lui-même ne mesurant que 45,6 cm sur la majorité de sa longueur.
↑Technicien Incendie et eau potable SNCF Infrastructure Paris-Est.
Voir aussi
Bibliographie
Sources contemporaines :
Émile Gérards, chap. IV « Puits forés et puits artésiens de Paris », dans Paris souterrain : Formation et composition du sol de Paris, les eaux souterraines, carrières et catacombes, les égouts, voies ferrées souterraines, métropolitain municipal, chemin de fer électrique Nord-Sud, souterrains divers, faune et flore souterraines de Paris, Paris, Garnier Frères, (réimpr. Torcy, DMI, ), II-667 p. (ISBN2-84022-002-4), p. 162–195 [lire en ligne]