Les Tu sont également nommés en chinois « Mongu'er » 蒙古尔, Měnggǔěr (dérivé de Mongol), également écrit « Monguor », « Mongor » ou Mongour), ou comme Mongols blancs (mongol : ᠴᠠᠭᠠᠨ ᠮᠣᠩᠭᠣᠯ, VPMC : Tsagaan monggol, cyrillique : Цагаан Монгол, MNS : tsagaan mongol, littéralement, Mongols blancs). Ils parlent une langue mongole et sont catégorisés en tant que minorité distincte en république populaire de Chine, du fait de leur double culture tibétaine et mongole.
Langue
La langue des Tu, le monguor, appartient au sous-groupe shirongol de la branche mongole de la famille des langues altaïques. Le vocabulaire de base est très proche de celui de la langue mongole, mais le langage est plus proche de celui parlé par les minorités dongxiang et bonan. Ce n'est pas une langue écrite. Il existe cependant des transcriptions en pinyin de cette langue, comme « Mangghuerla bihuang keli ».
Il n'y a pas de littérature en langue monguor, et l'apprentissage à l'école se fait en mandarin, bien que certains rapportent que des enseignants parlent en monguor durant les trois premières années[2]. Ils ont le niveau d'éducation le plus élevé au niveau local[3] avec en 1985, 91 % des enfants en âge d'aller à l'école élémentaire à Minhe, bien qu'à cette époque, la région fût très pauvre[4].
Religion
La religion des Tu est un mélange harmonieux de bouddhisme tibétain, de taoïsme, et de chamanisme. Dans de nombreux villages Tu coexistent un temple bouddhiste et un sanctuaire. Alors que les moines bouddhistes sont présents ordinairement dans la plupart des villages, les prêtres et les chamans taoïstes sont très rares et officient sur l'ensemble de la région. Le chaman officie principalement comme médium par transe pendant la célébration de Nadun.
Histoire
Il existe plusieurs théories sur l'origine des Tu. Eux-mêmes se donnaient, vers la fin des années 1980, 800 ans de présence sur leur territoire. Li Keyu donne trois origines possibles[5],[6].
La population de Tuyuhun (329 – 663), qui vivait dans cette région et parlait, semble-t-il une langue altaïque, mais cela parait peu probable car leurs histoires ne parle pas de cette population[7],[6].
Les Mongols, cela parait le plus probable étant donné que leur propre appellation est proche de celle des Mongols. Différentes légendes parlent d'origines différentes ; Husijing (胡斯井), Baiya (白崖, Comté de Huzhu), Alashan (阿拉山, Mongolie-Intérieure), ou encore au Nord de l'actuel territoire Monguor de la province du Gansu[8],[6].
Les Turcs Shato, un possible groupe des Tatars, fréquemment mentionné dans les documents de cette région[9],[6].
Les Tus descendraient des Xianbei, des proto-mongols[10], auxquels appartenait également Murong Tuyuhun, fondateur de Tuyuhun[11]. Les légendes populaires parmi les Tu du xian autonome tu de Huzhu (ville-préfecture de Haidong, province du Qinghai) racontent que leurs ancêtres étaient des soldats mongols sous les ordres d’un général de Gengis Khan du nom de Gerilite (ou Geretai). Ils se marièrent avec les Houers, population indigène de ce qui est maintenant le district de Huzhu. « Houer » désignait en langue tibétaine les bergers nomades qui vivaient, selon les sources, dans le nord du Tibet, ou au Nord du fleuve jaune[12]. Ce terme est en tout cas utilisé aujourd'hui pour désigner les Tu[12].
Les archives chinoises disent aussi que des troupes mongoles firent leur apparition à Xining (capitale actuelle de la province du Qinghai) sous la dynastie Yuan.
Lorsque les dirigeants de la dynastie Yuan furent renversés par la rébellion populaire, les Monguor vivaient déjà à Xining et se soumirent au pouvoir de la dynastie Ming. Leurs officiers locaux furent alors nommés tusi par les Ming. Les écrits du clan monguor Lu commencent en 1368, avec l'arrivée des Ming, et se terminent en 1850 avec le décès du 15e ancêtre du clan[13],[6].
Tusi
La dynastie Ming a mis en place un système de tusi (土司制度 parfois appelé cheftaine), un système féodal créé sous la dynastie Yuan, où un chef de la minorité locale est chargé de gouverner cette minorité. Ces cheftaines se transmettent ce titre de façon héréditaire[14]. Pour M. Dévéria, à la fin du XIXe siècle (dynastie Qing), les Tu se transmettent leurs titres d'administrateurs de façon héréditaire. Ils auraient fait campagne contre des barbares méridionaux et les territoires leur auraient été cédés en retour[15]. Ce système a été aboli chez les Tu sous la république de Chine (1912-1949), le [14].
