Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), aussi appelé traité de Paris, est signé le par la République fédérale d'Allemagne (RFA), la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas pour une durée de 50 ans. Il est entré en vigueur le [1] et est arrivé à expiration le .
Ce traité est considéré comme l'un des actes fondateurs de l'Union européenne.
La structure institutionnelle du traité résulte des motivations de ses auteurs ainsi que de la volonté des États membres au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, la négociation du traité combine trois motivations principales : la paix, la prospérité et l'idée d'Europe[2].
La première motivation, la paix, s'exprime dans la volonté de priver les six États fondateurs des moyens de se faire la guerre[2]. Cette « privation » prend la forme d'une mutualisation des marchés du charbon et de l'acier, alors matériaux nécessaires à l'armement, qui seraient gérés au sein d'une « structure empêchant les dérives militaristes et favorisant […] la coopération entre les élites et la vie en commun des peuples »[2]. Ce modèle est aussi présent dans les traités établissant la Communauté européenne de l'énergie atomique et Communauté économique européenne[2]. Cette motivation implique la mise en place progressive d'une « solidarité de fait » entre les Européens[3]. Le traité reflète cela et les compétences conférées aux institutions sont le contraire de celles données aux fédérations, c'est ainsi que là où les fédérations sont compétentes en matière de défense, de justice, de politique, de monnaie et des affaires étrangères, la CECA n'est compétente qu'en matière économique (marché commun du charbon et de l'acier, certaines compétences liées aux travailleurs de ce secteur, etc.)[3].
La seconde motivation est la prospérité, c'est-à-dire, au lendemain de la Secondaire Guerre mondiale, la reconstruction et le développement économique[3].
La Communauté est créée par l'article premier du traité[4]. Elle a la personnalité juridique[5].
L'article 6, alinéa 2 donne à la Communauté la capacité juridique nécessaire à l'exercice de ses fonctions et atteindre ses objectifs sur la scène internationale[5].
En interne, la Communauté « jouit de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales nationales »[5].
Objectifs de la CECA
L'article 1 du traité précise notamment qu'elle est fondée sur trois éléments : le marché commun, des objectifs communs et des institutions communes[4]. Ces objectifs communs sont la contribution à « l'expansion économique, au développement de l'emploi et au relèvement du niveau de vie dans les États membres ». Elle veille à ce que la recherche de la productivité et la rationalisation de la production ne nuisent pas à l'emploi et ne causent des troubles fondamentaux et persistants aux économies des États membres[6].
Afin d'atteindre ces objectifs, les institutions doivent notamment assurer l'approvisionnement du marché commun, assurer l'accès égal aux sources de production aux utilisateurs du marché commun, assurer le prix le plus bas (et qu'il n'ait pas de conséquence tel que la hausse des prix dans un autre secteur non couvert par les traités et sur les rémunérations), assurer le développement et l’amélioration du potentiel de production des entreprises, promouvoir l'amélioration des conditions de vies et de travail de la main-d’œuvre, promouvoir les échanges internationaux et promouvoir l’extension et la modernisation de la production et de la qualité afin d'éviter de devoir mettre en place des mécanismes de protection face à la concurrence[7].
Ainsi le traité CECA contient des dispositions relatives à la « sécurité d'approvisionnement », qui est un concept clef de la politique énergétique de l'Union européenne telle qu'elle s'est développée par la suite[8].
La Haute Autorité est composée de 9 membres dont huit sont nommés par les États membres et un par cooptation[10]. Il s'agit d'une institution supranationale dont les délibérations sont adoptées à la majorité[11]. Elle peut adopter quatre types d'actes : des décisions (obligatoires, à l'instar des règlements), des recommandations (similaires aux directives) et des avis[12]. Le traité prévoit un président et un vice-président élu pour deux ans[13], toutefois la pratique a rajouté un second vice-président[14].
Marché commun du charbon et de l'acier
Le traité dispose que certains éléments visant à limiter la concurrence sont interdits au sein du marché commun[15] :
les droits d'entrée ou de sortie, ou taxes d'effet équivalent, et les restrictions quantitatives à la circulation des produits ;
les mesures ou pratiques établissant une discrimination entre producteurs, entre acheteurs ou entre utilisateurs ;
les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales qu'ils imposent ;
les pratiques restrictives tendant à la répartition ou à l'exploitation des marchés.
En ce sens, l'approvisionnement du marché commun était un des principaux objectifs de la CECA. Il s'agit de la première apparition de la notion de « sécurité d'approvisionnement » dans ce qui deviendra le droit de l'Union[8].
