Traité de WaitangiTraité de Waitangi
Fragment de page du traité de Waitangi.
Le traité de Waitangi (en anglais : Treaty of Waitangi ; en māori : Te Tiriti o Waitangi) est un traité signé le à Waitangi, dans la baie des Îles, en Nouvelle-Zélande, entre les représentants de la Couronne britannique et des chefs māoris de la partie septentrionale de l'île du Nord. Dans les mois qui suivirent, des copies furent signées par d'autres chefs à différents endroits de la Nouvelle-Zélande. Le traité fit formellement de la Nouvelle-Zélande une colonie britannique et peut être considéré comme l'acte de fondation de la nation néo-zélandaise. Ce traité, et l'interprétation qui peut être faite des mots choisis dans sa version en maori, occupent encore une place importante dans la politique néo-zélandaise moderne et restent l'objet de vives controverses. Signature du traitéLe traité fut d'abord proposé par le capitaine William Hobson à son retour de sa première expédition dans la région. Il reçut dès lors mandat du gouvernement britannique pour mettre son plan à exécution et reçut le titre de lieutenant-gouverneur. Revenu en Nouvelle-Zélande, il rédigea avec l'aide de James Busby, représentant britannique sur l'île, un traité qui fut traduit par le missionnaire Henry Williams (qui assura également la traduction orale du texte lors de la signature). Busby avait également participé à la rédaction de la déclaration d'indépendance de la Nouvelle-Zélande, signée par plusieurs chefs maori, en 1835. Hobson était à la tête des plénipotentiaires britanniques. De la quarantaine de chefs māori présents, le rangatira (chef de haut rang) Hone Heke de l'iwi Ngāpuhi fut le premier à apposer sa signature. Pour renforcer la légitimité du traité, huit copies furent rédigées et envoyées dans tout le pays pour collecter des signatures supplémentaires, à savoir :
Entre février et , plus de 50 réunions de discussion furent organisées, et près de 500 signatures supplémentaires furent collectées. Un nombre équivalent de chefs de tribus refusèrent de signer. La Nouvelle-Zélande fut officiellement déclarée une colonie distincte de la Nouvelle-Galles du Sud le . Le traité échappa de peu à la destruction lorsque les bureaux gouvernementaux d'Auckland furent ravagés par le feu en 1841. Les différentes copies furent par la suite reliées et déposées dans un coffre dans les locaux du Secrétariat colonial à Auckland puis à Wellington, lors du changement de capitale. Une liste de signataires fut produite en 1865, et le texte original en anglais fut publié en 1877, avec quelques lithographies des documents originaux qui furent remis sous clef sitôt après. Ce ne fut qu'en 1908 que le Dr Hocken s'aperçut que ces documents avaient été endommagés par des rongeurs : la restauration dura jusqu'en 1913. La première véritable exposition publique du traité eut lieu en 1940, lorsqu'il fut rapatrié et exposé au musée du Traité de Waitangi pour la célébration de son centenaire. Le traité fut par la suite confié à la Bibliothèque Turnbull (en 1956), où il fut exposé dès 1961. De nouveaux travaux de restauration furent entrepris en 1966 et entre 1977 et 1980, jusqu'à son dépôt à la Banque nationale. Depuis 1990, le traité est accessible au public dans la salle de la Constitution des Archives nationales néo-zélandaises, à Wellington. La signature du traité est désormais commémorée sous la forme d'un jour férié du nom de Waitangi Day, le . Le premier Waitangi Day eut lieu en 1934 mais ne fut officiellement férié qu'à partir de 1970. Cette commémoration a souvent été l'occasion pour les Māori de manifester contre le gouvernement et fait l'objet d'une controverse récurrente. Signification et interprétationLe traité est court : il ne regroupe que trois articles.
