Sasa (hébreu : סָאסָא) est un kibboutz installé sur une colline du nord de la Galilée d'Israël, situé à 12 km au nord-ouest de Safed, et à seulement deux kilomètres de la frontière du Liban, proche de l'endroit où, de par sa concavité, elle s'enfonce le plus dans les collines de Galilée. Il appartient au conseil régional de Haute Galilée. La présence humaine est attestée et permanente à Sasa depuis l'âge du bronze. Aujourd'hui, avec environ 200 travailleurs et plus de 500 résidents, le kibboutz de Sasa est l'un des plus grands et plus prospères d'Israël. Son économie est diversifiée, à la fois orientée vers l'agriculture, l'industrie et la manufacture.
Histoire
L'antiquité de l'occupation du site
La colline de Sasa est truffée de grottes qui ont été fouillées par les archéologues israéliens. Dans ces cavités naturelles, ont été creusées un nombre important d'alcôves où ont été aménagées les tombes de dignitaires du village de l'âge du bronze (Début du second millénaire av. J.-C.); aucun objet trouvé ne permet de dater précisément l'occupation du site. On a aussi retrouvé d'autres vestiges moins importants tels que des murs, des citernes et des pressoirs à olives.
On peut aussi visiter sur le site un mikvé creusé dans le rocher et alimenté par une source naturelle et les restes d'une synagogue datant tous deux des débuts de l'ère chrétienne (IIe siècle vraisemblablement). La taille de ces infrastructures permet de supposer qu'un bourg juif important occupait alors la colline. Sur un autre de ses flancs se trouve une caverne dans laquelle est creusée une tombe unique attribuée à RabbiLevi ben Sisi[1] (hébreu : לוי בר סיסי), qui assista Juda dans la Mishna durant les dernières décennies du IIe siècle et des décennies au début du IIIe siècle. Sur cette caverne a été aménagé un petit dôme; elle fait toujours l'objet d'attention de la part de religieux[2].
Le petit musée local propose de se replonger dans cette époque.
On ne connait pas le nom du village d'alors, cependant il est possible que le nom actuel proviennent de Rabbi Levi ben Sisi.
L'histoire du village entre cette époque et le XVIe siècle reste aussi inconnue. Cependant, il est vraisemblable que l'occupation du site ait été continue car, d'une part, les fondations d'une des maisons du village encore sur pied remontent au VIe siècle[3] et que d'autre part, les descendants des habitants du village juif soient restés sur place et se soient convertis à l'islam, les paysans et les pâtres restant attachés à la terre.
Le village de Sa`sa`
On retrouve diverses traces historiques du village de Sa`sa`(arabe : سعسع, hébreu : שעשע):
En 1516, Sa`sa` rentra, avec le reste de la Palestine, sous le contrôle de l'Empire ottoman et devint, peu après, un poste de douane où était collectées les taxes sur diverses marchandises et voyageurs; les premiers enregistrements de ces taxes datent de 1525/6[4].
En 1596, Sa`sa` était répertorié comme village dans le nahiya ("sous-district") de Jira, faisant partie du liwa' ("district") de Safed, avec une population de 457 personnes. Il payait des impôts sur le blé, l'orge, les olives, des vignobles, des fruits, des chèvres et des ruches[5].Conformément à cette mention dans le cadastre des taxes (daftar), il y n'avait aucun habitant non musulman dans le village[6].
Des céramiques datant du XIVe – XVe siècle, durant le règne des mamelouks, ont été mises au jour lors d'une fouille réalisée en 2003[7].
Au XVIIIe siècle, Sa`sa` est cité comme l'un des villages fortifiés de Galilée contrôlé par Ali, le fils de Zahir al-Omar. Après la défaite de ce dernier en 1775, Ali continua à résister aux autorités ottomanes et vainquit à Sa`sa` une armée envoyée contre lui[8]. Des fouilles réalisées en 1972 sur le flanc ouest de la colline ont révélé les vestiges d'une grande structure rectangulaire (15 m x 41 m) avec des murs de pierre épais de deux mètres recouverts de pierre de taille. En son angle sud-ouest, le bâtiment avait une tour semi-circulaire de sept mètres de diamètre. Sa partie principale se compose d'une salle rectangulaire divisée en deux rangées de cinq travées. Les restes d'une rangée de quatre piliers et de deux demi-piliers devaient supporter une voûte. Les murs extérieurs furent ultérieurement épaissis de deux mètres formant un rempart de quatre mètres. La tour ronde fut à la même époque transformée en tour carré. Les archéologues estiment possible qu'il s'agisse de la forteresse d'Ali, le fils de Zahir al-Omar et qu'elle ait été occupée pendant une période relativement longue[9]. La conception du bâtiment est tout à fait similaire aux autres forteresses de la période telles que celles de Qalat Jiddin et Dayr Hanna[6].
À la fin du XIXe siècle, Sa`sa` était décrit comme un village d'une population de 300 âmes, construit sur une colline légère entourée de vignobles, d'oliviers et de figuiers[10].
Les villageois étaient musulmans. Le village avait un petit marché régional avec quelques boutiques, une mosquée et deux écoles élémentaires, une pour les filles et une pour les garçons. En 1944, Sasa était peuplé de 1130 personnes.
La dépopulation du site
Le village a été dépeuplé de ses habitants arabes par les forces armées d'Israël pendant la première guerre israélo-arabe de 1948. Le village subit une première attaque de la Haganah puis une seconde de la jeune armée israélienne, formée par ordonnance du 26 mai 1948 décidée par le gouvernement dirigé par David Ben Gourion, réunissant les anciennes forces armées sionistes (Haganah, Palmach, Irgun et Lehi).
