Le tirage au sort à Zurich[1] n'avait pas été des plus cléments, versant la Belgique dans la même poule que la Finlande et la Suède. Si la Finlande ne risquait en principe pas de poser de réel problème, il en allait tout autrement de la Suède, championne olympique en 1948 et troisième de la Coupe du monde 1950 au Brésil. Les chances de qualification semblaient dès lors bien maigres, d'autant plus que les Belges n'avaient plus disputé un match à enjeu depuis leur huitième de finale de Coupe du monde en 1938. Les Diables Rouges allaient cependant une nouvelle fois justifier leur appellation.
L'année débute toutefois par une défaite (3-1)[2] en déplacement face à l'Espagne dont le pressing haut et le tempo élevé avaient obligé Pol Anoul à s'attacher essentiellement à des tâches défensives.
La Belgique s'impose ensuite aux Pays-Bas (0-2)[3]. Les Pays-Bas produisaient une ligne d'attaque inédite et, bien que le repos fut atteint sur un score vierge, les Bataves doivent s'incliner sur deux buts inscrits en seconde période, le manque d'efficacité des néo-orangistes leur jouant un mauvais tour.
Le , les Diables Rouges reçoivent la Yougoslavie et s'inclinent (1-3)[4], Anoul sauvant l'honneur en fin de partie.
L'équipe belge s'embarque ensuite à destination de la Scandinavie fin mai alors que Bill Gormlie a déjà été remercié. Le stratège de Liverpool est à la barre de l'équipe nationale depuis 1947 sans avoir réellement démérité mais, sous l'impulsion de Jef Mermans, il est simultanément devenu entraîneur du RSC Anderlecht en 1950, un bon prétexte pour se débarrasser d'un entraîneur dont le penchant pour la dive bouteille exaspérait certains dirigeants fédéraux. Une réputation légèrement injustifiée car, s'il est vrai que Gormlie ne crachait pas sur un bon verre, il souffrait des séquelles d'un grave accident de jeu - gardien de but, il s'était violemment cogné la tête contre un de ses piquets - à la suite duquel il avait été trépané et qui lui donnait parfois l'impression d'être totalement ivre après n'avoir ingéré qu'un seul verre d'alcool. C'est donc encore toujours sous sa direction que les Diables Rouges remportent deux succès importants en Finlande (2-4)[5] et en Suède (2-3)[6], qui n'avait pas connu la moindre défaite à domicile depuis , et jettent les bases de la future qualification pour la phase finale en Suisse.
Pourtant, après vingt-six minutes de jeu à Stockholm, les journalistes se demandaient comment les Belges allaient bien pouvoir tenir la promesse d'adieux en beauté faite à leur entraîneur par Mermans avant la rencontre : « Today, Mister Gormlie, the Red Devils will play for you » (Aujourd'hui, Monsieur Gormlie, les Diables Rouges joueront pour vous). Ils étaient alors menés (2-0) et semblaient tout aussi bousculés que la mer, tumultueuse lors de leur traversée de la Baltique et qui avait donné le mal de mer à la plupart d'entre eux[7], avant d'arracher la victoire en inscrivant trois buts en dix minutes par Anoul, Straetmans et Lemberechts. Le lendemain, La Dernière Heure titrait : « Le miracle de Stockholm : la couverture Gormlie a étouffé le rouleau compresseur suédois ». Les Diables Rouges signaient là un nouvel exploit, la Suède possédait en effet l'une des meilleures formations d'Europe et allait le prouver dans ce même Råsunda Fotbollstadion quatre ans plus tard en y disputant la finale de la Coupe du monde 1958 face au Brésil.
À Helsinki, début août, la Suède doit se contenter d'un partage (3-3)[8], un succès belge à domicile face à la Finlande en septembre était dès lors suffisant pour asseoir la qualification des Diables Rouges, entretemps pris en main par l'Écossais Doug Livingstone. À dix minutes du coup de sifflet final, la Belgique mène encore (2-0) grâce à deux buts de Mathieu Bollen mais la défense tricolore se met à battre de l'aile et offre aux Finnois l'opportunité de rétablir l'égalité (2-2)[9]. Il convient toutefois de remarquer que la Finlande avait renforcé la qualité de sa ligne offensive en faisant appel à des joueurs actifs professionnellement dans le Championnat de France, notamment Rytkönen et Lehtovirta[10],[11], une chose assez exceptionnelle à une époque où la Belgique et les Pays-Bas, par exemple, s'évertuaient encore à sélectionner des amateurs ou à la rigueur des semi-professionnels.
La dernière explication contre la Suède, qui ne devait plus être qu'une formalité en principe, prend donc des allures d'ultimatum avec l'obligation pour les Belges d'engranger au moins un point face à une sélection scandinave, elle aussi, renforcée d'éléments professionnels[12]. Les Diables Rouges feront mieux, remportant la victoire (2-0)[13], en ne laissant aucune opportunité aux Suédois grâce à une défense solide ainsi qu'à un Rik Coppens et un Pol Anoul très remuants et inspirés.
La défaite en Hollande (1-0)[14], la première en dix-huit mois, et le nul en Suisse (2-2)[15] qui clôturent la saison ne suffiront pas à ternir le ciel bleu, l'objectif principal ayant été acquis : une quatrième participation à la Coupe du monde.
Cette année-là, la Fédération anglaise de football (The FA) fêtait ses 90 années d'existence et, pour l'occasion, une rencontre de prestige entre l'équipe d'Angleterre et une sélection de la FIFA avait été planifiée le à Wembley (4-4). En préparation à cette rencontre, la sélection multinationale affronte le FC Barcelone au Stade olympique d'Amsterdam trois semaines auparavant, le . Illustrant l'excellente réputation dont il bénéficiait même au-delà de ses frontières, Rik Coppens, qui allait devenir le tout premier lauréat du Soulier d'Or (meilleur footballeur belge de l'année) l'année suivante, fût invité au sein de la sélection FIFA. 60 000 spectateurs assistent à une véritable fête du football et voient Coppens et ses coéquipiers défaire le Barça (5-2)[16].
COLIN, François. Les Diables Rouges : 1900-2014 / François Colin ; [traduction du néerlandais : Étienne Terroir]. - Bruxelles : Racine, 2014. - 1 vol. (204p.) : ill., couv. ill en coul. ; (ISBN978-2-87386-892-5)
HUBERT, Christian. Le siècle des Diables rouges / Christian Hubert. - Bruxelles : Luc Pire, 2006. - 1 vol. (152p.) : ill., couv. ill en coul. (ISBN2-87415-684-1)
Collectif. Le Dictionnaire des Diables Rouges / Bruno Govers, Pierre Bilic, Claude Henrot, Bruno Dubois, Pierre Danvoye. - Bruxelles : Euro Images Productions, 2000. - 1 vol. (320p.) : ill., couv. ill en coul. (ISBN978-9-0766-2811-0)
GULDEMONT, Henry. 100 ans de football en Belgique: 1895-1995, Union royale belge des sociétés de football association / Henry Guldemont, Bob Deps. - Bruxelles : Vif éd., 1995. - 1 vol. (312 p.) : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 31 cm. (ISBN90-5466-151-8) (rel.).
HUBERT, Christian. Les diables rouges (édition revue et augmentée) / Christian Hubert. - Tournai: Gamma, 1981. - 1 vol. (253p.) : ill., couv. ill en coul. (ISBN2-7130-0494-2)