Des différences significatives existent cependant entre les versions anglaise et māori du texte, ce qui est la source de difficultés récurrentes dans son interprétation et limite grandement sa portée : la critique principale repose sur la nuance entre les mots māori kawanatanga (soit gouvernorat, au sens littéral), qui décrit les pouvoirs cédés à la Couronne à l'article premier, et rangatiratanga (soit commandement) qui est le pouvoir conservé par les chefs tribaux. La nuance entre les deux concepts pouvait paraître obscure à de nombreux Māori de l'époque, et certains se demandent si ces derniers avaient réellement conscience de ce sur quoi ils s'engageaient. Le concept de propriété foncière dans le monde māori étant sensiblement différent de celui en vigueur dans le monde anglo-saxon, cela devint effectivement source de problème : les chefs māori se voyaient comme des kaitiaki, ou gardiens de la terre, et confiaient dans la pratique l'usage d'une terre pour un temps et dans un but donnés. Il est possible que certains des signataires pensaient vendre l'usage de la terre plutôt que la terre elle-même. Texte du traitéPréambule
Premier Article
Deuxième Article
Troisième Article
PostambuleLe postambule du traité comprend la signature de William Hobson, premier lieutenant-gouverneur de Nouvelle-Zélande, ainsi que celles de plusieurs tribus maoris.
Conséquences du traitéÀ court terme, le traité eut l'avantage d'empêcher l'acquisition de terres maories par quiconque autre que la Couronne. Cette provision avait pour but d'empêcher les marchés de dupes qui s'étaient déjà réalisés entre colons peu scrupuleux et indigènes dans d'autres parties de l'Empire, où les autochtones se voyaient expulsés de leurs terres ancestrales pour le prix de quelques pacotilles. En substance, le traité avait donc pour but d'établir un système de registre foncier, avec la Couronne comme gardien et interlocuteur pour prévenir les éventuels abus. En prévision de la signature de ce traité, la Compagnie de Nouvelle-Zélande effectua d'ailleurs plusieurs achats de terre précipités et installa plusieurs colonies, partant du principe que l'occupation aurait dès lors valeur de possession. Les résultats de cette politique furent dans les premiers temps particulièrement positifs : les Māori voulaient vendre et les colons voulaient acheter et la Couronne s'assurait dès lors que les transactions correspondaient à un prix juste pour l'époque. Cependant, les Māori devinrent avec le temps de moins en moins enclins à céder de nouvelles parcelles de leur territoire, alors que la Couronne subissait une pression de plus en plus forte de la part de colons acheteurs. Nombre de fonctionnaires furent alors impliqués dans des transactions douteuses, qui causèrent nombre de révoltes, elles-mêmes réprimées dans le sang et par la confiscation de nouveaux territoires. L'escalade aboutit aux guerres maories, à l'issue desquelles la plus grande partie du Waikato et Taranaki fut confisquée. Le rôle de supervision fut par la suite confié aux tribunaux fonciers indigènes, renommés par la suite tribunaux fonciers māori (Māori Land Court). Les communautés māori commencèrent cependant rapidement dans les années 1960 et 1970 à se plaindre des abus et des violations continues du traité et des législations subséquentes par le gouvernement, ainsi que de décisions jugées inéquitables (ou à tout le moins excessivement défavorables) rendues par le Tribunal foncier māori et qui expropriait les Māori de leurs terres. Le Tribunal de Waitangi fut établi par agrément royal du . Le Treaty of Waitangi Act qui lui donnait naissance avait pour but de réaffirmer les principes énoncés dans le Traité et de créer une juridiction capable de juger des violations avérées de celui-ci. Le mandat du Tribunal, limité à l'origine aux conflits récents, fut à partir de 1985 étendu pour couvrir tous les conflits fonciers depuis 1840, y compris durant les guerres maories. Le traité aujourd'huiSa brièveté et son champ limité ne sauraient conférer au traité valeur de constitution. Il fait cependant partie du mythe fondateur de la nation néo-zélandaise, et la vie politique nationale fait encore fréquemment référence aux principes ou à l'esprit du traité, bien que l'interprétation de ce concept varie avec les interlocuteurs. Si, pour certains, il consacre l'union de deux peuples en un seul (Hobson est cité comme ayant déclaré « Nous sommes désormais un peuple » le jour de la signature) il est, pour d'autres, le symbole d'un partenariat entre la Couronne et les Māori. Il n'en reste pas moins qu'au vu de la pratique des puissances coloniales (y compris la Grande-Bretagne) en vigueur dans le monde à l'époque de sa signature, ce texte reste un modèle de progressisme dans son approche des relations entre colons et peuples indigènes.