Le traité instituant la Communauté économique européenne était accompagné de conventions et protocoles modifiant le traité CECA, en particulier la Convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes[16]. Ce traité abroge certaines dispositions et les remplace :
l'article 21 du traité, sur le nombre de députés, est remplacé : le nombre de députés est augmenté proportionnellement au nombre d'origine[17]. Le texte rappelle la volonté de procéder à l'élection au suffrage universel direct des députés[17].
l'article 32 du traité, sur la Cour de justice, est abrogé et remplacé par les articles 32, 32 bis, 32 ter, 32 quater sur la composition et l'organisation de la Cour de justice[18]. En conséquence, le protocole sur le statut de la Cour de justice annexé au traité est abrogé car il n'est pas conforme aux nouvelles dispositions. En lieu est place de ce protocole, le protocole sur le statut de la Cour de justice s'applique[19].
en termes de financement, l'article 6 de la Convention dispose que les dépenses de fonctionnement de ces institutions sont réparties de façon égale entre les trois Communautés[20].
1965 : modifications apportées par le traité de fusion
Au sujet du Conseil, le traité dispose que le Conseil spécial de ministres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, le Conseil de la Communauté économique européenne et le Conseil de la Communauté européenne de l'énergie atomique allaient fusionner en un Conseil des Communautés européennes[22]. En dépit de cette fusion, le Conseil conserve les compétences décrites dans chacun des traités et les exerce selon les procédures adaptées de chacun d'eux[22]. Les règles concernant les présidences tournantes du Conseil, les convocations des sessions et le règlement intérieur sont rappelées[23]. Du fait de l'influence du traité CEE, le traité de fusion prévoit la création du Coreper et apporte de vagues éléments quant à ses fonctions[24]. Enfin, les articles 27 (composition et présidence du Conseil), 28 alinéa 1 (convocation des réunions), 29 (fixation des indemnités) et 30 (règlement intérieur) du traité CEE sont abrogés pour être respectivement remplacé par le contenu des articles 2 (composition du Conseil), 3 (convocation des réunions), 6 (fixation des indemnités) et 5 (règlement intérieur) du traité de fusion[25]. L'article 28 est modifié plus en profondeur par l'article 8 du traité de fusion[26]. L'alinéa 3 de l'article 28 est modifié et inclut la notion de consensus négatif, c'est-à-dire qu'une abstention ne rend pas l'unanimité nulle et permet l'adoption de la décision[27]. La règle de la majorité prévue à l'article 28 alinéa 4 est également modifiée et ne requiert que la majorité absolue des représentants des États membres, y compris un représentant dont l’État membre assure au moins 1⁄6 de la production de charbon et d'acier de la Communauté (auparavant, il s'agissait de 20 %)[28]. Enfin, le protocole relatif au statut de la Cour de justice est également modifié : les articles 5 et 15, concernant respectivement les droits pécuniaires et les indemnités du greffier, sont abrogés. Les articles 16, 20 alinéa 3, 28 alinéa 5 et 44 sont également modifiés[29].
Afin de prendre acte de la fusion des institutions, les dépenses administratives de la CECA et les dépenses et recettes de la CEE et de l'Euratom, à l'exception de l'Agence d'approvisionnement de la Communauté européenne de l'énergie atomique, doivent être inscrite au budget des Communautés européennes[32]. Le budget doit être équilibré en recette et en dépense[32]. L'article 78 du traité CECA est abrogé et remplacé par les articles 78 à 78 septimo[33].
1970 : modifications de dispositions budgétaires
1975 : modifications de dispositions financières
1984 : modification du statut du Groenland
1986 : Acte unique européen
1992 : modifications du traité de Maastricht
1997 : modifications du traité d'Amsterdam
2001 : modification du traité de Nice
Expiration du traité
L'article 97 du traité prévoyait une durée de validité de 50 ans[34]. Après un débat sur son possible renouvellement ou une solution de compromis, le traité expira en 2002 et ses règles furent transférées à la Communauté européenne[35].
Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, (lire en ligne)
« Les neuf membres de la Haute Autorité du pool charbon-acier abandonnent toutes leurs attributions nationales », Le Monde, Centre virtuel de la connaissance sur l'Europe, (lire en ligne)
Rapport de la Délégation française sur le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier la Convention relative aux dispositions transitoires signés à Paris le 18 avril 1951, Ministère des Affaires étrangères, .
Convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes, EUR-Lex, (lire en ligne)
Traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, EUR-Lex, (lire en ligne)
Sami Andoura, Leigh Hancher et Marc Van Der Woude (préf. Jacques Delors), « Vers une Communauté européenne de l'énergie : un projet politique », Notre Europe, .
Nathalie Brack et Olivier Costa, Le fonctionnement de l'Union européenne, Bruxelles/Paris, Université libre de Bruxelles, , 2e éd., 377 p. (ISBN978-2-8004-1547-5)