Chez les Tu du Qinghai, il y avait plus de 18 très petits tusi, dirigeants chacun 100 foyers, sous la dynastie Qing. En 1655, l'empereur Qing Shunzhi confère le titre de tusi de Dongli (东李土司) à Li Hualong (李化龙), qui sera le premier de la famille Li[16] ; Dongqi tusi (东祁土司), Xiqi tusi (西祁土司), Dongli tusi (东李土司), Xili tusi (西李土司), Ji tusi (吉土司), Na tusi (纳土司), Chen tusi (陈土司), Zhao tusi (赵土司), Xin tusi (辛土司), A tusi (阿土司), Ye tusi (冶土司), Gan tusi (甘土司), Zhu tusi (朱土司), La tusi (喇土司), Wang tusi (汪土司), Xiaoli tusi (小李土司).
↑(en) Nathan Hill, « compte rendu de Sam van Schaik, Tibet: A History, London and New York, Yale University Press, 2011 », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, Londres, School of Oriental and African Studies (Université de Londres), vol. 75, no 1, , p. 190-192 (DOI10.1017/S0041977X11001108, lire en ligne) : « "Finally, the remark that 'Yonten Gyatso [...] remains the only non-Tibetan to have held the role of Dalai Lama' (p. 177) presents a Monpa (sixth Dalai lama), and a Monguor (fourteenth Dalai Lama) as Tibetan although neither spoke Tibetan natively." »
Voir aussi
Bibliographie
P. L. Schram, Le Mariage chez les T'oujen du Kan-Sou (Chine), Changhai, impr. de la Mission catholique, coll. « Variétés sinologiques », (lire en ligne), chap. 58
(en) James B. Minahan, « Tu », in Ethnic Groups of North, East, and Central Asia: An Encyclopedia, ABC-CLIO, 2014, p. 268-269 (ISBN9781610690188)
(en) Louis M. J. Schram, The Monguors of the Kansu-Tibetan frontier : their origin, history and social organization, Philadelphie, American Philosophical Society, , 138 p. (OCLC470190137, lire en ligne)
(en) Louis M. J. Schram, The Monguors of the Kansu-Tibetan frontier (Part II) : Their religious life, Philadelphie, American Philosophical Society, (OCLC310657668, lire en ligne)
(en) Louis M. J. Schram, The Monguors of the Kansu-Tibetan frontier (Part III) : Records of the Monguor clans : History of the Monguors in Huangchung and the chronicles of the Lu family, Philadelphie, American Philosophical Society, (OCLC18723851, lire en ligne)
Mangghuerla bihuang keli / 土族民间故事 / Mangghuer Folktale Reader de Wang Xianzhen, édité par Zhu Yongzhang et Kevin Stuart. Enregistrements sonores et retranscriptions en pinyin de contes folkloriques des Tu En ligne sur archive.org.
(en) Kevin Stuart & Limusishiden, China’s Monguor Minority: Ethnography and Folktales, in SINO-PLATONIC PAPERS (Department of East Asian Languages and Civilizations, University of Pennsylvania), Number 59, December, 1994, 201 p.
(en) Keith W. Slater, A Grammar of Mangghuer : A Mongolic language of China's Qinghai-Gansu Sprachbund, London, New York, RoutledgeCurzon, , 382 p. (ISBN978-0-7007-1471-1, OCLC50961005)
(en) Dan Xu, The Role of Geography in the Northwest China Linguistic Area, Département Chine, Institut National des Langues et Civilisations Orientales (ISBN978-3-319-10039-5, OCLC5702575413)
(zh) Li Keyu, 青海汉语中的某些阿阿尔泰语言成分, coll. « 民族语文 », (Quelques éléments des langues altaïques dans le chinois du Qinghai).
(en) Zhu Yongzhong et Kevin Stuart, China’s National Minority Education : Culture, Schooling and Development, New York, Falmer Press, , 341–84 p., « Education among the Minhe Monguor »
(en) Gerald Roche (University of Melbourne’s Asia Institute), « The Tibetanization of Henan’s Mongols: ethnicity and assimilation on the Sino-Tibetan frontier », Asiane Ethnicity, vol. 17, , p. 128-149 (DOI10.1080/14631369.2015.1049244, lire en ligne)
(en) Zhu Yongzhong et Kevin Stuart, « Two bodhisattvas from the East’: Minhe Monguor funeral orations », Journal of Contemporary China, vol. 8, no 20, , p. 179-188 (DOI10.1080/10670569908724342)
(en) Kevin Stuart et Hu Jun, « Death and Funerals among the Minhe Tu (Monguor) », Asian Folklore Studies, Nanzan University, vol. 51, no 1, , p. 67-87 (DOI10.2307/1178422, présentation en ligne)
(en) Erald Roche et CK Stuart, Mapping The Monguor, Digital Himalaya/ lulu.com, coll. « Asian Highlands Perspectives » (no 36), 345 p. (ISSN1835-7741, OCLC2008944256, lire en ligne) (Creative Commons, Attribution-NonCommercial 3.0 Unported License)
(en) AHP 36 The Fourth Qinghai Provincial Tu (Monguor) Literature Forum (trad. Limusishiden et Ha MingZong), Asian Highlands Perspectives, (lire en ligne)