[réf. nécessaire] Le traité n'est pas, toutefois, simplement un document historique sans valeur ni signification juridique à l'heure actuelle. La loi de 1975 (Treaty of Waitangi Act) reconnaît au traité un statut officiel au sein de la législation néo-zélandaise, confirme sa validité juridique contemporaine, et établit le Tribunal de Waitangi. Ceci permet aux Māori de porter à l'attention du tribunal toute violation du traité commise par les autorités néo-zélandaises depuis 1840, et d'obtenir réparation. Le par exemple, un accord communément appelé Treelords fut signé au Parlement de Wellington rendant à sept tribus māories 176 000 hectares de forêts dans le centre de l'île du Nord. Le montant de l'opération s'élève à 319 millions de dollars néo-zélandais (environ 200 millions d'euros)[1],[2]. The Treaty Principles BillEn novembre 2024, David Seymour, ministre de la Règlementation et chef du parti ACT New Zealand (libéral), propose une réinterprétation du traité dans une proposition de loi intitulée Treaty Principles Bill. Composée de trois articles, celle-ci vise, selon Seymour, à garantir l'égalité des droits à tous. Toujours selon Seymour, l'interprétation en vigueur depuis les années 1970 mène à des disparités entre Néo-Zélandais sur l'accès aux services publics, à certains postes de responsabilité publique ainsi que dans l'accès aux soins, les Maoris étant dans certains cas prioritaires[3]. David Seymour fait valoir que le sens donné au traité et la manière dont il est appliqué ont été définis par les tribunaux, ceux-ci créant au XXe siècle une interprétation nouvelle en considérant le traité comme la source d'un « partenariat » inter-ethnique qui différentie les droits des Maoris et ceux des non-Maoris. Le parti ACT fait valoir que « Le mot 'partenariat' n'apparaît pas dans le traité de Waitangi. Le concept de partenariat est une invention récente de la part des tribunaux ». Il estime que les citoyens devraient avoir leur mot à dire[4]. Le projet de loi introduit en 2024 propose donc un référendum demandant aux citoyens de se prononcer sur la proposition que le traité soit interprété selon les trois principes suivants pour ce qui est de son application concrète : le gouvernement de Nouvelle-Zélande et le Parlement de Nouvelle-Zélande sont légitimes (rejetant donc la position de ceux qui prétendent à une souveraineté maorie distincte) ; le gouvernement défend le droit à la propriété de tous les Néo-Zélandais, et continuera de garantir aux Maoris la propriété de leurs terres et de leurs ressources ; tous les Néo-Zélandais sont égaux face à la loi et ont les mêmes droits et les mêmes devoirs en tant que citoyens, dont le droit à ne pas subir de discrimination raciale[5],[4]. David Seymour et le parti ACT précisent que la loi mettrait fin à certaines formes de co-gouvernance (en) locale avec des hapu maories, mais pas à toutes - par example, les hapu conserveraient leur droit à la co-gouvernance avec les autorités publiques des espaces naturels (lacs, rivières, montagnes). Par ailleurs, le parti soutient la continuation de programmes publics pour soutenir la langue maorie, la culture maorie, et les accords de compensation des hapu et iwi pour les confiscations de terres aux dix-neuvième et vingtième siècles[4]. Les opposants au texte quant à eux estiment que Seymour - représentant de la Couronne qui à leurs yeux devraient sauvegarder l'interprétation existante du traité - impose une réécriture unilatérale du traité longtemps après sa signature. Ce faisant, il déferait selon eux les efforts antérieurs de réconciliation entre les māoris et les pakeha en faisant passer l'égalité avant l'équité. Ces modifications se feraient donc au détriment des māoris qui sont avec les pasifika le groupe ethnique avec le plus fort taux de chômage ainsi que le revenu médian le plus faible[6],[7],[8]. À l'approche de la première lecture du projet de loi à la Chambre des représentants, le mouvement Toitū Te Tiriti appelle à un hīkoi (longue marche de protestation) qui démarre au cap Reinga pour rallier la capitale Wellington[9]. Le Parti travailliste, le Parti maori ainsi que le Parti vert s'opposent à cette proposition de loi. Lors de la première lecture du texte 14 novembre 2024, Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, députée du Parti maori, interrompt la séance en déchirant la proposition de loi puis en interprétant un haka (le Ka mate), rapidement rejoint par plusieurs autres députés ainsi que des membres du public, entraînant une suspension de séance [10]. Adopté en première lecture à 68 voix contre 54, le texte attend sa seconde lecture, qui interviendra six mois après la première lecture, suite à un travail d'auditions de la part du parlement. Tous les partis sauf ACT New Zealand ont indiqué leur intention de voter contre[10]. Notes et références
AnnexesArticles connexes
Liens externes
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