La première eut lieu dans la nuit du 14 au 15 février de 1948[11]. Une unité du palmach, troupe de combat de choc, dépendant de la Haganah -acronyme de Plugot Maḥatz (hébreu : פלוגות מחץ) - entra dans le village durant la nuit pour installer des explosifs contre certaines maisons où des combattants arabes auraient été localisés[3]. Une dizaine de maisons aurait été totalement ou partiellement détruites et onze villageois dont cinq enfants ont été tués lors de cette opération [12]. Ces chiffres pourraient monter à seize maisons et le décompte total des tués serait de soixante morts selon Meron Benvenisti[11].
La seconde attaque eut lieu le 22 octobre 1948 et consista en un bombardement intensif et simultané des villages de Sa`sa`, de Jish (devenu ensuite Goush Halav) et Tarshiha en vue de préparer l'opération Hiram par des avions B-17 et C-47[13].
Le village fut investi le 30 octobre 1948 dans le cadre de l'opération Hiram par l'armée israélienne. Les villageois qui n'avaient pas encore fui furent expulsés. Une fois l'assaut donné, les militaires démolirent et déblayèrent les restes des habitations endommagées ; seules quelques maisons sont encore debout, dont en particulier le bâtiment qui fait aujourd'hui office de musée local et qui était soit la mairie, soit la mosquée du village[14]. La population du village et sa descendance se trouvent principalement aujourd'hui en 2009 dans le camp de réfugiés palestiniens situé au Liban, à Naher al-Barid, près de Tripoli[15].
Histoire du kibboutz
Le kibboutz fut fondé en janvier 1949 sur les ruines du village palestinien par un groupe de membres du groupe de tendance social Hashomer Hatza'ir originaire d'Amérique du Nord appelé le "Aliyah H gar'in"[13].
Conformément à la volonté des fondateurs, le kibboutz se veut laïc et ouvert sur son environnement. On peut ainsi noter qu'aucune synagogue n'a été construite . Durant le shabbat, le kibboutz reste ouvert à la circulation et les usines restent en activité ; le port de signes religieux ostensibles et le respect de la cacherout dans le restaurant collectif est plus le fait des ouvriers venant travailler sur place que des kibboutzniks.
Population
Le kibboutz comprenait initialement 120 personnes à sa fondation en 1949.
Fin 2007, sa population était de 200 membres environ, avec une population totale de 400 personnes.
Entre 2009 et 2010, la construction de nouveaux logements devrait augmenter la population de 70 personnes environ.
Économie
Le kibboutz était initialement agricole. Il possède toujours de nombreux vergers sur une surface assez étendue remontant jusqu'à Bar'am, un poulailler industriel de production d'œufs et un élevage de taureaux à viande en stabulation libre. La production de lait s'est arrêtée autour de 2005.
Le kibboutz s'est diversifié vers l'industrie dans deux directions:
Il a fondé en 1982 une société de chimie (Sasa-Tech) produisant des produits de nettoyage dérivés du maxol sous forme d'aérosols, liquides et poudres à usage domestique et pour l'industrie automobile. Cette unité se trouve dans la zone industrielle de Ramat Dalton à l'extérieur du site du kibboutz et emploie environ 45 personnes.
Il a fondé en 1985 une société spécialisée initialement dans le pressage du plastique (Plasan Sasa[16]hébreu : פלסן סאסא[17]) qui s'est reconvertie il y a une quinzaine d'années dans la production de blindage de véhicules et de solutions de protection individuelle. Cette société emploie plus de 1 100 personnes directement et produit près de 20 % des exportations militaires d'Israël.
Une hôtellerie (Vacances dans les nuages, hébreu : נופשבענניםNofesh be'ananim) y a été proposée par le passé et a été démantelée, comme une partie des activités agricoles, au profit des activités industrielles qui demandaient plus de ressources.
Le kibboutz possède d'importantes infrastructures scolaires du jardin d'enfants à l'équivalent du lycée dédié à Anne Frank, servant à la fois à la population de l'implantation juive mais aussi aux villages arabes et druzes des environs.
↑ ab et c(en) Walid Khalidi, 1992, All That Remains: The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948, Washington D.C.: Institute for Palestine Studies, (ISBN0887282245), page 495
↑(en) Amnon Cohen and Bernard Lewis, Population and Revenue in the Towns of Palestine in the Sixteenth Century, Princeton University Press, 1978, pages 57 et 58
↑(en) Wolf-Dieter Hütteroth et Kamal Abdulfattah, Historical Geography of Palestine, Transjordan and Southern Syria in the Late 16th Century., Erlanger Geographische Arbeiten, Sonderband 5. Erlangen, Germany: Vorstand der Fränkischen Geographischen Gesellschaft,1977, page 176
↑ a et b(en) Andrew Petersen, A Gazetteer of Buildings in Muslim Palestine: Volume I (British Academy Monographs in Archaeology) Sa'sa', 2002, pages 273-274
↑(he) S. Gibson et E. Braun, Sa'sa' , HA, 63-64, 1972, pages 11 et 12. Cité par Petersen, 2002
↑(en) Claude Reignier Conder and Horatio Herbert Kitchener, Survey of Western And Eastern Palestine., London, Committee of the Palestine Exploration Fund,1881-82, tome I, page 200 (ISBN978-1-85207-835-5). Cité dans Khalidi, 1992, page 495
↑ a et b(en) Meron Benvenisti, Sacred Landscape: The Buried History of the Holy Land Since 1948, University of California Press, 2000), (ISBN0520211545), page 107 et page 153.
↑(fr) Ilan Pappé, The Ethnic Cleansing of Palestine, page 183, (ISBN9781851685554) (traduction française : Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, 2008, (ISBN9782213633961))